(Paris) La violente attaque à la voiture-bélier contre le domicile du maire d’une localité de banlieue parisienne a provoqué une indignation unanime en France, où un retour au calme s’est esquissé dans la soirée de dimanche après cinq nuits d’émeutes consécutives à la mort d’un adolescent de 17 ans, tué par un policier.

À 1 h 30 (19 h 30 heure de l’Est), les forces de l’ordre avaient procédé à 78 interpellations sur le territoire national, selon le ministère de l’Intérieur, et aucun incident majeur n’était signalé. À Paris et dans sa proche banlieue, 20 personnes avaient été interpellées à 1 h (19 h heure de l’Est), d’après la préfecture de police.

Le choc causé par l’agression visant le maire de L’Haÿ-les-Roses, commune de 30 000 habitants de la banlieue sud de Paris, avait fait passer au second plan la décrue des violences déjà constatée dans la nuit de samedi à dimanche dans de nombreuses villes.

Après ces faits, dans un contexte de recrudescence des attaques visant les élus, la population est invitée à se rassembler lundi à midi devant toutes les mairies de France.

Le président français Emmanuel Macron doit recevoir les présidents des deux assemblées également lundi, puis les maires de plus de 220 communes ciblées par les violences mardi. Il a aussi demandé à sa première ministre de rencontrer les présidents des groupes parlementaires lundi.

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La première ministre Élisabeth Borne a rencontré le maire de L’Haÿ-les-Roses Vincent Jeanbrun (à gauche) à la mairie.

Le chef de l’État souhaite, en outre, « débuter un travail minutieux et de plus long terme pour comprendre en profondeur les raisons qui ont conduit à ces évènements », selon l’Élysée.

En cinq nuits d’émeutes jusqu’à dimanche matin, le ministère de l’Intérieur a comptabilisé quelque 5000 véhicules incendiés, près de 1000 bâtiments brûlés ou dégradés, 250 attaques de commissariats ou de gendarmeries, et plus de 700 membres des forces de l’ordre blessés.

« Confiance en la justice »

Après ce déferlement de violences soudain sur un large territoire, les appels au calme commenceraient-ils à porter ? Dimanche après-midi, la grand-mère de l’adolescent tué mardi dernier à Nanterre, à l’ouest de Paris, lors d’un contrôle routier après un refus d’obtempérer a lancé un message aux émeutiers.

« Qu’ils ne cassent pas les vitrines, qu’ils ne cassent pas les écoles, pas les bus », a exhorté Nadia sur BFMTV.

« Fatiguée », « dévastée », elle a demandé que le policier auteur du tir mortel paye pour son geste « comme tout le monde », en assurant avoir « confiance en la justice ».

Quelques heures plus tôt, plusieurs responsables politiques ont craint qu’« un cap » ait été « franchi » lors de l’agression qui a visé le premier magistrat de L’Haÿ-les-Roses, dimanche vers 1 h 30 (19 h 30 heure de l’Est), quand une voiture-bélier chargée de produits incendiaires a pénétré dans l’enceinte de son domicile alors qu’il se trouvait dans sa mairie.

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La maison du maire de L’Haÿ-les-Roses

La justice a ouvert une enquête pour « tentative d’assassinat ».

En prenant la fuite avec ses deux jeunes enfants, l’épouse du maire Vincent Jeanbrun, Mélanie Nowak, conseillère départementale et adjointe au maire, s’est fracturé le tibia et a été hospitalisée pour être opérée.

« Il n’y a aucun doute sur le fait qu’ils voulaient brûler la maison » et, quand « ils ont compris qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur, loin d’arrêter au contraire, ils ont déclenché une salve de tirs de mortiers d’artifice qui était complètement folle », a témoigné Vincent Jeanbrun à la télévision.

« Jamais je n’aurais imaginé qu’on menace ma famille de mort », s’est-il indigné, appelant à « un sursaut républicain ».

Dispositif reconduit

Pour la troisième nuit consécutive, un dispositif massif a été maintenu en France, avec 45 000 gendarmes et policiers mobilisés.

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Manifestation à Marseille le 1er juillet

Saisi par une vidéo amateur venue contredire le récit initial livré par les policiers, le tir à bout portant d’un motard et la mort de Nahel, 17 ans, à Nanterre en lisière de la capitale ont choqué jusqu’au sommet de l’État, embrasé le pays et résonné bien au-delà des frontières françaises.

Plusieurs pays européens, dont la Grande-Bretagne, ont mis à jour leurs conseils aux voyageurs en leur recommandant de ne pas se rendre dans les zones concernées par les violences. Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est dit dimanche « préoccupé » par les émeutes en France.

Cette vague de violences et la colère de nombreux jeunes habitants des quartiers populaires contre les violences policières ou l’État ont rappelé les émeutes qui avaient secoué la France en 2005, après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. En trois semaines, 10 000 véhicules avaient été détruits, plus de 200 bâtiments publics incendiés et quelque 5200 personnes interpellées.