(Moscou) Vladimir Poutine s’est posé lundi soir en garant de la paix intérieure en Russie, assurant avoir évité un bain de sang, lors de sa première déclaration publique depuis la brève rébellion de Wagner, que son chef Evguéni Prigojine a justifiée pour sauver le groupe paramilitaire et non pour s’emparer du pouvoir.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Le groupe paramilitaire Wagner a lancé une rébellion contre le commandement russe vendredi.
  • Les troupes d’Evguéni Prigojine ont pris le contrôle de sites militaires à Rostov avant de prendre la route vers Moscou.
  • Un accord a été négocié par le président biélorusse, Alexandre Loukachenko.
  • Le chef de Wagner a annoncé que ses troupes retournaient dans leurs camps.
  • Selon l’entente, aucune poursuite ne devait être engagée contre M. Prigojine et ses soldats.
  • Le Kremlin a assuré que M. Prigojine devrait s’exiler en Biélorussie.
  • Le chef de Wagner a annoncé lundi qu’il ne visait pas à renverser le pouvoir.

« Dès le début des évènements, des mesures ont été prises sur mes instructions directes afin d’éviter une grande effusion de sang », a affirmé le président russe dans une courte adresse télévisée à la nation, en accusant l’Ukraine et l’Occident de souhaiter « une telle issue fratricide ».

Peu auparavant, son homologue américain Joe Biden avait à l’inverse assuré que les Occidentaux n’étaient « pas impliqués » et n’avaient « rien à voir avec ces évènements », qualifiés de « problème interne à la Russie ».  

Remerciant les Russes pour leur « résilience », leur « unité » et leur « patriotisme », M. Poutine a déclaré que « cette solidarité citoyenne a montré que tout chantage […] est voué à l’échec ».

Se posant en garant du retour au calme, le dirigeant russe a ensuite fait savoir, par le porte-parole de la présidence, qu’il était « en réunion de travail » avec les principaux responsables de la sécurité du pays, notamment le procureur général, les ministres de l’Intérieur et de la Défense, et le directeur du FSB (service de sécurité). Il les a « remerciés du travail accompli pendant ces quelques jours ».

Aux membres de Wagner acteurs de la mutinerie, qui a mené certains à un peu plus de 200 km de Moscou, il a proposé d’intégrer l’armée régulière, de « rentrer dans leurs familles et chez leurs proches » ou de « partir en Biélorussie », pays allié où leur patron Evguéni Prigojine doit s’exiler, selon le Kremlin.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko va « très bientôt » prononcer une allocution, a annoncé une chaîne Telegram proche de la présidence, sans précision de date.

Lundi soir, M. Poutine a une nouvelle fois accusé le patron de Wagner, sans le nommer, d’avoir « trahi son pays et son peuple » tout en « mentant » à ses hommes.

Lundi soir, M. Poutine a une nouvelle fois accusé le patron de Wagner, sans le nommer, d’avoir « trahi son pays et son peuple » tout en « mentant » à ses hommes.

Dans la journée, Evguéni Prigojine avait lui justifié sa révolte par le fait qu’il voulait sauver son organisation, non s’emparer du pouvoir, et que sa tentative a mis en lumière les « graves problèmes de sécurité » en Russie.

Les autorités russes se sont efforcées tout au long de la journée de lundi de donner une image de normalité dans le pays, malgré ce grave coup porté en l’espace de 24 heures à l’image de Vladimir Poutine, en pleine contre-offensive ukrainienne.

Dans un message audio de 11 minutes, M. Prigojine n’a pas révélé où il se trouvait, alors que l’accord conclu samedi soir avec le Kremlin par l’entremise du président biélorusse Alexandre Loukachenko prévoit qu’il s’exile en Biélorussie.

Selon lui, la marche de ses hommes vers Moscou a « mis en lumière de graves problèmes de sécurité dans le pays », ceux-ci ayant pu s’emparer sans grande résistance du QG de l’armée à Rostov-sur-le-Don et de plusieurs autres sites militaires, couvrant 780 kilomètres avant de s’arrêter à « à peine plus de 200 km de Moscou ». Il a aussi assuré avoir eu le soutien des civils rencontrés lors de cette courte rébellion.

PHOTO ROMAN ROMOKHOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un homme s’est fait photographier avec des membres de Wagner, le 24 juin à Rostov.

Apparente normalité

Depuis des mois, le patron de Wagner accusait le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d’état-major Valeri Guérasimov d’être incompétents et d’avoir envoyé au sacrifice des dizaines de milliers de soldats.

Selon lui, le ministère de la Défense a essayé de démanteler Wagner en l’absorbant, puis a bombardé l’un de ses camps, faisant trente morts. Une accusation qu’avait démentie l’armée russe.

PHOTO TIRÉE D’UNE VIDÉO DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE RUSSE, FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou (au centre)

Sergueï Choïgou, qui s’était volatilisé pendant la rébellion, est réapparu plus tôt lundi dans une vidéo en train d’inspecter des forces engagées en Ukraine, sans qu’il soit possible de déterminer quand ces images ont été filmées.

Le groupe Wagner a par ailleurs assuré que son siège à Saint-Pétersbourg fonctionnait « normalement », tandis que le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov relevait que les paramilitaires allaient continuer leurs opérations au Mali et en Centrafrique.

L’organisation a aussi repris son recrutement dans certaines régions de Russie, selon l’agence TASS.

Autre signe de cet effort de retour à la normale, les autorités ont annoncé la fin du « régime d’opération antiterroriste » dans la région de Moscou et celle de Voronej, au sud de la capitale.

« Gros coup » pour Poutine

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des membres de Wagner à Rostov, le 24 juin

M. Prigojine, homme d’affaires qui fut un allié de Poutine chargé de remplir nombre des basses œuvres de Moscou, a mis fin à sa rébellion samedi soir, en échange d’une immunité promise par le Kremlin pour lui et ses hommes.

Mais lundi, les agences de presse russes ont toutes annoncé que l’enquête criminelle le visant pour « appel à la mutinerie armée » était toujours en cours.

Si le coup de force a pris fin aussi soudainement qu’il a débuté, cette crise représente le plus grand défi auquel M. Poutine a été confronté depuis son arrivée au pouvoir fin 1999.

De nombreux analystes estiment aussi qu’elle pourrait affaiblir les forces russes en Ukraine et profiter à Kyiv dans sa contre-offensive.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est rendu lundi dans la région de Donetsk, près du front de l’Est en Ukraine, son armée menant une contre-offensive dans cette zone et dans le Sud.

Selon la présidence, il « a rendu visite à des unités des forces armées du groupe opérationnel et stratégique de Khortytsia ». « Je tiens à vous remercier, à vous récompenser tous et à vous serrer la main avec une grande gratitude, vous, vos familles, vos parents », a-t-il dit aux militaires. « L’Ukraine est fière de chacun de vous ».

Plus tard, dans son traditionnel message quotidien, M. Zelensky a évoqué les « zones d’opérations actives sur le front », les régions de Donetsk et de Zaporijjia.

« Aujourd’hui, nos soldats ont progressé dans toutes les zones, et c’est un jour heureux. Je leur ai souhaité d’autres journées comme celle-ci », a-t-il déclaré.

Première apparition de Vladimir Poutine depuis la fin de la révolte

Lundi matin, pour la première fois depuis la fin de la révolte, Vladimir Poutine est apparu dans une vidéo dans laquelle il s’adresse à un forum consacré à la jeunesse et à l’industrie.