Olga Kulik a traversé la frontière entre l’Ukraine et la Hongrie après un long périple. L’octogénaire se bute à présent à un autre obstacle : un labyrinthe bureaucratique l’empêche de venir se réfugier au Canada, selon sa fille, une Québécoise d’origine ukrainienne venue la chercher à Budapest.

« Ma mère a vécu la Seconde Guerre mondiale à l’âge de 8 ans. Elle revit aujourd’hui le même traumatisme. Et la bureaucratie l’empêche de se réfugier au Canada », lâche Olena Polonska depuis sa chambre d’hôtel.

Cela fait déjà deux jours qu’elle est coincée à Budapest, en Hongrie, avec sa famille, sans avoir de date de retour. Son conjoint Martin Dubé et elle, résidants des Laurentides, ont fait le voyage pour venir chercher Olga, 88 ans, ainsi que Kristina – une amie de la famille – et sa fille Palina.

PHOTO FOURNIE PAR OLENA POLONSKA

Palina, 6 ans, Olga Kulik, 88 ans, et Kristina, 31 ans, à Vilok, en Ukraine

Grâce à sa fille, Olga a obtenu son visa une journée avant le début de la guerre. Il faut simplement qu’il soit imprimé dans son passeport.

« Pour Kristina et Palina, il faut soumettre une demande en ligne. Mais c’est compliqué. Nous avons des questions, mais personne à qui nous adresser », déplore Mme Polonska.

Impossible de joindre quelqu’un au téléphone pour leur faciliter la tâche.

On appelle à Ottawa, on tombe sur une boîte vocale. À l’ambassade à Budapest, personne sur place pour répondre à nos interrogations. On est bilingues. Imaginez ceux qui arrivent seuls, qui ne parlent ni anglais ni français. Ça me dépasse.

Olena Polonska, résidante des Laurentides

Venir se réfugier au Canada dans l’urgence nécessite beaucoup de paperasse. Oui, la procédure est accélérée, mais il faut produire des documents, les payer, les faire traduire, indique Mme Polonska.

« Je ne comprends pas pourquoi on n’offre aucune assistance en ukrainien. »

En attente de plus d’information et de soutien, le petit groupe se retrouve coincé en Europe.

Loin du danger

Olga Kulik est exténuée, dit sa fille. La réfugiée a quitté Zaporijjia, dans le sud-est de l’Ukraine, sous les bombes. Une trentaine d’heures de train et de taxi plus tard, elle est arrivée en lieu sûr.

S’enfuir dans la panique avec les cris des gens qui se bousculent a été éprouvant. « On dirait qu’elle a 10 ans de plus, décrit sa fille. C’était inhumain. J’ai reçu une vidéo, j’avais l’impression de regarder un film sur la Seconde Guerre mondiale. »

Mme Polonska et son conjoint ont reçu un accueil plutôt froid à l’ambassade du Canada mercredi matin en Hongrie. Le couple a pourtant tenté d’expliquer sa situation. « Des gardiens de sécurité qui parlaient hongrois nous ont refusé l’accès à l’ambassade. Le problème, c’est qu’on ne peut parler à personne. Ni au téléphone ni à l’ambassade », s’indigne M. Dubé.

Ce sont des femmes et des enfants. [Ces réfugiés] devraient pouvoir rentrer au Canada et ensuite faire la paperasse ici.

Martin Dubé, résidant des Laurentides

Dans l’hôtel où Mme Polonska loge, des mères et leurs petits regardent les employés l’air perdu, tenant fermement leur sac à dos. La majorité ne parle ni français ni anglais. Ils ne comprennent rien des procédures de demande d’asile.

Le Canada dispose d’une grande capacité d’accueil et d’une importante diaspora ukrainienne. « Après avoir promis un accueil à bras ouverts, je m’attendais à ce qu’une personne-ressource qui parle ukrainien soit sur place pour aider. Mais non. »

Jeudi, son conjoint et elle tenteront de poursuivre leurs démarches à Vienne.

Au moment où ces lignes étaient écrites, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’avait toujours pas répondu aux questions de La Presse.