(Washington) L’ex-juge américaine Sandra Day O’Connor, première femme à siéger à la Cour suprême des États-Unis et considérée comme une voix de la modération en son sein, est morte vendredi à l’âge de 93 ans.

Choisie en 1981 par le président républicain Ronald Reagan, dont c’était la première nomination - à vie - à la Cour suprême, elle avait pris sa retraite en 2006, notamment pour pouvoir aider son mari John O’Connor, atteint de la maladie d’Alzheimer et mort en 2009.

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Le président Ronald Reagan en compagnie de Sandra Day O’Connor lors d’une rencontre à la Maison-Blanche, en juillet 1981

Après elle, cinq autres juges femmes ont été nommées à la Cour suprême, dont quatre actuellement en fonction, soit le record pour cette institution.

Sandra Day O’Connor avait elle-même annoncé en 2018 quitter la vie publique pour combattre « la démence, probablement la maladie d’Alzheimer ».

Elle s’est éteinte vendredi matin à Phoenix, capitale de l’État d’Arizona, a indiqué la Cour dans un communiqué, précisant qu’elle était morte « de complications liées à une démence avancée, probablement Alzheimer, et une maladie respiratoire ».

« Fille du Sud-Ouest américain, Sandra Day O’Connor a ouvert une voie historique en tant que première juge femme de la Cour suprême de notre pays », écrit le président de la Cour, John Roberts, saluant « son inébranlable détermination, sa compétence incontestable et sa franchise désarmante ».

« A la Cour suprême nous pleurons une collègue aimée, une avocate farouchement indépendante de l’État de droit et une éloquente militante des droits civiques », ajoute-t-il.

Tout au long de son quart de siècle à la Cour suprême, par son positionnement centriste et pragmatique elle a souvent fait basculer la majorité des neuf juges sur des arrêts marquants.

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La juge Sandra Day O’Connor, en 2003

« C’est actuellement incontestablement la Cour de Sandra Day O’Connor », affirmait en 2001 le professeur de droit Erwin Chemerinsky, actuellement doyen de la faculté de droit de Berkeley, en Californie.

« Dans pratiquement chaque domaine du droit constitutionnel, son 5e vote décisif détermine ce que seront la position majoritaire et la minorité. Les avocats qui plaident devant la Cour et lui soumettent leurs arguments écrits sachant qu’ils s’adressent souvent en pratique à une audience d’une seule personne », disait-il.

« Cow-girl du désert »

En 1989 puis en 1992, Sandra Day O’Connor a ainsi préservé l’arrêt Roe contre Wade de 1973, finalement renversé par l’actuelle Cour en juin 2022, reconnaissant un droit fédéral à l’avortement en refusant de joindre sa voix à celles des juges les plus conservateurs.

En revanche, elle s’est ralliée à la majorité conservatrice de la Cour pour bloquer en 2000 le recompte des voix en Floride à l’élection présidentielle, permettant au candidat républicain George W. Bush de l’emporter sur son adversaire démocrate Al Gore.

Cette diplômée de la prestigieuse faculté de droit de Stanford, en Californie, était également connue pour son attachement aux droits des États fédérés face au pouvoir fédéral.

C’est un président démocrate, Barack Obama, qui lui a remis la plus haute distinction civile américaine, la Médaille de la liberté, en 2009.

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Le président Barack Obama a remis la Médaille de la liberté à Sandra Day O’Connor a reçu, en 2009.

« Sandra Day O’Connor ressemblait au pèlerin du poème qu’elle citait parfois — traçant un nouveau chemin et bâtissant un pont derrière elle pour que toutes les jeunes femmes puissent la suivre », a réagi Barack Obama à l’annonce de sa disparition dans un communiqué.

« Elle s’efforçait toujours de trouver un consensus », a souligné le républicain Chuck Grassley, doyen du Sénat. « C’était le premier juge pour lequel j’ai eu l’honneur de voter en tant que sénateur », a-t-il précisé. Le Sénat avait ratifié sa nomination par 99 voix contre 0.

« En tant que cow-girl du désert d’Arizona, je n’aurais jamais imaginé devenir un jour la première juge femme à la Cour suprême des États-Unis », écrivait en 2018 celle qui a grandi dans un ranch immense et isolé, se disant « profondément reconnaissante » pour son parcours, malgré les premières atteintes de la maladie.