(Washington) Incapable de faire voter jeudi des textes limitant drastiquement l’accès à l’avortement dans deux États américains conservateurs, les républicains se divisent de plus en plus sur la question très clivante du droit à l’avortement, un sujet central avant la présidentielle de 2024.

Le sujet est à la fois brandi par les républicains les plus conservateurs et par l’administration du président Joe Biden, qui se positionne en défenseur de ce droit.

Si les démocrates entendent capitaliser sur ce sujet pour remobiliser leur base électorale, les républicains conservateurs avancent de leur côté pour restreindre l’accès à l’avortement voire l’interdire, après la suppression en juin dernier par la très conservatrice Cour suprême de la garantie constitutionnelle à avorter.

Mais face à l’hostilité de nombreux électeurs, inquiets de voir leurs libertés personnelles rognées par de telles dispositions, des conservateurs revoient leur position.

En Caroline du Sud et dans le Nebraska – deux États à majorité républicaine – des élus républicains se sont opposés jeudi à leur propre camp, empêchant ainsi le parti républicain de faire voter des textes prévoyant dans un cas une interdiction quasi totale à avorter et dans l’autre une restriction de l’interruption volontaire de grossesse à six semaines.

Il s’agissait, en Caroline du Sud, de la troisième tentative des républicains de restreindre drastiquement l’accès à ce droit depuis le revirement de la Cour suprême.

« Certains d’entre vous suivent vos chefs comme des moutons dès qu’il s’agit de l’avortement », a lancé la sénatrice de Caroline du Sud Sandy Senn lors d’un débat avant le vote, soulignant que sur 46 sénateurs, seules 5 sont des femmes.

Ces cinq sénatrices, dont trois républicaines, ont fait échouer le vote restreignant l’avortement avec des discours enflammés.

« Gifler symboliquement les femmes »

« C’est la seule chose que nous pouvons faire quand vous tous, vous les hommes de cette assemblée, continuent de gifler symboliquement les femmes en soulevant encore et encore la question de l’avortement », avait souligné la sénatrice.

À Lincoln, capitale du Nebraska, l’échec du vote visant à restreindre l’ à six semaines a provoqué de vives réactions, mais les acclamations de dizaines de militants favorables au droit à l’avortement ont pris le dessus.  

Le sénateur Merv Riepe, qui avait co-parrainé le projet de loi, n’a finalement pas soutenu son propre texte après avoir pris en compte le fait qu’à six semaines, de nombreuses femmes ne savent pas encore si elles sont ou non enceintes.

« Dans un monde idéal, chaque enfant aurait la possibilité de vivre et d’avoir une vie épanouie », a indiqué cet ancien administrateur hospitalier, selon le compte-rendu du Sénat local.  

« Mais nous devons reconnaître que nous ne vivons pas dans une société utopique et nous faisons face à des défis qui rendent difficile la réalisation de cet idéal », a-t-il ajouté.  

« Reflet » de la réalité

Pour Scout Richters de la puissante association de droits civiques ACLU dans le Nebraska, ce vote constitue un signe selon lequel la majorité des habitants de l’État sont en faveur du droit à l’avortement et donc que « le vote reflète la réalité ».

Selon les sondages, une majorité confortable d’Américains pensent que l’avortement devrait être légal dans la plupart des cas. Environ la moitié des États ont mis en place des mesures pour en protéger l’accès.

Les républicains avaient crié victoire après la décision de la très conservatrice Cour suprême des États-Unis de dynamiter le droit à l’avortement en juin dernier.

Ils avaient dans la foulée promulgué des interdictions ou des restrictions strictes dans 19 États.

Mais le parti a depuis du mal à se positionner sur cette question à fort enjeu électoral et a été « puni » lors des élections de mi-mandat l’an dernier, tandis que des dispositions hostiles à l’avortement ont été rejetées par référendum au Kansas et dans le Kentucky, deux États au vote pourtant largement acquis à la droite.

« Nous savons que la majorité des Américains sont d’accord pour que l’avortement soit accessible, abordable et disponible », a estimé Morgan Hopkins, présidente d’une organisation en faveur de l’avortement, le All Action All Above Fund.

Cela va « continuer à être une question essentielle pour les électeurs […], les hommes politiques antiavortement ont exagéré et maintenant les électeurs sont clairs : la justice en matière de droit à l’avortement ne peut pas attendre », a-t-elle insisté.