(Ottawa) Le cliché a fait le tour du monde et marqué l’imagination : le président français Emmanuel Macron assis en face de Vladimir Poutine, les deux hommes séparés de plusieurs mètres par une longue table, dans une somptueuse salle du palais du Kremlin, le 7 février 2022.

Le premier voulait convaincre le second de ne pas envahir l’Ukraine, avec le résultat que l’on connaît. Le chef de l’Élysée a maintenu, pendant un certain temps, un lien avec le maître du Kremlin, étant l’un des rares dirigeants occidentaux à le faire.

« Quels ont été les résultats ? Bien maigres. Mais au moins, on coche la case “Nous avons essayé”. Ça aurait pu être un reproche de l’Histoire », fait valoir en entrevue l’ambassadeur de France au Canada, Michel Miraillet.

« Certains ont voulu sous-entendre une certaine tolérance. Pas du tout, ce n’est pas du tout cela ! Certains détracteurs ont voulu imposer l’image d’un cavalier seul, mais non, ce n’est pas cela », enchaîne celui qui a déposé ses valises à l’imposante ambassade française de style Art déco, rue Sussex, en septembre dernier.

Le président Macron a « essayé de l’engager, et s’est aperçu que ça ne donnait rien », ce qui fait en sorte qu’« aujourd’hui, il n’y a plus de contact pour essayer de l’amener à une position cartésienne », insiste le chef de mission de Paris à Ottawa.

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron à Moscou, le 7 février 2022

C’est ce qu’a communiqué le dirigeant français dans un discours prononcé à la Conférence de Munich sur la sécurité, le 17 février dernier.

L’heure, a-t-il lancé, n’est « très clairement pas au dialogue », au contraire.

« Et donc, bien qu’espérant, si je puis dire, être surpris par la paix, nous sommes prêts à intensifier aujourd’hui, car les semaines et les mois qui viennent sont décisifs, et nous sommes prêts à un conflit prolongé », a souligné Emmanuel Macron.

Avions de chasse : « la nouvelle étape »

Contrairement à d’autres pays, dont le Canada, la France n’a pas livré de chars lourds – l’armée française possède des Leclerc – à l’Ukraine. En revanche, en annonçant l’envoi de chars légers, en janvier, Paris a ouvert la voie aux chars Leopard 2, dit l’ambassadeur.

« C’est un peu ça qui a provoqué cette prise de conscience, notamment des Allemands, avec un appui de la Pologne, de libérer les Leopard 2. Et de la même façon, les Américains ont annoncé la livraison de leurs chars Abrams », expose-t-il.

Même s’il faudra éventuellement un accord de paix, « cette perspective n’est pas devant nous ». La France a choisi de laisser de côté tout « conservatisme » en ce qui a trait à l’appui militaire à Kyiv, explique M. Miraillet.

PHOTO LUDOVIC MARIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Avion de chasse Mirage 2000 français

Il n’est ainsi pas exclu que la France équipe les Ukrainiens en avions de chasse, des Mirage 2000. « C’est la nouvelle étape, lâche l’ambassadeur. Le président n’a pas pris encore de décision, mais il a dit qu’il n’était pas fermé. »

Prendre les commandes d’un appareil de la sorte ne se fait pas du jour au lendemain, note-t-il toutefois : « Mettre un pilote sur un Mirage, ça veut dire pas mal de formation supplémentaire, et c’est la même chose pour un F-16 ou d’autres modèles. »

Macron à Pékin en avril

L’intensification de l’envoi de matériel militaire létal ne signifie pas que la France fait une croix sur les efforts diplomatiques. Le président français l’a signalé samedi dernier en annonçant qu’il reprendrait le bâton du pèlerin, cette fois pour se rendre à Pékin afin d’échanger avec le gouvernement chinois.

« Je pense que le fait que la Chine s’engage dans des efforts de paix est tout à fait bon. J’irai moi-même en Chine début avril », a déclaré le dirigeant français. À des journalistes qui lui demandaient s’il faisait confiance au régime chinois, il a plaidé que les « grandes puissances » ne pouvaient être ignorées.

« Donc derrière ça, la cohérence, c’est de ne livrer aucune arme à la Russie, qui est l’agresseur, et c’est de nous aider à convaincre la Russie de retirer ses troupes », a prévenu Emmanuel Macron, alors que Washington, de son côté, redoute que Pékin songe à armer Moscou.

Les détails sur le lieu où se tiendra la conversation entre Emmanuel Macron et Xi Jinping, ainsi que ceux sur l’apparence ou la taille de la table à laquelle ils s’assoiront, restent à préciser. Mais l’ambassadeur Michel Miraillet promet d’ores et déjà ceci : « le processus de paix, s’il y en a un, un jour, se fera aux conditions ukrainiennes ».