(Rotterdam) La victoire électorale aux Pays-Bas du leader d’extrême droite Geert Wilders a provoqué une onde de choc au sein de l’élite politique en Europe, mais dans l’un des quartiers les plus pauvres du pays, son message fait mouche.

À Oud Crooswijk, au cœur de la ville portuaire de Rotterdam, de nombreux habitants disant lutter depuis des années pour joindre les deux bouts estiment que le sexagénaire à la célèbre coiffure peroxydée changera les choses s’il arrive à la tête du pays.  

Des vestiges des racines ouvrières du quartier subsistent, comme l’ancienne brasserie Heineken, tandis que d’anciens abattoirs et un dépôt de tramway ont cédé la place à des immeubles de logements sociaux vieillissants s’élevant sur quatre étages.  

Dans la rue principale du quartier, les seules traces visibles de la campagne électorale sont les affiches du parti Denk, signifiant « Pense » en français, qui se présente comme le parti des immigrés pour les immigrés.

Pourtant, dans ce « quartier populaire » de 8000 habitants, nombreux sont ceux qui déclarent avoir voté pour M. Wilders et son parti d’extrême droite et islamophobe, le Parti de la liberté (PVV).  

« Je suis à 80 % d’accord avec Wilders », déclare à l’AFP Rashida, 47 ans, en sortant d’une banque alimentaire. « Bien sûr, il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord », souligne cette femme d’origine marocaine.

« Mais pour l’essentiel, je crois qu’il peut apporter des changements », ajoute-t-elle, citant des problèmes tels que la crise du logement, la prise en charge des personnes âgées et le financement des soins de santé.  

« Les choses ont empiré sous le gouvernement précédent, alors pourquoi ne pas lui donner une chance ? Pim Fortuyn était autrefois mon voisin et c’était un homme honnête », conclut-elle en faisant référence à cet homme politique anti-immigration assassiné en 2022, en pleine campagne électorale.

Comme la plupart des personnes interrogées, Rashida a refusé de donner son nom de famille, par crainte d’être stigmatisée.

« Code postal le plus pauvre »

La pauvreté est la réalité de nombreuses personnes dans le quartier, coincé entre une autoroute au nord et le centre-ville de Rotterdam, observe Diego, un bénévole pour la banque alimentaire.  

« Vous pouvez le constater par vous-même », a-t-il déclaré, désignant un client recherchant des produits de première nécessité comme du lait, du pain, des œufs et des fruits.  

Le revenu annuel moyen d’une famille d’Oud Crooswijk est de 24 700 euros, bien en dessous de la moyenne de 34 000 euros aux Pays-Bas et inférieur à celui de la plupart des autres quartiers de Rotterdam.  

« C’est difficile pour nous », explique Kevin, 19 ans, d’origine cap-verdienne, qui vit dans un appartement de deux chambres avec sa sœur et sa mère.  

« Peut-être qu’il (Wilders, NDLR) pourra construire des maisons abordables pour les personnes vivant à trois ou plus dans des deux-pièces », espère ce jardinier.

Près d’un tiers des habitants du quartier sont d’origine marocaine, selon les chiffres du Bureau central des statistiques (CBS).   

D’autres viennent de Turquie et du Suriname ainsi que de pays d’Afrique. Environ 15 % des migrants du quartier sont d’origine « occidentale », selon le CBS.

En 2016, il a été désigné comme le « code postal le plus pauvre » du pays, selon les chiffres officiels de l’Institut néerlandais de recherche sociale.  

« Bordel dégueulasse »

Selon les habitants, peu de choses ont changé aujourd’hui – et les ménages de Rotterdam sont parmi les plus pauvres du pays, a rapporté CBS plus tôt ce mois-ci.

À l’extérieur, certaines devantures de magasins sont closes et plusieurs cafés ont été fermés définitivement.

Le magasin de viande, de légumes et général Ali Baba, proposant des produits importés de Turquie ainsi que de l’agneau et du poulet halal, reste lui très populaire.

Kostandy, 62 ans, vit dans la région depuis plus de 30 ans, et explique en sortant avoir voté pour le VVD, du premier ministre sortant Mark Rutte.

Pour lui, loin d’être découragé, « peu importe le parti qui gagne. Le plus important c’est qu’il (Wilders, NDLR) fasse du bien aux Pays-Bas et au peuple ». En arrêt maladie, il observe qu’il y a « beaucoup de problèmes », notamment le coût de la vie.  

Hennei Bouwman, une retraitée âgée de 79 ans, peste pour sa part que « tout est trop cher, il fallait le savoir parce qu’il y a trop de gens qui ne travaillent pas ».

Affirmant que le pays est « plein », elle indique avoir voté pour le PVV. « Il faut faire les choses différemment », dit-elle à l’AFP. « Ici, c’est un bordel dégueulasse. »