Le mardi 15 août, jour des Forces armées, plus de 2000 soldats polonais et des centaines de véhicules militaires, dont beaucoup flambant neufs, ont roulé dans les rues de Varsovie, près de la Vistule.

Ce qu’il faut savoir

  • La Pologne a annoncé à la mi-août l’achat de 700 véhicules de combat d’infanterie CBWP lourds qui seront destinés à accompagner des chars Abrams américains sur le terrain.
  • Cette initiative s’ajoute à plusieurs autres achats d’équipements militaires pour les armées de terre, de l’air et la marine, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
  • Le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, croit que d’ici deux ans, l’armée de terre de son pays sera devenue la plus puissante de l’Europe.

La veille, la Pologne avait annoncé l’achat de 700 véhicules de combat d’infanterie destinés à épauler 350 chars Abrams américains récemment commandés. C’est sans compter les récents achats de centaines de véhicules lourds destinés à accompagner un millier de chars coréens K2, 96 hélicoptères américains Apache, 500 lanceurs de missiles HIMARS, 48 avions de chasse coréens FA-50, 3 nouvelles frégates, etc.

Grisé, enivré, le ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak, plastronnait.

Le 15 août n’est pas seulement l’occasion de remercier nos soldats pour la défense de notre patrie. C’est aussi le jour idéal pour montrer notre force, montrer que nous avons construit une armée puissante […]. Dans deux ans, nous aurons l’armée de terre la plus puissante d’Europe.

Mariusz Błaszczak, ministre polonais de la Défense

Éloquentes, quelques statistiques vont dans ce sens.

En 2014, 15 ans après l’entrée du pays dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), les dépenses de la Pologne consacrées à la défense atteignaient 1,9 % du produit intérieur brut (PIB). Elles atteignent maintenant 3,9 % du PIB, plaçant le pays bon premier, devant les États-Unis (3,49 %).

Mieux encore, plus de la moitié (52,4 %) de ces dépenses militaires vont à l’achat d’équipements, plaçant encore une fois le pays au premier rang des pays de l’OTAN dans cette catégorie, selon des chiffres publiés en juillet par l’organisme.

PHOTO KACPER PEMPEL, ARCHIVES REUTERS

Soldats des forces militaires polonaises, durant le défilé du 15 août dernier, à Varsovie

On estime par ailleurs que le pays dépensera quelque 120 milliards d’euros en nouvelles armes d’ici 2035. Cela va s’accompagner d’une augmentation du nombre de militaires, soit 300 000, dont 200 000 actifs, comparativement à 175 000, dont 120 000 actifs, à l’heure actuelle.

Un pays exposé

Toute cette activité autour de l’armée polonaise survient à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, rappellent deux experts consultés par La Presse.

« La Pologne a la plus longue frontière avec l’Ukraine et, de ce fait, elle se sent exposée, indique Anessa Kimball, professeure titulaire de science politique à l’Université Laval. Elle partage aussi une longue frontière avec la Biélorussie, qui est considérée comme dans la poche de la Russie. Les Polonais vivent une crise de sécurité et de défense territoriale existentielle. »

Pour Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa, les craintes de la Pologne face au géant russe remontent à loin.

« La Pologne a une lourde histoire face à la Russie, qui deux fois a participé au démantèlement de son État », rappelle-t-il en faisant référence à une série d’annexions faites à la fin du XVIIIe siècle et aux attaques combinées de l’Allemagne et de l’URSS en septembre 1939 (début de la Seconde Guerre mondiale). « Elle se sent littéralement sur la ligne de front. »

Plaque tournante

Anessa Kimball, qui dirige aussi le Centre sur la sécurité internationale de l’Université Laval, rappelle que depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Pologne est devenue la plaque tournante pour la remise d’armes occidentales à l’armée ukrainienne.

Plusieurs compagnies militaires y ont investi des sommes importantes. Plusieurs entreprises y font la réparation des tanks envoyés en Ukraine. Des équipes sont en formation pour apprendre à réparer tous les types de chars donnés par l’OTAN.

Anessa Kimball, professeure titulaire de science politique à l’Université Laval

Enfin, depuis 2014, année de l’occupation de la Crimée par la Russie, les États-Unis ont fortement augmenté leur présence en Pologne. « Cette présence a quadruplé, dit Mme Kimball. Les Américains ont maintenant une base permanente et près de 10 000 soldats. »

« La Pologne est un allié solide de l’OTAN depuis son adhésion à l’OTAN en 1999 et constitue un pilier de la sécurité du flanc oriental », lit-on d’ailleurs sur le site internet du département d’État américain.

Tout ça n’est pas sans énerver Vladimir Poutine. Plus tôt en août, lorsque la Pologne a annoncé le déploiement de quelque 2000 soldats à la frontière avec la Biélorussie, en réponse à la présence de mercenaires du groupe Wagner, le président russe a lancé une mise en garde et déclaré que la Russie mettrait « tous les moyens à sa disposition » pour défendre ce rare pays allié.

Sources : OTAN, Statista, Le Figaro, France Inter, The Guardian

En savoir plus
  • Jour des Forces armées
    Chaque année en Pologne, le 15 août marque la victoire, en 1920, à la bataille de Varsovie, lorsque l’armée polonaise a repoussé l’ennemi russe dans sa tentative d’étendre le bolchévisme. L’évènement est aussi surnommé « Miracle de la Vistule ».
    SOURCE : GOUVERNEMENT DE LA POLOGNE
  • 29,1 milliards US
    Montant consacré par la Pologne à ses dépenses en matière de défense en 2023. Elle dépasse maintenant le Canada, dont le budget est de 28,95 milliards US.
    SOURCE : STATISTA