La région frontalière de Belgorod, en Russie, a été la cible d’une attaque d’une ampleur inédite, lundi, forçant l’évacuation de civils. Moscou n’a pas tardé à accuser Kyiv, qui rejette la faute sur des rebelles russes. Selon le Kremlin, cette nouvelle offensive sur son sol vise à « détourner l’attention » de la ville de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine, dont il revendique le contrôle.

Ce qu’il faut savoir

  • La région russe de Belgorod a été le théâtre de combats lundi.
  • Accusé par Moscou, Kyiv a démenti toute implication dans les affrontements. La légion Liberté pour la Russie, un groupe de citoyens russes combattant aux côtés des forces ukrainiennes, a revendiqué l’opération.
  • Selon le Kremlin, l’opération lancée lundi vise à « détourner l’attention » de la prise de Bakhmout.

Selon les autorités russes, « un groupe de sabotage et de reconnaissance de l’armée ukrainienne » a pénétré dans le district de Graïvoron, situé à la frontière ukrainienne, lundi.

Le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, a indiqué que les affrontements avaient fait huit blessés parmi la population. Une vidéo vérifiée par le New York Times montre également des nuages de fumée près de la ville de Belgorod.

PHOTO DE L’AGENCE SPOUTNIK, FOURNIE PAR REUTERS

Le gouverneur de la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov

« La situation reste extrêmement tendue, a déclaré M. Gladkov sur Telegram. Une grande partie de la population a quitté le territoire concerné. »

Il s’agit de la dernière d’une série d’attaques qui ont eu lieu au cours des derniers mois dans cette région frontalière de la Russie – et la première à avoir pris une telle ampleur.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Région russe de Belgorod, visée par une offensive inédite

Accusé par Moscou, Kyiv a démenti toute implication dans l’offensive, rejetant la faute sur des rebelles russes engagés dans l’armée ukrainienne.

L’opération a été revendiquée par la légion Liberté pour la Russie, un groupe de citoyens russes combattant aux côtés des forces ukrainiennes. « Le moment est venu de mettre fin à la dictature du Kremlin », a déclaré un homme se présentant comme le porte-parole du groupe sur Telegram.

Mis sur pied au début de la guerre, la légion Liberté pour la Russie a déjà revendiqué d’autres actions dans la même région dans le but de libérer le peuple russe du régime de Vladimir Poutine. « C’est tout de même un mouvement très marginal », nuance le spécialiste Dominique Arel.

Selon lui, les gains de l’offensive lancée lundi sont moins militaires que symboliques.

[L’offensive] démontre une faiblesse de la Russie qui n’est pas capable de protéger ses propres frontières. C’est très gênant, très embarrassant pour elle.

Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa

En réaction à l’attaque, le service de sécurité russe a annoncé l’entrée en vigueur d’un régime « antiterroriste » qui confère aux autorités des pouvoirs accrus pour mener des opérations armées, contrôler les civils ou évacuer les populations.

« Les forces armées russes, aux côtés des gardes-frontières, de la Garde nationale et des services de sécurité, prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer l’ennemi », a affirmé le gouverneur Viatcheslav Gladkov.

Tentative de diversion ?

Selon le Kremlin, l’attaque vise à « détourner l’attention » de la prise de Bakhmout. L’armée russe a revendiqué au cours du week-end la capture de cette ville clé située dans l’est de l’Ukraine au terme de mois de combats sanglants.

Lundi, le groupe paramilitaire Wagner, qui combattait aux côtés de l’armée russe, a annoncé qu’il retirerait complètement ses troupes d’ici le 1er juin. De son côté, Kyiv n’a pas confirmé la perte de Bakhmout, mais a admis ne plus contrôler que « certains bâtiments » dans la cité transformée en champ de ruines.

Au cours des derniers mois, la bataille de Bakhmout est devenue centrale à l’opération militaire russe en Ukraine. D’un point de vue stratégique, la ville n’a pourtant pas une haute valeur, note Dominique Arel.

Il semble que la stratégie russe [à Bakhmout] était d’épuiser ou de détruire les forces vives de l’armée ukrainienne.

Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa

Or, il semble que le contraire se soit produit, « que la Russie, finalement, est tombée dans son propre piège ». En effet, les pertes ont été très lourdes du côté russe, en particulier au sein des troupes du groupe Wagner.

« Cette armée privée de mercenaires a été dévastée au point qu’elle ne pouvait plus continuer », souligne Dominique Arel.

Il est trop tôt pour dire jusqu’à quel point la chute de Bakhmout influencera le cours de la guerre, estime Dominique Arel. Or, la Russie s’en trouve vraisemblablement affaiblie à l’heure où l’Ukraine prévoit lancer une contre-offensive majeure.

« La défense de Bakhmout remplit ses objectifs militaires », s’est félicitée la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar.

« Le potentiel offensif de l’ennemi a été considérablement réduit, l’ennemi a subi d’énormes pertes et nous avons gagné du temps », a-t-elle poursuivi.

Frappes sur Dnipro

PHOTO DU SERVICE D’URGENCE UKRAINIEN, FOURNIE PAR REUTERS

Un pompier combat un incendie dans un bâtiment de Dnipro à la suite d’une frappe russe.

Les autorités locales ont indiqué avoir intercepté au cours de la nuit des frappes d’une ampleur inédite sur la ville de Dnipro, dans le centre-est du pays, avec des missiles et des drones explosifs.

Sept personnes ont été blessées à Dnipro et sept autres dans la région lors de cette attaque réalisée à l’aide de « missiles de différents types » et de drones Shahed de fabrication iranienne, selon l’armée ukrainienne.

Dans la région de Kherson, dans le sud, un homme de 45 ans a été tué par un éclat d’obus lors d’une frappe, et des frappes russes dans la région de Donetsk, dans l’est, ont fait deux morts, selon les autorités ukrainiennes.

Avec l’Agence France-Presse, Le Monde et le New York Times