(Londres) La justice britannique a fixé jeudi au 4 janvier sa décision sur la demande d’extradition de Julian Assange, réclamé par les États-Unis qui veulent le juger pour la diffusion de centaines de milliers de documents confidentiels.

En attendant cette décision, attendue donc après la présidentielle américaine du 3 novembre, le fondateur de WikiLeaks restera emprisonné, a précisé la juge Vanessa Baraitser à l’issue de près de quatre semaines d’audiences à la cour criminelle de l’Old Bailey, à Londres.

La justice américaine veut juger l’Australien de 49 ans notamment pour espionnage. Il risque 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.

Les États-Unis reprochent au fondateur de WikiLeaks d’avoir mis en danger des sources des services américains, ce qu’il conteste. Parmi les documents publiés figurait une vidéo montrant des civils tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007, dont deux journalistes de l’agence Reuters.

Les avocats d’Assange dénoncent quant à eux une procédure « politique » basée sur des « mensonges ». Or, selon eux, l’accord américano-britannique interdit selon elle « expressément » les extraditions pour les « infractions politiques ».

Il revient à la justice britannique de déterminer si la demande américaine d’extradition qui lui est soumise respecte un certain nombre de critères légaux, et notamment si elle n’est pas disproportionnée ou incompatible avec les droits humains.

« Service public »

Des partisans de Julian Assange, dont son père et sa compagne, se sont réunis jeudi devant l’Old Bailey, procédant notamment à un lâcher de ballons pour les 14 ans de WikiLeaks.

Au fil des quatre semaines d’audiences, de nombreux soutiens se sont succédé à l’extérieur dont la créatrice de mode Vivienne Westwood ou lundi l’artiste et dissident chinois Ai Weiwei, qui a protesté en silence.

« Il n’y a aucune preuve qu’une seule personne ait souffert physiquement à cause de ces publications », a martelé jeudi à l’issue de l’audience sa compagne Stella Morris, soulignant que les auteurs des « crimes perpétrés en Irak ou en Afghanistan » ne sont pas en prison. « Julian, si ».

 « C’est un combat pour la vie de Julian, un combat pour la liberté de la presse et un combat pour la vérité » , a ajouté l’avocate, avec qui il a eu deux enfants pendant qu’il était réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres. « Julian est puni pour avoir réalisé un service public dont nous avons tous bénéficié. » 

Julian Assange a été arrêté en avril 2019 après sept ans derrière les murs de la représentation diplomatique équatorienne, où il s’était réfugié après avoir enfreint les conditions de sa liberté sous caution, craignant une extradition vers les États-Unis.

À l’audience, la défense d’Assange a cité des témoins, dont l’identité n’a pas été dévoilée pour des raisons de sécurité, qui ont affirmé que l’enlèvement ou même l’empoisonnement du fondateur de WikiLeaks avaient été envisagés. Ils citaient le patron d’une société accusé en Espagne d’avoir espionné Assange dans les locaux de l’ambassade pour le compte d’« amis américains ».

Les conseils d’Assange ont également affirmé que Donald Trump avait, par l’intermédiaire d’un ancien élu américain, proposé de gracier Assange s’il disculpait la Russie dans la fuite d’courriels internes au parti démocrate, qui avait affaibli sa rivale Hilary Clinton à la présidentielle de 2016. Une affirmation démentie par la Maison-Blanche et l’ex-élu.

Le fondateur de WikiLeaks est emprisonné à la prison londonienne de haute sécurité de Belmarsh, où ses conditions de détention ont été dénoncées par le rapporteur de l’ONU sur la torture.

Selon un psychiatre qui l’a examiné, l’Australien présente un risque de suicide « très élevé » s’il devait être extradé vers les États-Unis.

Les pulsions suicidaires de M. Assange « proviennent de facteurs cliniques […] mais c’est l’imminence de l’extradition qui déclenchera la tentative », a déclaré le psychiatre Michael Kopelman lors d’une audience fin septembre, estimant que son état « se détériorera considérablement » s’il est extradé.