Au moins six personnes sont mortes dans le brasier le plus meurtrier de l’histoire de l’État

(Los Angeles) Vue du ciel, la ville de Lahaina semble incinérée. Les palmiers calcinés ne sont plus que de minces allumettes perçant le ciel enfumé. Les maisons sont en cendres. Les rues sont désertes.

« Incroyable, a dit Richard Olsten en pilotant un hélicoptère le long de la côte de Maui, mercredi. On dirait Bagdad ou quelque chose comme ça. »

L’incendie qui a ravagé les côtes occidentales de l’île de Maui, à Hawaii, mardi et mercredi, a tué au moins 6 personnes et forcé l’évacuation de plus de 2000 autres, selon les autorités. Il s’agit de l’incendie le plus meurtrier de l’histoire de l’État, selon Clay Trauernicht, spécialiste des incendies tropicaux à l’Université d’Hawaii à Manoa.

Les habitants de la Californie et d’autres États de l’Ouest américain qui ont été victimes d’une vague d’incendies de forêt se déplaçant rapidement ont pu observer cette scène. Cette semaine, ils ont ravagé une partie des États-Unis que beaucoup considèrent comme un paradis.

PHOTO DUSTIN JOHNSON, FOURNIE PAR REUTERS

De la fumée s’élève dans le ciel au-dessus de la ville touristique de Lahaina, où les flammes ont dévoré bon nombre de maisons et commerces.

« Ce n’est pas un endroit sûr », a déclaré la lieutenante-gouverneure Sylvia Luke lors d’une conférence de presse mercredi. Le gouvernement de l’État tente d’empêcher les touristes d’arriver sur l’île, mais mercredi matin encore, des vols remplis de touristes atterrissaient à Maui. « Nous avons des refuges qui sont débordés. Nos ressources sont mises à rude épreuve. »

Ed Sniffen, directeur du département des Transports d’Hawaii, a affirmé que quelque 2000 voyageurs avaient passé la nuit de mardi à mercredi à l’aéroport et que 4000 autres personnes avaient été bloquées en raison de la fermeture des routes. La situation est « absolument horrible », a-t-il dit.

Prisonniers des flammes

Au moins trois incendies sur l’île ont été propulsés par des vents violents alors qu’un ouragan traversait l’océan Pacifique à des centaines de kilomètres au sud. Le brasier s’est déclaré si rapidement que certains habitants se sont précipités dans l’océan pour échapper à la fumée et aux flammes. Ils ont été secourus par les gardes-côtes américains, ont indiqué les autorités du comté de Maui. D’autres ont fui en voiture, passant devant les flammes à l’ombre du Mauna Kahalawai.

PHOTO MARCO GARCIA, REUTERS

Des habitants de Maui se sont précipités dans leurs véhicules pour fuir la progression des flammes, créant des embouteillages.

Le président Joe Biden a ordonné à tout le personnel fédéral présent à Hawaii de participer à la lutte contre l’incendie, a indiqué la Maison-Blanche. Les gardes-côtes, la marine et les Marines soutiennent les efforts de lutte contre les incendies et de sauvetage, et le département fédéral des Transports collabore avec les compagnies aériennes pour évacuer les touristes de l’île.

Les dégâts les plus importants semblent se situer à Lahaina, ancienne capitale royale d’Hawaii, aujourd’hui haut lieu du tourisme.

Pour Rachel Zimmerman, les premiers signes de la catastrophe ont été les rafales qui ont déchiré son appartement, arrachant les moustiquaires de ses fenêtres. Puis, vers 4 h 45 mardi, elle a vu des flammes au loin et a appelé les pompiers, qui lui ont répondu qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Mme Zimmerman s’est donc rendormie.

Lorsqu’elle s’est réveillée, il n’y avait plus d’électricité et elle sentait une odeur de fumée, si bien qu’elle et son partenaire ont décidé qu’il était temps de partir. Pendant les dix minutes qu’il leur a fallu pour prendre leurs vêtements, un vélo et leur chien, l’air était devenu tellement chargé de fumée qu’ils ne savaient plus dans quelle direction conduire pour s’éloigner de l’incendie qui se rapprochait.

PHOTO MARCO GARCIA, REUTERS

Après avoir appris que sa maison – avec ses chiens à l’intérieur – avait été détruite par les incendies, cette résidante a éclaté en sanglots.

