(New York) Le Joe Biden faible et confus que se plaisent à décrire les républicains a cédé sa place à un Joe Biden s’exprimant d’une voix forte et ferme jeudi soir lors du traditionnel discours sur l’état de l’Union.

Confronté au mécontentement et au doute, le président sortant a défendu avec vigueur et combativité sa conception de la démocratie dans le monde et aux États-Unis, tout en vantant ses réalisations et en définissant ses propositions économiques pour aider une classe moyenne au pouvoir d’achat malmené.

Il a aussi improvisé pour répondre aux commentaires de certains républicains présents dans l’hémicycle de la Chambre des représentants, dont la représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene, coiffée d’une casquette rouge MAGA.

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À huit mois de l’élection présidentielle de 2024, l’occupant de la Maison-Blanche n’a pas prononcé une seule fois le nom de son adversaire probable, Donald Trump. Mais il a offert un discours quasi électoral, attaquant à maintes reprises celui qu’il a désigné plusieurs fois par les mots « mon prédécesseur », lui reprochant notamment ses « mensonges » sur l’élection présidentielle de 2020 et ses positions vis-à-vis de Vladimir Poutine et de l’OTAN.

« Il n’y a pas si longtemps, un président républicain, Ronald Reagan, lançait : “Monsieur Gorbatchev, démolissez ce mur.” Aujourd’hui, mon prédécesseur, un ancien président républicain, dit à Poutine : “Faites ce que vous voulez.” C’est ce qu’a dit un ancien président américain, en s’inclinant devant un dirigeant russe », a déclaré Joe Biden au début de son discours d’environ 60 minutes.

« C’est scandaleux. C’est dangereux. C’est inacceptable. »

Le président a enchaîné en mettant au défi les républicains du Congrès d’adopter un projet de loi déjà approuvé au Sénat et destiné notamment à fournir une aide militaire supplémentaire de 60 milliards de dollars à l’Ukraine.

« L’histoire nous regarde, a-t-il dit. Si les États-Unis se retirent maintenant, ils mettront l’Ukraine en danger. L’Europe en danger. Le monde libre sera en danger, ce qui enhardira ceux qui nous veulent du mal. »

Mon message au président Poutine est simple. Nous ne nous déroberons pas. Nous ne nous inclinerons pas. Je ne m’inclinerai pas.

Le président Joe Biden

Le problème de l’âge

Joe Biden a attendu à la toute fin de son discours pour aborder l’éléphant dans la pièce : son âge avancé, qui fait croire à la majorité des électeurs américains qu’il ne devrait pas solliciter un deuxième mandat, selon les sondages.

Après avoir fait allusion à Donald Trump en affirmant que « certaines personnes de mon âge […] voient une histoire américaine faite de ressentiment, de vengeance et de châtiment », il a ajouté : « Au cours de ma carrière, on m’a dit que j’étais trop jeune et trop vieux. Que je sois jeune ou vieux, j’ai toujours su ce qui perdure. »

« Mes chers compatriotes, le problème auquel notre nation est confrontée n’est pas l’âge que nous avons, mais l’âge de nos idées », a-t-il enchaîné quelques instants plus tard.

La haine, la colère, la vengeance, le châtiment font partie des idées les plus anciennes.

Le président Joe Biden

Deux autres moments forts du discours ont porté sur les droits reproductifs et la gestion de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

« Dans sa décision d’annuler l’arrêt Roe c. Wade, la majorité de la Cour suprême a écrit : “Les femmes ne sont pas dépourvues de pouvoir électoral ou politique” », a déclaré Joe Biden en montrant du doigt les juges du plus haut tribunal du pays présents dans l’enceinte.

