En pleine crise du logement abordable, Paris mène une bataille contre les loyers trop élevés. Depuis que la Ville a repris la responsabilité de l’encadrement du coût des locations il y a un an, elle a reçu plus de 1600 signalements, permettant à des centaines de locataires de récupérer, en moyenne, 159 euros (231 $) par mois.

Ce qu’il faut savoir

  • À Paris, les loyers sont plafonnés, en tenant compte de différents critères.
  • En un an, la Ville a reçu 1631 signalements pour non-respect des mesures d’encadrement des loyers, dont 60 % ont été retenus.
  • Même si les loyers restent stables, les Parisiens moins fortunés ont du mal à trouver des logis abordables.

« La plateforme mise en place par la Ville est assez efficace », juge David Rodrigues, juriste au volet logement à l’organisme CLCV (Consommation Logement Cadre de Vie), joint à Paris.

Contrairement au Québec, où le Tribunal administratif du logement (auparavant la Régie du logement) n’intervient que s’il y a mésentente, à Paris, un plafond est prédéterminé pour le coût du loyer. Fixé au mètre carré, ce montant varie selon le quartier, le nombre de pièces, la date de construction et l’ameublement, notamment. D’autres critères peuvent aussi influencer le prix – un appartement avec vue sur la tour Eiffel peut être loué plus cher qu’un logement donnant sur une façade banale, par exemple.

Jusqu’à l’an dernier, la préfecture était responsable de l’application des mesures d’encadrement des loyers, qui existent à Paris depuis juillet 2019.

La préfecture n’avait pas le temps de s’en occuper, ils ont dû faire une dizaine de sanctions en deux ans.

David Rodrigues, juriste au volet logement à l’organisme CLCV

La Ville a donc repris cette responsabilité et mis en place une plateforme de signalement en ligne. Elle a publié ses résultats la semaine dernière.

Une fraction des violations

Parmi les 1631 signalements effectués en 2023, environ 60 % ont été jugés recevables pour obtenir un remboursement de la somme versée en trop.

Ce chiffre ne représenterait qu’une fraction des violations au plafonnement des loyers dans la ville où des centaines de milliers de baux sont en vigueur.

L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), une association à but non lucratif, évaluait à 28 % le nombre de logis non meublés loués au-dessus du plafond en 2022, ses derniers chiffres accessibles, sur un parc locatif de 370 000 logements.. L’année précédente, c’était 30 %.

« On le constate, les locataires sont extrêmement frileux pour dénoncer les loyers », explique M. Rodrigues.

Parce qu’ils ont peur, en fin de compte, que le bailleur d’office les mette dehors – même s’il y a une procédure à suivre pour délivrer un congé, on ne peut pas le faire du jour au lendemain.

David Rodrigues, juriste pour le volet logement à l’organisme CLCV

D’autant que les infractions recensées par différents groupes et les signalements officiels à Paris touchent plus particulièrement les petites surfaces – les moins chères, louées par des ménages qui ne peuvent pas forcément se permettre plus. Un appartement d’une pièce qui dépasse le plafond du loyer, fixé selon la superficie, reste souvent moins coûteux qu’un logis plus grand qui respecte le prix au mètre carré.

Les locations à court terme montrées du doigt

Comme plusieurs grandes villes, Paris vit une crise du logement abordable depuis quelques années. Les listes d’attente pour les logements sociaux s’allongent. La hausse des taux directeurs des banques centrales rend plus difficile l’accès à la propriété. Des plateformes de locations touristiques à court terme, comme Airbnb, sont aussi montrées du doigt pour la réduction du parc locatif accessible aux Parisiens.

La Ville estime que dans certains arrondissements, les locations touristiques meublées peuvent représenter « jusqu’à 20 % de l’offre locative globale ». Elle a resserré ses règles dernièrement.

La situation ne se limite pas à Paris : selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de personnes sans domicile a doublé en 10 ans en France. Le premier ministre du pays, Gabriel Attal, a promis mardi un « choc d’offre » pour répondre à la crise du logement au pays, notamment à l’aide d’un soutien au logement intermédiaire, aux loyers un peu inférieurs au marché, pour aider les classes moyennes.

Critiques

Mais les mesures d’encadrement sont aussi critiquées. Ces règles et la politique énergétique contribuent aux problèmes de logements locatifs à Paris, estime Simon Arnaud, maître des conférences à l’Université Paris Dauphine-PSL, aussi rattaché à la chaire Ivanohé-Cambridge d’immobilier de l’UQAM. « Sur le marché locatif, on assistait à une baisse de la rentabilité locative qui décourage l’investissement », dit celui qui est aussi directeur scientifique de l’observatoire des loyers Clameur, qui analyse le marché.

Les bâtiments qui ne sont pas conformes aux normes de performance énergétique et climatique ne peuvent pas être loués sans rénovations, lesquelles peuvent être coûteuses pour des petits propriétaires.

M. Arnaud refuse de parler de « crise du logement », un terme trop souvent utilisé comme un « grand slogan », dit-il, pour une situation difficile depuis des décennies. « On peut dire que se loger à Paris, ça coûte cher », convient-il. La classe moyenne a quitté Paris au cours des 20 dernières années, faute de moyens pour s’y loger, explique-t-il. « Aujourd’hui, le profil social des habitants à Paris, c’est soit des ménages très qualifiés avec des revenus substantiels. Et on va trouver, à l’autre bout de la distribution, des gens qui sont dans des logements sociaux. »

Même si les prix restent élevés dans la capitale française, ils sont stables : le loyer moyen à Paris pour un logement de 30 m⁠2 est passé de 36,50 euros (53,10 $) le mètre carré en 2022 à 36,60 euros (53,24 $) en 2023, selon une étude de la plateforme LocService.

Avec Le Monde et l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 1603 $ (1102 euros)
    Loyer moyen pour un appartement de 30 m⁠2 (323 pi⁠2) à Paris
    Étude de 2023 de la plateforme LocService
    168 %
    Un loyer à Paris est 168 % plus cher qu’en province
    Étude de 2023 de la plateforme LocService