(Rome) Avec ses déclarations pro-Poutine, l’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi a volé jeudi la vedette au président Sergio Mattarella, qui a entamé ses consultations en vue de la formation du gouvernement qui devrait être dirigé par Giorgia Meloni.

Les discussions que M. Mattarella mène avec les principaux acteurs institutionnels (présidents des chambres, chefs des groupes parlementaires…) ont été éclipsées par la tempête suscitée par les propos de Berlusconi, qui a affirmé avoir « renoué » avec Vladimir Poutine et a imputé à Kyiv la responsabilité de l’invasion de l’Ukraine.

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Sergio Mattarella

Son parti Forza Italia fait partie de la coalition dirigée par Mme Meloni, cheffe de Fratelli d’Italia, le parti d’extrême droite vainqueur des élections avec 26 % des voix.

Giorgia Meloni a réagi fermement aux propos de son allié : l’Italie fait « pleinement partie, et la tête haute, » de l’Europe et de l’Alliance atlantique et les personnes ne partageant pas cette position « ne pourront pas faire partie du gouvernement, même si le prix à payer est de ne pas avoir de gouvernement du tout ».

M. Berlusconi, qui a fêté ses 86 ans le 29 septembre, s’était exprimé devant des élus de son parti et ses propos ont fuité : « J’ai un peu renoué le contact avec le président Poutine,  un peu beaucoup, dans le sens où pour mon anniversaire, Poutine m’a envoyé 20 bouteilles de vodka et une très gentille lettre. J’ai répondu en lui envoyant des bouteilles de Lambrusco et une très gentille lettre. Il m’a dit que j’étais le premier de ses cinq vrais amis ».

Dans cet enregistrement audio, il semble faire porter la responsabilité de la guerre au président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui selon lui avait « triplé les attaques » contre les républiques séparatistes autoproclamées du Donbass.

Draghi à Bruxelles

Face à ces déclarations qui ont suscité un tollé en Italie et l’embarras au sein même de son parti, M. Berlusconi a cherché à rectifier le tir, précisant dans un communiqué mercredi soir que sa « position personnelle et celle de Forza Italia ne s’écartent pas de celle du gouvernement italien, de l’Union européenne, de l’Alliance atlantique ni sur la crise en Ukraine ni sur les autres grands sujets de politique internationale ».

Il a également souligné qu’il serait « impossible de parvenir à la paix si les droits de l’Ukraine ne sont pas protégés de manière adéquate ».

Les propos initiaux de Berlusconi vont à l’encontre de la profession de foi de Mme Meloni, résolument atlantiste et favorable au soutien à l’Ukraine, y compris en lui fournissant des armes, ainsi qu’aux sanctions contre Moscou.

Ils font aussi peser de sérieux doutes sur la cohésion du futur gouvernement, qui tangue déjà alors qu’il n’est pas encore nommé. Outre les questions de politique étrangère, les dirigeants des partis de la coalition, qui rassemble Fratelli d’Italia, Forza Italia et la Ligue antimigrants de Matteo Salvini, se déchirent sur le partage des portefeuilles ministériels.

Sauf accident, Mme Meloni devrait être rapidement chargée de former un gouvernement, peut-être dès vendredi après-midi, et prêter serment avec ses ministres ce week-end.

L’ancien président du parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, est donné favori pour les Affaires étrangères, et Giancarlo Giorgetti, un membre de la Ligue, déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, tient la corde pour l’Économie.

M. Draghi, qui se trouve à Bruxelles pour un Conseil européen, n’a pas manqué jeudi de faire entendre sa voix lui aussi : « L’appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN sont les pierres angulaires de notre politique […] et le meilleur moyen pour renforcer notre poids dans le monde […] et garantir notre sécurité ».