Un calme relatif semblait revenu en Russie, dimanche, au lendemain de la rébellion armée du groupe Wagner qui l’a mené à 400 km de Moscou. Le pays de Vladimir Poutine rapporte des dégâts dans la région de Voronej, frontalière de l’Ukraine, et plusieurs questions restent en suspens quant aux conséquences de ce coup de théâtre, selon des experts. Pendant ce temps, l’homme à la tête de cette rébellion, Evguéni Prigojine, n’a toujours pas donné signe de vie.

L’urgence passée

Signe que l’urgence de la crise était passée, les combattants de Wagner ont quitté dimanche les régions de Voronej et de Lipetsk, au sud de Moscou, selon les autorités locales.

Pour autant, dans la capitale russe comme dans sa région, le « régime d’opération antiterroriste » reste en vigueur. D’importantes patrouilles de police étaient déployées le long de la route menant à la sortie de Moscou dans le sud de la capitale, et lundi sera journée chômée à Moscou.

Or si, « sur le terrain, rien n’a changé, il est difficile de croire que, dans la tête des soldats russes, rien n’a changé », selon le titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa, Dominique Arel.

L’armée russe est en fait constituée de différentes factions, dont certaines relèvent d’intérêts privés, à l’image du groupe Wagner, rappelle son collègue, le professeur au Collège militaire royal du Canada Pierre Jolicœur. « Jusqu’à quel point les différents groupes armés vont-ils rester solidaires et chercher des appuis si on parle d’un changement de régime ? », se questionne-t-il.

Des maisons détruites en Russie

Une quinzaine de maisons et plus de 10 000 m⁠2 de chaussée ont été endommagés lors de la rébellion armée du groupe Wagner, ont annoncé dimanche les autorités locales, selon ce qu’a rapporté l’Agence France-Presse. Il s’agit d’un premier bilan partiel des évènements qui ont ébranlé le pouvoir russe durant la fin de semaine.

Dans la région de Voronej, frontalière de l’Ukraine, « 19 maisons ont été endommagées », a affirmé dimanche sur Telegram le chef du district de Pavlovsky. Ces dégâts ont eu lieu « à la suite d’un accrochage » le 24 juin, lorsqu’une colonne du groupe Wagner a traversé notre région, a-t-il précisé.

Le responsable local a ainsi confirmé que le convoi d’hommes de Wagner s’était heurté dans la zone à l’armée régulière, sans donner plus de détails sur les hostilités. Ni Wagner ni l’armée russe n’ont, à ce stade, communiqué officiellement sur d’éventuelles victimes liées à ces affrontements.

Le rôle de Loukachenko

Le rôle du président de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, dans la négociation ayant mené à la retraite d’Evguéni Prigojine vers son pays soulève également plusieurs questions.

PHOTO ALEXANDER ASTAFYEV, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Alexandre Loukachenko, président de la Biélorussie

C’est que malgré son titre de pays, la Biélorussie semble de plus en plus n’être qu’un État satellite de la Russie, comme l’a démontré le déploiement d’armes nucléaires par les Russes sur son territoire. Ainsi, le rôle de Loukachenko pourrait être celui d’un prête-nom pour les autorités russes afin de dissimuler un gênant compromis pour Vladimir Poutine qui aurait encore plus entaché son image, croit Pierre Jolicœur.

Et à ceux et celles qui croient que les évènements de la fin de semaine ne seraient qu’une mise en scène, on rappelle la rare sortie publique du président russe qui n’a pas joué en sa faveur. « Que Poutine s’autohumilie de la sorte dans le cadre d’un acte stratégique ? Ça ne tient pas », estime Dominique Arel.

Quel avenir pour Prigojine ?

Critique féroce de la stratégie militaire russe en Ukraine, Evguéni Prigojine échappera à toute poursuite judiciaire et pourra rejoindre la Biélorussie, a promis le Kremlin.

Or, plus de 24 heures après la crise, le chef du groupe Wagner n’avait toujours pas pris la parole publiquement, et on ignore où il se trouve. Il n’a d’ailleurs toujours pas confirmé lui-même l’accord conclu avec le président de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko.

Les autorités biélorusses ont répondu à la chaîne CNN qu’elles ne savaient toujours pas quel serait le statut de l’homme fort du groupe Wagner dans son nouveau pays d’accueil et ne pouvaient même pas confirmer s’il était arrivé.

Et pour le groupe Wagner ?

Les évènements des derniers jours surviennent alors que la Chambre basse du Parlement russe, la Douma, travaille à l’élaboration d’une loi visant à réglementer le groupe Wagner, toujours selon une officielle russe dont les propos ont été rapportés par CNN.

« Ce que le gouvernement nous annonce, c’est qu’il n’y aura plus de Wagner et qu’il n’y aura plus de Prigojine. Bon, peut-être, mais attendons de voir », soutient Dominique Arel. Après tout, le groupe Wagner a été pour la Russie « la force de frappe » sur le front de l’est, en Ukraine, rappelle-t-il.

Avec l’Agence France-Presse et CNN