(Paris) « On croit au retrait de cette réforme » : avec des manifestants moins nombreux, mais toujours déterminés, les syndicats mobilisent jeudi pour la cinquième fois contre le projet de réforme des retraites pour maintenir la pression sur les députés, qui espèrent encore pouvoir débattre de l’âge légal d’ici vendredi minuit grâce au retrait de nombreux amendements.

En pleines vacances scolaires, à l’exception de l’Île-de-France et de l’Occitanie, la mobilisation s’annonce en baisse, les syndicats se projetant vers le 7 mars, où ils ont promis de « mettre la France à l’arrêt ».

« Je crois que la journée est réussie déjà », avec « beaucoup de participants », a cependant estimé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. « Le mécontentement, la détermination et la combativité sont intacts », a-t-il assuré depuis Albi, où les numéros un des huit principaux syndicats manifestent, pour « braquer le projecteur » sur cette France des villes moyennes très mobilisées.

« Les élus ne peuvent pas être indifférents quand il y a autant de monde dans la rue », a déclaré son homologue de la CGT Philippe Martinez.

« Fidèle au poste »

À Bordeaux, les rangs étaient beaucoup plus clairsemés que pour la 4e journée de mobilisation samedi (8000 participants contre 13 500 selon les autorités). Même chose à Toulouse, où les organisateurs ont compté 65 000 manifestants, et la police 14 000 (contre 100 000 et 25 000 samedi). À Douai et à Valenciennes, ils étaient 2000 selon la préfecture, contre 3200 samedi dans ces deux villes.

PHOTO EMMANUEL DUNAND, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des manifestants à Paris

Dans le cortège parisien, fort de 300 000 personnes selon la CGT, Estelle Hue Le Cloître, 47 ans, employée SNCF, a confié « compte[r] beaucoup sur le 7 mars ». « Je mets beaucoup d’espoir sur cette journée ».  

« L’idée aujourd’hui ce n’est pas de faire nombre, mais d’entretenir le souffle », a dit la N.2 de la CFDT, Marylise Léon.

« Je suis fidèle au poste, il faut s’accrocher un peu, en espérant qu’on ait un résultat », a déclaré à Strasbourg Jean-Marc Mutzig, 70 ans.  

Les perturbations sont limitées dans les transports, avec 14 % de grévistes à la SNCF et un trafic normal dans le métro parisien. Néanmoins, des vols ont été annulés et des agents d’EDF ont baissé la production d’électricité, sans provoquer de coupures de courant. Dans l’éducation, le ministère a fait état de 7,67 % d’enseignants en grève (contre 14,17 % le 7 février) avec deux zones sur trois en vacances.  

La police attend entre 450 et 650 000 personnes dans la rue, dont 40 à 70 000 à Paris.  

Faute de réussir à infléchir l’exécutif, l’intersyndicale a adressé un courrier aux parlementaires, hormis ceux du RN, pour leur demander de rejeter la réforme « et plus particulièrement son article 7 », qui porte le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

« On bloque tout »

Après plusieurs jours d’empoignades stériles, les députés abordent la dernière ligne droite des débats jusqu’à vendredi minuit, heure couperet de l’examen du texte avant sa transmission au Sénat.  

Pour accélérer, la gauche a décidé de retirer des milliers d’amendements. Mais il restait à la mi-journée 4070 amendements, dont 3896 de LFI, selon la députée Renaissance Aurore Bergé, qui a accusé les Insoumis d’avoir « peur du vote ».

PHOTO CHARLY TRIBALLEAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les manifestants à Albi

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a été de nouveau interpellé par la gauche sur le « flou » des chiffres concernant les conséquences de la réforme. « C’est la réforme Dracula : plus on l’éclaire, plus elle se transforme en cendres », a ironisé le député Jérôme Guedj.

« C’est lamentable ce qui se passe au Parlement », « il faut que ça avance », a déclaré à Albi le président de la CFTC Cyril Chabanier, à l’unisson de l’intersyndicale.

De son côté, le RN a déposé mercredi une motion de censure, pour savoir qui est « pour ou contre la réforme », selon sa cheffe de file Marine Le Pen.

Et répondre ainsi à Emmanuel Macron qui ironisait mercredi sur des oppositions qui « n’ont plus de boussole ».

Vote ou pas, les syndicats ont en vue la journée du 7 mars que M. Berger envisage comme « une immense journée de mobilisation ».

« Le 7 mars, on bloque tout, tout doit s’arrêter partout », a appuyé Jean-Luc Mélenchon (LFI) depuis Montpellier. Le secrétaire national du PS Olivier Faure a de son côté souligné à Paris que beaucoup de gens « hésit[aient] à faire grève » jeudi « pour se préparer pour ce grand mouvement du 7 mars ».

D’autres actions sont prévues le lendemain lors de la journée internationale des droits des femmes. Les principales organisations de jeunesse annoncent aussi une journée de mobilisation le 9.

De quoi donner des envies de grèves reconductibles à partir du 7 mars. Si l’intersyndicale n’y a pas appelé, certaines confédérations comme Solidaires y sont favorables. Les syndicats de la RATP l’ont déjà annoncé ainsi que la CGT éboueurs.