C’était noir. C’est arrivé si vite.

Rachel Zimmerman, résidante de Lahaina

Mercredi, son compagnon et elle, tous deux âgés de 34 ans, étaient hébergés chez un ami à environ 30 km de Lahaina, dans la ville de Waikapu.

Changements climatiques

Richard Olsten, directeur des opérations d’Air Maui Helicopter Tours, a fait des allers-retours sur les lieux dévastés mercredi, alors que la fumée flottait encore au-dessus des eaux du Pacifique. Des quartiers entiers semblaient avoir été rasés par le feu, et il ne restait que des vestiges calcinés de maisons. Certaines structures plus importantes semblaient intactes. D’autres quartiers ont été épargnés par les flammes, leurs pelouses étant encore vertes.

PHOTO COMTÉ DE MAUI, FOURNIE PAR L’ASSOCIATED PRESS

Les incendies qui ravagent l’île de Maui sont alimentés par des vents violents aggravés par l’ouragan Dora, qui passe actuellement dans l’océan Pacifique.

Il a filmé la scène et l’a publiée sur Facebook. Dans sa vidéo, on peut voir une maison qui restait seule debout alors que des dizaines d’autres autour d’elle avaient été réduites en cendres.

Le nombre de morts et le paysage dévasté de la ville renforcent la triste réalité selon laquelle même les régions du globe bénéficiant généralement de précipitations abondantes – et jusqu’à récemment peu habituées à d’importants incendies de forêt – sont désormais, en partie à cause des changements climatiques, beaucoup plus vulnérables.

Selon M. Trauernicht, les incendies de forêt à Hawaii couvrent aujourd’hui quatre fois plus d’hectares qu’au cours des décennies précédentes.

PHOTO MASON JARVI, FOURNIE PAR REUTERS

Un bateau carbonisé gît dans une marina de Lahaina, sur l’île de Maui.

Les experts attribuent cette recrudescence des incendies à la prévalence des herbes non indigènes, particulièrement répandues à Maui, qui sont plus inflammables que les plantes indigènes. À cela s’ajoutent des conditions météorologiques extrêmes liées aux changements climatiques : des étés anormalement chauds et secs et des changements dans le régime des précipitations.

« Les prairies nous rendent incroyablement vulnérables », a déclaré M. Trauernicht.

« Nous savions que cela pouvait arriver, a-t-il ajouté en faisant référence aux maisons incinérées à Lahaina, mais je pense qu’aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer à quel point cet incendie serait destructeur et dévastateur. »

Images terrifiantes

Les autorités ont déclaré qu’elles ne savaient pas ce qui avait provoqué les incendies de cette semaine, qui se sont étendus sur au moins 730 hectares à Maui et sur la Grande Île.

PHOTO ALAN DICKAR, FOURNIE PAR L’ASSOCIATED PRESS

Des résidants de Lahaina observent des flammes dévorer le centre de la ville.

Sur les réseaux sociaux, des images terrifiantes ont circulé, montrant des devantures de magasins en bois usées par les intempéries sur la Front Street de Lahaina, qui longe l’eau, englouties par les flammes. En temps normal, le quartier est animé par des visiteurs qui parcourent les boutiques à la recherche d’équipement de surf ou d’œuvres d’art haut de gamme et qui s’arrêtent pour déguster des fruits de mer et des mai tais dans des restaurants tels que Fleetwood’s on Front Street, propriété du rockeur Mick Fleetwood.

Les amis et les membres de la famille des résidants et des vacanciers ont publié frénétiquement sur Facebook dans l’espoir de joindre leurs proches. Ils ont demandé des nouvelles de leurs parents, qui étaient peut-être bloqués dans les embouteillages, ou de leurs frères et sœurs qui travaillent dans des stations balnéaires et dont ils n’avaient pas eu de nouvelles depuis la nuit précédente. Certains se sont renseignés sur les centres d’évacuation et les points de collecte de dons.

Les routes menant à l’ouest de Maui ont été fermées à tous, à l’exception du personnel d’urgence, mercredi matin, ont indiqué les autorités, coupant ainsi l’accès de l’extérieur à certains des centres de villégiature les plus connus d’Hawaii. À Lahaina, une ville d’environ 12 000 habitants, toutes les routes ont été fermées.

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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