(Paris) La désescalade semble se confirmer en France. La soirée de lundi a été calme sur le front des violences urbaines, à la veille d’une reprise en main politique où Emmanuel Macron doit recevoir ce mardi les maires de quelque 220 communes « victimes d’exactions » à travers tout le pays.

Ce qu’il faut savoir

  • Le 27 juin, un adolescent de 17 ans, Nahel, a été tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre.
  • Les circonstances de sa mort ont suscité émotion et colère à Nanterre et dans la France au complet, qui a vécu plusieurs nuits d’émeutes.
  • Depuis le début des violences, 3200 personnes ont été interpellées, dont le tiers sont des mineurs.
  • Dans la nuit du 1er au 2 juillet, la maison du maire de L’Haÿ-les-Roses (dans la banlieue sud de Paris) a été attaquée à la voiture-bélier, alors que sa femme s’y trouvait avec leurs deux enfants.
  • La justice a ouvert une enquête pour « tentative d’assassinat ».
  • Lundi, des rassemblements étaient tenus devant des mairies à travers la France pour dénoncer les violences et appeler à un retour à l’ordre républicain.

Avec cette consultation des élus locaux, le président « souhaite débuter un travail minutieux et de plus long terme pour comprendre en profondeur les raisons qui ont conduit à ces évènements », a indiqué l’Élysée.

La journée de lundi a été marquée par de nombreux rassemblements à travers la France en soutien au maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, au lendemain de l’attaque à la voiture-bélier contre son domicile dans cette ville du Val-de-Marne.

Premier déplacement depuis le début de la crise, Emmanuel Macron s’est rendu en milieu de soirée avec son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à la caserne Bessières, dans le XVIIarrondissement de la capitale, qui accueille les effectifs de la Brigade anticriminalité (BAC) de nuit et de compagnies départementales d’intervention.

Dans la foulée, après minuit, il est allé à la préfecture de police de Paris, pour de nouveaux échanges, a ensuite précisé l’Élysée.

L’exécutif a demandé de maintenir « une présence massive » sur « le terrain », « pour conforter le retour au calme et à l’ordre », a fait savoir son entourage à l’AFP.

Plus tard dans la nuit, le chef de l’État a remercié dans un tweet policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers pour leur « mobilisation exceptionnelle ces dernières nuits ». « Je sais combien celles-ci ont été difficiles pour vous et vos familles. Vous avez mon soutien », a écrit Emmanuel Macron sur Twitter.

Le dispositif nocturne des jours précédents, soit un effectif maximal de 45 000 policiers et gendarmes, a ainsi été maintenu dans la nuit de lundi à mardi, sans incident majeur recensé dans la soirée.

Le nombre d’interpellations en Île-de-France a baissé lundi soir, comme lors des nuits précédentes : 17 à 23 h 30 contre une quarantaine la veille et plus de 400 jeudi dernier.

« J’ai pas réfléchi »

Ces émeutes nocturnes ont éclaté le 27 juin, jour de la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué d’un tir à bout portant par un motard de la police, à la suite d’un refus d’obtempérer à Nanterre. La scène a été captée par une vidéo amateur.

Selon les chiffres transmis à l’AFP par le ministère de la Justice, depuis vendredi, 3915 personnes ont été interpellées (dont 1244 mineurs), donnant lieu à 374 comparutions immédiates.

PHOTO VALERY HACHE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Manifestation à Nice, dimanche soir

À Strasbourg, des peines de prison ferme allant de quatre à dix mois ont été prononcées lors de ces audiences.

« C’était un vol opportuniste : c’était cassé, je n’ai pas réfléchi, je suis entré », a expliqué au tribunal Rayane, 26 ans, ressorti d’un magasin Zara « avec un gros paquet de vêtements sous le bras ».

Les principales organisations patronales françaises ont de leur côté appelé lundi le gouvernement à mettre en place des mesures de soutien en faveur des commerçants et entrepreneurs touchés, notamment un « fonds de secours » pour « ceux qui ont tout perdu ».

Les dégâts sont estimés par le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux, à un milliard d’euros.

« Sans compter les dégâts au niveau du tourisme. Les vidéos des émeutes, qui ont circulé dans le monde, dégradent l’image de la France », a déclaré le dirigeant du Mouvement des entreprises de France dans le Parisien.

Et en Île-de-France, l’heure est aussi au premier bilan : les émeutes ont causé « au moins 20 millions d’euros de dégâts » pour les transports publics, des bus brûlés au mobilier urbain cassé, selon une première estimation d’Île-de-France Mobilités (IDFM).

Cagnotte polémique

Du côté de l’enquête, le troisième occupant de la voiture conduite par Nahel, 17 ans, dont la mort causée par le tir d’un policier a suscité une vague de violences urbaines dans tout le pays, a été entendu lundi par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), a appris l’AFP de source proche du dossier.

PHOTO JULIEN DE ROSA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le troisième passager de la voiture conduite par Nahel a été interrogé par la police, lundi à Paris.

Recherché depuis les faits, cet homme s’est présenté de lui-même à 11 h devant la « police des polices ».

Le policier auteur du tir qui a tué Nahel a été mis en examen pour homicide volontaire et est toujours écroué.

Une cagnotte de soutien à l’agent a dépassé lundi sur l’internet le million d’euros, soulevant l’indignation d’élus de gauche.

La première ministre Élisabeth Borne a estimé qu’elle ne « contribue pas à l’apaisement » et ajouté que ce serait à la justice de se prononcer, « le cas échéant », sur la légalité de cette caisse de solidarité.