La Russie a laissé retomber mercredi le scandale après avoir annoncé à grand fracas l'interpellation d'un agent américain qui recrutait un membre des services spéciaux russes selon la presse pour enquêter dans le Caucase après les attentats de Boston.

Le conseiller du Kremlin Iouri Ouchakov a dit s'étonner mercredi de la tentative d'espionnage «grossière et maladroite» tout en estimant que l'épisode n'avait «rien d'extraordinaire» et que la coopération entre les deux pays ne serait pas affectée après cet incident.

Les services spéciaux russes (FSB) ont annoncé mardi avoir arrêté en flagrant délit Ryan Fogle, troisième secrétaire de l'ambassade américaine, affublé d'une perruque, en possession d'une importante somme d'argent et d'un «arsenal classique d'espion».

Le FSB a précisé qu'il tentait de recruter un officier russe chargé de la lutte contre le terrorisme dans le Caucase russe.

«Nous sommes étonnés, c'est le moins qu'on puisse dire, par le fait qu'une tentative de recrutement grossière et maladroite ait lieu alors que les présidents Obama et Poutine ont exprimé la volonté d'intensifier la coopération entre les services spéciaux», a déclaré un conseiller de M. Poutine, Iouri Ouchakov.

Il a par ailleurs annoncé que le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev allait apporter aux États-Unis un message du président Vladimir Poutine à Barack Obama comportant «un paragraphe clair sur la nécessité et l'importance de la coopération entre les services spéciaux».

Après avoir dénoncé la veille «une provocation dans l'esprit de la guerre froide», la diplomatie russe n'a de son côté pas donné suite publiquement.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a affirmé n'avoir pas parlé d'espionnage avec son homologue américain John Kerry en marge d'une rencontre en Suède mardi soir.

L'ambassadeur américain Michael McFaul convoqué au ministère des Affaires étrangères après l'incident, s'est vu pour sa part signifier mercredi «une protestation».

«Les parties ont également discuté de l'élargissement de la base législative des relations bilatérales ainsi que de certains aspects de l'agenda international», a ajouté la diplomatie, dans une déclaration contrastant avec la rhétorique enflammée de la veille.

Selon le quotidien Kommersant mercredi, l'Américain cherchait des informations sur les suspects des attentats commis à Boston le 15 avril, originaires du Caucase russe.

Il a tenté d'établir des contacts personnels avec un agent russe dans le Caucase où vit la famille des frères Tsarnaev, dont l'un a été tué et l'autre arrêté aux États-Unis.

Après les attentats, une délégation américaine s'était rendue à Makhatchkala, capitale du Daguestan, une république instable du Caucase russe voisine de la Tchétchénie, où vivent les parents des frères Tsarnaev.

«Ils étaient particulièrement intéressés par le séjour l'an dernier du frère aîné au Daguestan, lors duquel il aurait rencontré des rebelles et choisi la voie du jihad», selon le journal.

«Les Américains avaient besoin d'un agent antiterroriste russe. Après leur visite à Makhatchkala, ils se sont rendu compte que les frères pourraient avoir des adeptes», a estimé le journal.

Or, «l'échange d'informations officielles entre les services spéciaux n'est pas toujours rapide et efficace», a estimé Kommersant.

Alors que les attentats de Boston, qui avaient fait 3 morts et plus de 200 blessés le 15 avril, avaient révélé que les services russes et américains coopéraient dans le domaine antiterroriste, la presse américaine s'est fait l'écho samedi dernier de reproches faits à la partie russe, qui aurait retenu des informations «cruciales» sur les frères Tsarnaev.

Les experts russes ont estimé que l'affaire n'aurait pas d'impact majeur sur les relations bilatérales.

«Les Américains ne font rien que n'auraient fait d'autres services secrets au monde y compris les nôtres», a renchéri Nikolaï Kovalev, ex-directeur du FSB et député du parti au pouvoir Russie unie.

Valéri Garbouzov, directeur adjoint de l'institut USA-Canada rappelle que le dernier scandale d'espionnage avec l'expulsion des États-Unis en 2010 de dix agents russes avait été vite réglé.

Moscou et Washington «vont faire en sorte que tout retourne à la normale», a estimé l'expert cité par gazeta.ru.