Le groupe de mercenaires russes Wagner recrute activement des détenus pour aller combattre en Ukraine et n’entend pas à rire avec ceux qui tentent de se défiler après avoir accepté la proposition.

La publication récente en ligne sur un compte lié à l’organisation d’une vidéo atroce dans laquelle un ex-détenu présenté comme un déserteur est apparemment exécuté avec une massue pourrait viser à décourager les recrues tentées de l’imiter.

Le dirigeant du groupe Wagner, Evguéni Prigojine, un proche collaborateur du président russe Vladimir Poutine, a d’abord salué publiquement l’exécution en relevant qu’il s’agissait, selon lui, d’un « magnifique travail » largement justifié par le comportement de la victime, décrite comme un « chien ».

PHOTO ALEXANDER ZEMLIANICHENKO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Evguéni Prigojine, dirigeant du groupe Wagner

Il est revenu sur ses propos quelques jours plus tard dans un communiqué relayé par l’Agence France-Presse où il nie toute responsabilité de l’organisation et accuse les services de renseignement américains d’être responsables de « l’enlèvement ».

Vanda Felbab-Brown, qui étudie les groupes armés non étatiques à la Brookings Institution, note que le groupe Wagner n’hésite pas à user de violence extrême dans les pays où il est déployé pour semer la terreur.

« Je ne serais pas surprise qu’ils utilisent la même stratégie pour les déserteurs », a relevé l’analyste tout en prévenant qu’elle ne pouvait garantir l’authenticité de la vidéo.

Envoyé en Ukraine

L’homme qui y figure s’identifie comme Evguéni Noujiine, un ex-détenu russe de 55 ans.

Selon The Guardian, il purgeait une peine de 24 ans de prison en Russie pour meurtre avant d’être libéré et recruté par le groupe Wagner pour être envoyé en Ukraine.

Le quotidien a interviewé son fils, Ilia Noujiine, qui s’est dit « horrifié » par le contenu de la vidéo.

Après avoir été pris par les forces ukrainiennes en septembre, l’ex-détenu russe avait déclaré dans une entrevue filmée qu’il avait prévu se rendre aux Ukrainiens dès qu’il le pourrait pour se soustraire au groupe Wagner.

Dans la vidéo de l’exécution, il affirme à la caméra avoir été enlevé alors qu’il se trouvait à Kyiv et emmené, inconscient, dans une cave pour être « jugé ». Une massue manipulée par une personne hors champ s’abat alors sur sa tête.

Une ONG travaillant sur le système pénitentiaire russe, Gulagu.net, a indiqué qu’Evguéni Noujjine pourrait avoir été remis au groupe Wagner après avoir été repris par les forces russes en Ukraine. La possibilité qu’il ait été transféré en Russie dans le cadre d’un échange de prisonniers survenu en novembre a aussi été évoquée.

Mme Velbab-Brown note qu’il serait beaucoup plus délicat pour le groupe Wagner de mener une exécution extrajudiciaire sur le sol russe que dans les zones occupées d’Ukraine, où le niveau d’impunité est « bien plus important ».

Des détenus recrutés

Le porte-parole du Kremlin, qui nie tout lien avec l’organisation de mercenaires, s’est borné à dire plus tôt cette semaine en réaction à la vidéo que « ça ne concernait pas » le gouvernement.

L’affaire est révélatrice des besoins en hommes du groupe Wagner, qui utilise normalement d’ex-militaires avec une grande expérience de terrain, note Mme Velbab-Brown.

L’analyste note que des affiches de recrutement de l’organisation sont apparues dans plusieurs prisons du pays cet été.

Des vidéos montrant Evguéni Prigojine lui-même en conversation avec des détenus ont ensuite circulé. Il y promet aux hommes présents qu’ils recouvreront leur liberté après avoir servi en Ukraine, mais précise qu’il ne peut garantir qu’ils en reviendront vivants.

Dans un extrait obtenu par la BBC, il ajoute que les recrues devront se conformer à plusieurs règles strictes. « Le premier péché est la désertion », prévient-il.

L’ONG Behind the Bars a affirmé à un média russe que des milliers de détenus avaient été recrutés de cette façon avant d’être envoyés au front, notamment des étrangers.

Le gouvernement zambien a demandé en début de semaine des explications à la Russie après avoir été informé qu’un de ses ressortissants avait été tué en Ukraine.

La victime, un étudiant de 23 ans, avait été condamnée en 2020 à neuf ans de détention pour des crimes non précisés et purgeait sa peine dans une prison de la région de Moscou.