Les États-Unis ont abandonné définitivement mercredi l’idée d’un transfert d’avions de combat pour aider l’Ukraine à se défendre, le jour même où Kyiv accusait la Russie de bombarder un hôpital pédiatrique de Marioupol, suscitant une vague d’indignation à travers le monde.

Les photos ont fait le tour de la planète. On y voit notamment une mère sur le point d’accoucher, transportée par des soldats à travers les décombres de la ville.

Aux dernières nouvelles, l’attaque contre l’hôpital pédiatrique et la maternité de Marioupol a fait 17 blessés, mais aucun mort, selon l’AFP.

« Quel est le crime de ces nouveau-nés ? Est-ce qu’ils peuvent mourir simplement parce que le leader du pays voisin est devenu fou ? », s’est indigné Andriy Shevchenko, ancien ambassadeur de l’Ukraine au Canada, qui parlait à l’invitation du Centre d’études en politiques internationales de l’Université d’Ottawa.

« Si on ferme le ciel au-dessus de l’Ukraine, on va sauver des vies innocentes », a plaidé M. Shevchenko, qui se trouve en Ukraine.

Le premier ministre britannique, Boris Johnson, a dénoncé une attaque « immorale ». L’ONU a rappelé qu’aucune installation de santé « ne doit être une cible », alors que la directrice générale de l’UNICEF, Catherine Russell, s’est dite « horrifiée » par le bombardement.

« Quel genre de pays, la Russie, a peur d’hôpitaux et de maternités et les détruit ? », a demandé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a dénoncé un « crime de guerre ». Moscou a répondu que l’hôpital n’était plus en service depuis le début de « l’opération spéciale » et que les médecins avaient été « dispersés par des militants du bataillon Azov ».

« Les habitants boivent l’eau des calorifères »

Il était environ 15 h mercredi quand deux avions russes ont survolé le centre historique de Marioupol, dans le sud-est de l’Ukraine.

Quatre déflagrations ont retenti successivement dans cette ville assiégée depuis plus d’une semaine. « C’étaient des bombes très puissantes, l’une d’entre elles a laissé un trou de 10 mètres de diamètre au centre-ville », relate Petro Andriouchenko, conseiller du maire depuis le début de la guerre.

PHOTO EVGENIY MALOLETKA, ASSOCIATED PRESS

Immeuble de logements de Marioupol

Les bombes ont frappé l’hôpital pédiatrique et la maternité de Marioupol. Les enfants malades et les femmes sur le point d’accoucher ont été transférés d’urgence vers le dernier hôpital encore en activité dans cette ville qui, en temps normal, compte près d’un demi-million d’habitants.

Les deux établissements ne sont plus que des coquilles hors service, explique Petro Andriouchenko en entrevue avec La Presse.

Cette attaque contre des infrastructures médicales exacerbe la situation tragique de Marioupol, où 350 000 habitants qui n’ont pas pu fuir sont piégés sans eau ni électricité. Les « couloirs humanitaires » censés permettre l’évacuation de civils sont régulièrement pris pour cible par les tirs russes.

Petro Andriouchenko a quitté Mariopoul mercredi à la recherche de ravitaillement humanitaire. « Les Russes nous tiraient dessus pendant qu’on essayait de sortir de la ville », raconte-t-il.

La situation humanitaire est tragique à Marioupol, confirme Stephen Cornish, directeur des opérations pour Médecins sans frontières. Les pharmacies sont vides, les habitants se terrent dans les caves pour se protéger des bombardements incessants. Il n’y a plus d’eau, plus d’électricité, plus de gaz, plus de médicaments.

« Les habitants de la ville boivent l’eau de leurs calorifères », relate Stephen Cornish.

Mardi, une fillette de 6 ans a été trouvée morte de déshydratation, dit Petro Andriouchenko. « Notre système de distribution d’eau a été détruit ; pendant quelque temps, nous avons utilisé l’ancienne pompe qui amène l’eau de la rivière », raconte-t-il.

L’eau n’était pas vraiment potable, mais au moins, il y en avait. « Mais il faut du diésel pour faire fonctionner la pompe et nous n’avons plus de diésel. »

Les Marioupolitains en sont donc réduits à faire fondre la neige pour s’hydrater, raconte Petro Andriouchenko, qui travaillait en tourisme avant la guerre. Et pour se nourrir, ils cuisinent au bois dans les rues. Quand ils ne doivent pas courir vers un abri à cause des bombes.

Petro Androuchenko explique que devant l’intensité des attaques russes, les habitants de Marioupol éprouvent un sentiment de rage. « On dirait que les Russes veulent tous nous tuer. »

Selon la mairie, les neuf jours de siège russe sur Marioupol ont fait un total de 1207 morts parmi les civils.

