(La Haye) Un bureau international chargé d’enquêter sur le crime d’« agression » contre l’Ukraine a ouvert lundi à La Haye, ce qui constitue selon Kyiv un premier pas « historique » vers la création d’un tribunal spécial destiné à traduire en justice les dirigeants russes.

Cette forme de parquet a pour mission d’enquêter et de collecter des preuves, dans l’objectif de la tenue d’un procès à l’encontre de responsables civils et militaires russes impliqués dans l’invasion de l’Ukraine.

Le Centre international pour la poursuite du crime d’agression contre l’Ukraine (ICPA) regroupe des procureurs de Kyiv, de l’Union européenne, des États-Unis et de la Cour pénale internationale (CPI).

Il doit combler « un trou béant dans la responsabilité du crime d’agression » a déclaré le procureur général ukrainien Andriy Kostine, la CPI n’étant compétente pour juger ce crime que si le pays qui en est accusé est signataire du Statut de Rome-le traité international qui a entraîné la création de cette juridiction en 2002-ce qui n’est pas le cas de la Russie.

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De gauche à droite : le président de l’agence judiciaire de l’UE, Eurojust, Ladislav Hamran, le procureur général ukrainien Andriy Kostine et le procureur général adjoint des États-Unis Kenneth Polite

Un tribunal spécial afin de juger les dirigeants russes est désormais « inévitable », a ajouté M. Kostine lors d’une conférence de presse dans les locaux du siège de l’agence judiciaire de l’UE, Eurojust, à La Haye, dans lesquels est installé le nouveau parquet ICPA. « Nous sommes réunis ici à l’occasion d’un véritable moment historique – je dirais même d’un moment qui fera date. » 

Cette ouverture est « un signal clair que le monde est uni et inflexible lorsqu’il s’agit de tenir le régime russe responsable de tous ses crimes », a affirmé le procureur général ukrainien.

 « Si le crime d’agression n’avait pas été commis, il n’y aurait pas eu 93 000 autres incidents de crimes de guerre », a-t-il poursuivi.

Le chef d’inculpation de crime d’agression correspond, pour la CPI, à « l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État ». Il permet de poursuivre les dirigeants du pays.  

Le « crime d’agression » est similaire à la notion de « crime contre la paix » utilisée dans les procès de Nuremberg et de Tokyo au sortir de la Seconde Guerre mondiale.  

 « Une journée importante »

Au cours de la conférence de presse, le procureur de la CPI, Karim Khan, a salué l’ouverture du centre comme une « journée importante », affirmant que c’était la « première fois » que des preuves de crimes de guerre étaient déjà réunies au milieu d’un conflit.

La participation des États-Unis a ajouté du poids à la demande de création d’un tribunal spécial, même si Washington refuse toujours de devenir membre de la CPI.

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Le procureur général adjoint des États-Unis Kenneth Polite (à droite) était présent à la conférence de presse.

Le procureur général adjoint des États-Unis, Kenneth Polite, a déclaré que des représentants du Département de la Justice des États-Unis avaient remis une première série de preuves à l’ICPA.

Les États-Unis soutiennent également la création d’un tribunal spécial destiné à traduire en justice les dirigeants russes pour crime d’agression, a-t-il ajouté.

Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a assuré lundi que les alliés de Kyiv seraient « aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra ».

Les appels à la création d’un tribunal spécial dédié à la guerre en Ukraine se sont multipliés depuis l’offensive lancée le 24 février 2022 contre ce pays par la Russie.

La CPI, qui siège à La Haye, a lancé en mars un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour la déportation présumée d’enfants ukrainiens.

Certains des soutiens occidentaux de Kyiv craignent que l’initiative d’un tribunal spécial ne soit pas assez soutenue à l’ONU et plaident pour un tribunal hybride composé de juges ukrainiens et d’autres nationalités.