Puis, en référence à Donald Trump, il a ajouté : « Il est clair que ceux qui se vantent d’avoir annulé Roe c. Wade n’ont aucune idée du pouvoir des femmes en Amérique. Mais ils l’ont découvert lorsque la liberté de reproduction a été mise aux voix et lorsqu’elle a gagné en 2022, 2023, et ils le découvriront de nouveau en 2024. Si les Américains m’envoient un Congrès qui soutient le droit de choisir, je vous le promets : je rétablirai Roe c. Wade en tant que loi du pays. »

« Dites son nom »

Après avoir exhorté les républicains du Congrès à adopter le projet de loi bipartisan négocié au Sénat pour sécuriser la frontière sud, Joe Biden a été interrompu par Marjorie Taylor Greene, qui lui a crié : « Dites son nom. » Elle faisait référence à Laken Riley, une étudiante de 22 ans tuée sur le campus de l’Université de Géorgie par un migrant vénézuélien relâché après son arrestation pour vol.

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Marjorie Taylor Greene, coiffée d’une casquette rouge MAGA et vêtue d’un t-shirt portant la mention « Dites son nom »

Le président a alors exhibé un macaron portant le nom de Laken Riley. Dans son échange avec la représentante de Géorgie, il a utilisé le mot « illégaux » pour parler des migrants, un terme populaire chez les républicains, mais proscrit chez les démocrates.

Le président a tout de même profité de l’occasion pour demander à son prédécesseur d’encourager ses alliés au Congrès à adopter le projet de loi pour sécuriser la frontière.

Joe Biden a consacré une partie importante de son discours aux questions économiques. Il a vanté son bilan, évoquant notamment les 15 millions d’emplois créés depuis le début de son mandat, le taux de chômage le plus bas en 50 ans et les 16 millions d’Américains qui ont lancé des entreprises depuis janvier 2021.

Cela ne fait pas la une des journaux, mais dans des milliers de villes et de villages, le peuple américain est en train d’écrire la plus grande histoire de retour jamais racontée.

Le président Joe Biden

Il a aussi multiplié les propositions pour réduire les coûts des familles des classes moyenne et ouvrière. Et il a promis des politiques fiscales aux antipodes de celles de Donald Trump. Il a notamment plaidé en faveur d’une hausse du taux d’imposition des entreprises à un minimum de 21 %, et de celui des milliardaires à 25 %.

Travail « sans relâche »

Le président a confirmé sa décision d’ordonner à l’armée américaine d’établir un quai flottant à Gaza pour acheminer par la mer des centaines de camions d’aide supplémentaire dans l’enclave palestinienne. Le quai serait relié à la terre par une chaussée temporaire, selon la Maison-Blanche.

« Nous avons travaillé sans relâche pour établir un cessez-le-feu immédiat qui durerait au moins six semaines », a encore dit Joe Biden, tout en réitérant sa foi dans une solution à deux États pour régler le conflit israélo-palestinien.

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Kate Cox (deuxième à partir de la gauche), qui a lancé une action en justice pour pouvoir mettre fin à une grossesse risquée en décembre dernier, et la journaliste et militante Maria Shriver (à gauche) avaient été invitées par la première dame Jill Biden (à droite).

Le message de Joe Biden sur les droits reproductifs a également été illustré par la présence de Kate Cox parmi les 20 invités de la première dame Jill Biden. Cette mère de Dallas a lancé une action en justice pour pouvoir mettre fin à une grossesse risquée en décembre dernier. Après que la Cour suprême du Texas a suspendu une décision d’une juge de première instance lui permettant d’avorter, elle a dû quitter son État pour obtenir un avortement d’urgence.

Désireux d’offrir un contraste frappant avec un président octogénaire, les dirigeants républicains du Congrès ont confié à la plus jeune des sénatrices, Katie Britt, 42 ans, la réplique de leur parti. Élue dans l’Alabama en novembre dernier, elle a dénoncé la façon dont Joe Biden a géré la frontière sud, un des thèmes préférés des républicains.

« Le président Biden a hérité de la frontière la plus sûre de tous les temps. Mais quelques minutes après son entrée en fonction, il a suspendu toutes les expulsions, arrêté la construction du mur frontalier et annoncé un plan d’amnistie pour des millions de personnes », a déclaré la sénatrice, qualifiant le démocrate de « leader tergiversant et affaibli ».