Une série qui vous présente des initiatives intéressantes déployées à l’étranger, dont pourrait s’inspirer le Québec.

(Amsterdam) Tous les matins, une chaîne téléphonique se met en branle dans les quartiers de Nieuwmarkt, Rivierenbuurt et De Pijp, à Amsterdam. Un groupe de voisins âgés se téléphonent tour à tour afin de s’assurer que tous se portent bien.

« Si ça ne répond pas, on se déplace pour aller s’assurer que la personne va bien. Qu’elle n’est pas tombée ou malade. C’est une façon de veiller les uns sur les autres », explique le Néerlandais Sjaak Blenk, 71 ans.

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Sjaak Blenk, 71 ans

L’homme qui habite une somptueuse maison d’Amsterdam explique que 28 « villages urbains » (Stadsdorpen en néerlandais) ont vu le jour depuis 13 ans dans différents quartiers d’Amsterdam. Le but de ces groupes qu’on pourrait aussi appeler des « voisinages bienveillants » est d’amener des voisins à se côtoyer pour s’entraider. Avec le vieillissement de la population aux Pays-Bas, ces groupes permettent de lutter contre la solitude et permettent à plusieurs aînés d’envisager de repousser leur déménagement en maison de retraite, explique M. Blenk.

Ex-enseignante, Marion Mulder, 71 ans, a réalisé au bout de quelques années de retraite qu’elle ne connaissait pas assez ses voisins. Désireuse de changer les choses, elle a créé un village urbain dans son quartier du nord de la ville il y a un an.

Elle explique que les groupes de voisinage bienveillant ne sont pas tous pareils. Certains misent plus sur les personnes âgées. D’autres intègrent les jeunes familles. « Il n’y a qu’une seule règle : il faut connecter », dit-elle.

Les villages urbains organisent souvent des activités. « Ce peut être très simple, comme aller ensemble voir un film, faire une promenade ou lire des livres », dit Mme Mulder. Plusieurs groupes organisent aussi des comités plus restreints « qui s’aident vraiment », ajoute-t-elle.

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Marion Mulder, 71 ans, a créé un village urbain dans son quartier du nord d’Amsterdam.

Tu peux aller faire l’épicerie de quelqu’un qui est malade. Lui préparer des plats. C’est une sécurité.

Marion Mulder, 71 ans

Sjaak Blenk venait pour sa part de déménager à Amsterdam il y a deux ans et demi quand il a réalisé qu’il ne connaissait personne. Il a bien tenté de tisser des liens avec un couple de jeunes voisins. En vain. Ceux-ci étaient trop occupés pour accepter ses offres de souper.

« Un jour, j’ai reçu un dépliant du “village urbain rose” et je m’y implique depuis », dit M. Blenk. Le village urbain rose s’adresse à la communauté LGBTQ+ de 50 ans et plus d’Amsterdam. « Dès ma première rencontre, j’ai tout de suite aimé ça. Ça m’a permis de connecter facilement avec des gens », dit M. Blenk.

Au cours de la dernière année, l’homme a organisé avec le village urbain rose des soirées où de jeunes membres de la communauté LGBTQ+ ont été invités à parler de vieillissement avec des aînés. « Certains jeunes n’ont pas de grands-parents LGBTQ+ qui peuvent leur dire ce que c’est, vieillir dans cette communauté. Et parler de la vie. Ç’a été fabuleux », dit M. Blenk.

Vivre en communauté

Rédactrice de la plateforme ZorgSaamWonen, qui s’intéresse aux questions de logement, de soins et de protection sociale, la gérontologue Yvonne Witter estime que « la solution au vieillissement de la population, c’est le voisinage ».

En plus des villages urbains, les Pays-Bas misent de plus en plus sur des initiatives de « communautés d’habitation » pour aider les personnes âgées à vivre à domicile plus longtemps.

Il n’y aura bientôt plus assez d’infirmières et de travailleurs pour prendre soin de tous les aînés. On veut que ceux-ci vivent le plus longtemps à domicile, mais pour ça, ça prend un voisinage.

Yvonne Witter, gérontologue et rédactrice de la plateforme ZorgSaamWonen

Mme Witter souligne que 920 000 personnes, jeunes et moins jeunes, vivent seules aux Pays-Bas. « Et ce sera 1,7 million d’ici 2040. Il faut trouver une solution pour briser cette solitude », dit-elle.

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Les villages urbains et les communautés d’habitations font partie des initiatives qui misent sur le voisinage pour répondre aux défis posés par le vieillissement de la population.

Mme Mulder habite la communauté d’habitation Acropolis, un îlot de 86 logements du nord d’Amsterdam. « Tout le monde doit donner quelque chose au groupe : jardiner, organiser une soirée de film ou de chant, dit-elle. On travaille aussi tous ensemble sur le terrain. Tout le monde se connaît. Ce n’est peut-être pas fait pour tout le monde. Mais pour moi, c’est très stimulant et rassurant. »

Déjà, entre 600 et 700 projets de communautés d’habitation existent aux Pays-Bas. « Et plusieurs autres sont à venir », dit Mme Witter.

Au cabinet du ministre de la Santé des Pays-Bas, on souligne qu’on « encourage les aînés à rester à domicile le plus longtemps possible ». Les aidants naturels et les bénévoles font partie intégrante des « soins aux aînés du futur », indique l’attaché de presse du ministre, Job Holzhauer.

En savoir plus
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    Nombre de villages urbains dans le Grand Amsterdam
    Source : Réseau de Stadsdorpen d’Amsterdam