(Kherson) Après huit mois d’occupation, les habitants de Kherson s’adaptent petit à petit à leur nouvelle vie sans l’armée russe, beaucoup se préparant déjà à affronter un hiver difficile et incertain.    

L’approvisionnement en électricité et en eau de la ville ayant été coupé après la destruction des principaux services publics par les Russes avant leur retrait, les habitants s’empressent de stocker des produits de première nécessité dans cette ville située dans le sud de l’Ukraine.         

Sur la place Svoboda, la principale de la ville, où quelques jours plus tôt des habitants s’étaient rassemblés pour célébrer la défaite russe face à l’armée ukrainienne, des habitants font désormais la queue pour pouvoir récupérer des cartes SIM, obtenir le versement de pensions et des bribes d’aide humanitaire parvenant à Kherson.       

Les premières vagues d’euphorie ont parfois cédé la place à de la frustration alors que des habitants de tous âges se précipitaient devant des foules désespérées essayant d’obtenir des dons de nourriture et de vêtements d’hiver, des bousculades éclatant alors que des volontaires lançaient des produits vers la foule.          

Sur un site de distribution improvisé, des volontaires ont tenté d’empêcher une foule de plusieurs centaines de personnes qui attendaient depuis des heures sous une pluie froide de sombrer dans une situation chaotique en établissant une liste d’attente contenant plus de 600 noms.        

« Premier arrivé, premier servi »

« Hier, c’était un bordel désastreux ici », déclare Maksym, 27 ans, un cheminot, qui faisait du bénévolat au centre de distribution et était également répertorié comme la 235e personne sur cette liste jeudi.   

« C’est premier arrivé, premier servi […] certains d’entre eux ne sont pas contents de cela », dit-il.     

À cet endroit, la foule récupérait des sacs de couchage, des piles et des couches auprès d’une organisation humanitaire locale en partenariat avec l’ONU.     

Alors que la foule attendait l’arrivée d’un arrivage de couvertures et de lampes à énergie solaire, peu semblaient prêter attention à des tirs d’artillerie alors que l’écho d’explosions indéterminées résonnaient dans les rues de la ville.     

« C’est la première fois que nous recevons de l’aide », déclare Tatiana Bozhko, 62 ans. « Nous sommes heureux. Nous savons que quelqu’un pense à nous ».     

La destruction du pont Antonivsky

D’autres scènes étaient plus chaotiques encore alors que des habitants se précipitaient vers des camionnettes où de l’aide était distribuée.

Des habitants se bousculaient pour obtenir des provisions de base comme de l’huile de cuisson, des pâtes et un assortiment de conserves à l’arrière des véhicules.

« C’est une honte pour la ville de Kherson », crie un habitant à une foule bruyante réclamant des dons de fournitures sur la place Svoboda.    

Mais malgré la ruée désespérée vers des approvisionnements, d’autres habitants continuaient à apprécier leur liberté retrouvée, quelques jours seulement après le retrait russe, beaucoup marchant dans les rues enveloppés dans le drapeau ukrainien bleu et jaune.   

« J’habite juste à côté d’une école de police où vivaient des Russes qui a été touchée par des Himars. Cela n’a provoqué que deux fissures sur l’une de mes fenêtres », lance Artem Zeytullayev, 37 ans, faisant allusion aux lance-roquettes multiples américains fournis à l’armée ukrainienne.    

Mais pour un autre habitant, Bozhko, les frappes incessantes sur le pont Antonivsky à proximité étaient terrifiantes, même si elles étaient indispensables à ses yeux.    

« C’était inévitable pour ramener la paix dans la région », confie cet habitant de Kherson, dont le père a participé à la construction du pont il y a des décennies. « J’ai eu très peur. »