Un scandale de contamination alimentaire sème l’émoi au sud de la frontière. Des centaines d’enfants qui auraient consommé des sachets de compote de pommes à la cannelle ont été empoisonnés au plomb l’an dernier aux quatre coins des États-Unis.

Une enquête du New York Times publiée en manchette, mardi, a révélé les défaillances du système de salubrité alimentaire américain. Elle montre que la Food and Drug Administration (FDA), une agence chargée d’inspecter les entreprises alimentaires étrangères qui exportent aux États-Unis, n’avait pas réalisé d’inspection chez le transformateur de la compote Austrofood depuis cinq ans. Par la suite, les produits contaminés sont passés à travers les mailles du filet et n’ont pas été testés.

En date du 9 février, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont recensé 101 cas confirmés, 284 cas probables et 37 cas suspects. Ces 422 cas sont survenus dans 44 États différents à la suite de la consommation de la compote vendue sous la marque WanaBana. La compote aurait aussi été distribuée à Cuba et aux Émirats arabes unis.

« L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a pris connaissance du rappel qu’a émis WanaBana USA aux États‑Unis en raison de concentrations possiblement élevées de plomb. L’ACIA a été en contact avec les autorités américaines au cours de cette enquête. L’ACIA n’a pas été informée d’une distribution des produits rappelés sur le marché canadien », nous a écrit l’agence par courriel.

L’empoisonnement au plomb peut provoquer des tremblements, des vomissements et des problèmes neurologiques.

Cannelle en cause

La contamination proviendrait de la cannelle cultivée au Sri Lanka puis expédiée en Équateur, où elle était réduite en poudre chez un autre fournisseur, Negasmart. C’est probablement à cette étape que la contamination se serait produite, pense la FDA.

PHOTO ANA MARIA BUITRON, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

L’usine de production d’Austrofood à Sangolquí, en Équateur

La cannelle a été contaminée par du chromate de plomb, une poudre parfois utilisée illégalement pour teinter ou alourdir les épices. Une enquête pour élucider les causes de cette contamination a été déclenchée par les autorités équatoriennes.

Les échantillons de cannelle analysés par la FDA ont montré des niveaux « extrêmement élevés » de plomb : 5110 parties par million (ppm) et 2270 ppm. La norme internationale est plutôt de 2,5 ppm.

Pas d’inquiétudes au Québec

Mathieu Valcke, toxicologue et conseiller scientifique spécialisé à l’Institut national de santé publique du Québec, explique qu’aujourd’hui, un empoisonnement au plomb est rarissime.

On parle de cas où il y a quelque chose qui a cloché dans le système et où il y a eu des expositions très, très fortes, mais il ne faut certainement pas être inquiets que les poches de compote que l’on achète à l’épicerie au jour le jour dans la normalité des choses vont présenter un danger. Pas du tout.

Mathieu Valcke, toxicologue et conseiller scientifique spécialisé à l’Institut national de santé publique du Québec

De son côté, le Centre antipoison du Québec dit avoir reçu, depuis 2019, « peu ou pas » d’appels, soit moins de cinq par année, en lien avec des expositions au plomb chez les enfants. Ils n’avaient pas de lien avec la consommation d’une compote de pommes.

Pour le spécialiste du monde agroalimentaire Sylvain Charlebois, ce scandale révèle à quel point la traçabilité peut être difficile dans un monde où les chaînes d’approvisionnement sont mondialisées. « Le problème, c’est que la gestion des chaînes d’approvisionnement va devoir changer, parce que pendant des années, c’était : où est-ce qu’on peut le faire le moins cher possible ? Où est-ce qu’on retrouve l’ingrédient le moins cher dans le monde ? », explique-t-il.

« À un moment donné, il va falloir passer à un autre modèle. Se rapprocher des marchés de plus en plus. Parce que dans ce genre d’affaire là, c’est toujours difficile de monitorer l’ensemble de la chaîne constamment, et au bout du compte, on expose des enfants à des risques. »