Dans un bilan officiel mercredi, l’ONU a pu confirmer la mort de 516 civils dans tout le pays depuis le début de l’agression russe. Mais le nombre réel de victimes est « beaucoup plus élevé », précise-t-elle.

  • Des volontaires tentent de protéger des statues devant la cathédrale Saint-Georges de Lyiv.

    PHOTO KAI PFAFFENBACH, REUTERS

    Des volontaires tentent de protéger des statues devant la cathédrale Saint-Georges de Lyiv.

  • De nombreuses familles quittaient mercredi la ville d’Odessa, dans le sud du pays.

    PHOTO BULENT KILIC, AGENCE FRANCE-PRESSE

    De nombreuses familles quittaient mercredi la ville d’Odessa, dans le sud du pays.

  • Beaucoup de réfugiés transitent en train par Lviv, ville près de la Pologne.

    PHOTO PAVLO PALAMARCHUK, REUTERS

    Beaucoup de réfugiés transitent en train par Lviv, ville près de la Pologne.

  • Des militaires aident un homme à traverser la rivière d’Irpine, où un pont a été détruit de manière préventive.

    PHOTO REUTERS

    Des militaires aident un homme à traverser la rivière d’Irpine, où un pont a été détruit de manière préventive.

  • Les militaires transportent également des poussettes et des enfants hors d’Irpine.

    PHOTO VADIM GHIRDA, ASSOCIATED PRESS

    Les militaires transportent également des poussettes et des enfants hors d’Irpine.

  • Ces réfugiés attendent le départ de leur autobus de la région de Kyiv.

    PHOTO FELIPE DANA, ASSOCIATED PRESS

    Ces réfugiés attendent le départ de leur autobus de la région de Kyiv.

  • Les funérailles de soldats ukrainiens morts au combat ont été célébrées mercredi à Lviv.

    PHOTO YURIY DYACHYSHYN, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Les funérailles de soldats ukrainiens morts au combat ont été célébrées mercredi à Lviv.

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Quelque 35 000 civils ont été évacués mercredi de plusieurs villes assiégées par des couloirs humanitaires, a par ailleurs annoncé le président Zelensky.

Pas d’avions pour l’Ukraine

Les États-Unis ont par ailleurs rejeté formellement l’idée d’un transfert d’avions de combat à Kyiv. La Pologne avait annoncé mardi être « prête à déplacer sans délai et gratuitement tous ses avions MiG-29 sur la base de Ramstein [en Allemagne] et à les mettre à la disposition des États-Unis ».

Le Pentagone a toutefois jugé que donner des avions à l’Ukraine entraînerait un risque trop élevé d’escalade.

La Russie est une puissance nucléaire et personne ne sortira gagnant si ce conflit sanglant devient encore plus sanglant. Nous sommes conscients de cette menace.

John Kirby, porte-parole du Pentagone

« Les services de renseignement estiment que le transfert de MiG-29 à l’Ukraine pourrait être perçu comme une surenchère et pourrait entraîner une réaction russe importante qui augmenterait la perspective d’une escalade militaire avec l’OTAN », a ajouté John Kirby.

Kyiv demande depuis des jours la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son territoire. À défaut de quoi les Ukrainiens demandent des avions pour combattre.

« La question des avions est d’une importance cruciale pour nous. La Russie a changé son approche tactique. Depuis le début du mois de mars, elle vise des infrastructures civiles. Ça explique pourquoi on demande une zone d’exclusion aérienne pour protéger les civils », fait valoir Andriy Shevchenko.

L’Allemagne a également rejeté mercredi l’offre de la Pologne. « Nous devons réfléchir très soigneusement à ce que nous ferons, et ça n’inclut certainement pas des avions de chasse », a dit le chancelier Olaf Scholz.

PHOTO REUTERS

Justin Trudeau et Olaf Scholz

Justin Trudeau, qui était à ses côtés mercredi, a dit souhaiter « une désescalade du conflit, une fin du conflit ».

Sur le front, les Russes ont continué leur progression vers Kyiv. Ils se trouvent désormais à une quinzaine de kilomètres de la capitale. La Russie a par ailleurs pour la première fois reconnu la présence de conscrits en Ukraine.

Des négociateurs russes et ukrainiens doivent se rencontrer ce jeudi en Turquie pour un nouveau cycle de pourparlers. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, estime que « la Turquie peut parler à la fois à l’Ukraine et à la Russie ».

Avec l’Agence France-Presse et la Deutsche Welle