Selon le média spécialisé Carbon Brief, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait se traduire par une hausse importante des émissions de gaz à effet de serre (GES) en provenance des États-Unis. Mais un revers de Joe Biden lors de la prochaine élection présidentielle porterait-il pour autant un coup fatal à la lutte contre les changements climatiques ?

L’élection présidentielle aura lieu dans huit mois. Comment peut-on prédire ce que fera Donald Trump, s’il est élu évidemment ?

Comme le signale Carbon Brief dans son analyse1, l’ancien président républicain a clairement indiqué son intention d’annuler rapidement plusieurs politiques climatiques mises en place par Joe Biden. Il a aussi mentionné qu’il souhaiterait exploiter encore plus les combustibles fossiles disponibles sur le territoire des États-Unis. « S’il prend le pouvoir, il va faire ce qu’il dit, croit Hugo Séguin, fellow du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal. À go, ça va être drill, baby, drill. »

Et qu’est-ce qu’il a dit justement, Donald Trump ?

« Nous allons forer, bébé, forer. Nous avons plus d’or liquide sous nos pieds, d’énergie, de pétrole et de gaz que n’importe quel autre pays au monde. Nous avons beaucoup de revenus potentiels », a-t-il déclaré lors d’un rassemblement en février dernier avec des électeurs républicains. Il a également qualifié les énergies renouvelables de « nouvelle escroquerie commerciale ».

Comment peut-on conclure pour autant que son retour se traduirait par une hausse des émissions de GES des États-Unis ?

L’analyse de Carbon Brief repose entre autres sur une méta-analyse parue en juin dernier dans la revue Science. Des chercheurs américains ont alors établi que l’Inflation Reduction Act avait le potentiel de réduire les émissions de GES des États-Unis de 43 % à 48 % d’ici 2035, par rapport au niveau de 2005. Cette législation du président Biden vise notamment à accroître les investissements dans les énergies renouvelables et l’électrification des transports. Or, Donald Trump s’est engagé à saborder cette mesure phare de l’administration Biden.

PHOTO MASON TRINCA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Centrale solaire de Riesel, au Texas, en août 2023. Le secteur de l’énergie solaire texan a bénéficié des investissements offerts par l’Inflation Reduction Act.

On parle d’une hausse importante des GES si Trump remporte l’élection. C’est quand même vague comme affirmation.

Selon Simon Evans et Verner Visainen, auteurs de l’analyse de Carbon Brief, le retour du milliardaire à la Maison-Blanche pourrait se traduire par une hausse des émissions de GES de 4000 millions de tonnes d’ici 2030, soit l’équivalent des émissions annuelles de l’Union européenne et du Japon réunies, ou encore celles des 140 pays dont les émissions sont les moins élevées. « En d’autres termes, les 4 gigatonnes de CO2 supplémentaires d’un second mandat de Trump annuleraient – deux fois plus – toutes les économies réalisées grâce au déploiement de l’énergie éolienne, solaire et d’autres technologies propres dans le monde au cours des cinq dernières années », écrivent les deux experts.

À quel point ces chiffres sont-ils fiables ?

Les deux experts reconnaissent que leurs résultats pourraient varier, à la baisse comme à la hausse, et qu’ils ne tiennent pas compte des incertitudes concernant l’économie ou le prix des carburants et des technologies dans les prochaines années. Ils n’ont pas tenu compte par ailleurs de la promesse de Donald Trump de soutenir encore plus l’extraction de combustibles fossiles.

Mais Joe Biden n’a-t-il pas lui-même approuvé des projets d’exploitation de combustibles fossiles ?

Vous avez raison. Il a notamment donné le feu vert au printemps 2023 à un projet de forage pétrolier en mer de Beaufort, au large de l’Alaska. La société ConocoPhillips prévoit d’extraire l’équivalent de 576 millions de barils de pétrole pendant une trentaine d’années.

PHOTO WIKIMEDIA COMMONS

Le site de forage pétrolier Northstar Island, une île artificielle dans la mer de Beaufort, au large de l’Alaska

Une victoire de Donald Trump en novembre signifierait-elle la fin des haricots pour la lutte contre les changements climatiques à l’échelle mondiale ?

Il n’y a pas de réponse simple à cette question, soutient Hugo Séguin. « Le monde s’est habitué à travailler sans les États-Unis sur les enjeux climatiques », précise-t-il. « Les élections sont importantes. Absolument. Mais en perspective, la différence de 4 gigatonnes entre aujourd’hui et 2030 représente environ 0,66 % des émissions mondiales (actuelles) au cours de la même période. Les États-Unis représentent environ 10 % des émissions mondiales. C’est important, mais il en va de même pour de nombreux autres pays », a écrit sur la plateforme X le scientifique américain Jonathan Foley.

Ce ne serait donc pas si grave finalement pour le climat ?

Hugo Séguin croit qu’il ne faut pas sous-estimer l’influence d’un éventuel retour de Donald Trump à la présidence. « Ça va amener un vent glacial qui va geler ou ralentir la transition énergétique. Son retour pourrait nous éloigner de nos objectifs et aussi décomplexer d’autres gouvernements de droite qui pourraient prendre des mesures similaires. » Il craint aussi une sorte de « chasse aux sorcières » contre les États et les villes et leurs politiques climatiques. « Aux États-Unis, on parle de plus en plus des normes ESG [qui évaluent entre autres la performance environnementale d’une entreprise] comme de capitalisme woke. Ça va être beaucoup plus difficile pour la transition énergétique. »

1. Consultez l’analyse de Carbon Brief (en anglais)