(New York) Le million d’élèves des écoles publiques de la ville de New York ont pu se régaler de « pizza à l’ail au fromage », de haricots verts et de salade lundi. Mais pas de rosbif.

Les patients des hôpitaux publics de la ville de New York peuvent manger une paella – sans fruits de mer – ou un tajine marocain de légumes-racines.

Dans les établissements gérés par la Ville de New York, la viande est de plus en plus absente du menu.

Le maire de New York, Eric Adams, s’est engagé lundi à réduire de 33 % d’ici à 2030 les émissions liées à l’approvisionnement alimentaire de la ville, en dévoilant des données qui montrent qu’à New York, la consommation alimentaire rivalise avec les transports en tant que source de gaz responsables du réchauffement de la planète.

Chaque année, la Ville de New York dépense environ 300 millions US pour acheter de la nourriture – pour les élèves des écoles publiques, pour les détenus de Rikers Island et pour les patients admis dans ses 11 hôpitaux publics. La Ville estime que ses achats de nourriture produisent autant de carbone que les gaz d’échappement annuels de plus de 70 000 voitures à essence. En 2021, au cours de la dernière année du mandat de Bill de Blasio, la Ville s’est engagée à réduire ses émissions liées à l’alimentation de 25 % d’ici à 2030.

L’annonce de lundi a porté cet engagement à 33 %.

PHOTO JOHN MINCHILLO, ASSOCIATED PRESS

Eric Adams, maire de New York (au centre), en conférence à New York le 17 avril dernier

« Il est facile de parler des émissions provenant des véhicules et de leur effet sur notre empreinte carbone, il est facile de parler des émissions provenant des bâtiments et de leur effet sur notre environnement », a déclaré M. Adams, debout à côté d’un chef en toque dans la cuisine d’un hôpital de la ville. « Mais nous devons maintenant parler de la viande de bœuf. Et je ne sais pas si les gens sont vraiment prêts pour cette conversation. »

Prise de conscience

Cette annonce est le plus récent développement à ce jour de l’intérêt de longue date de M. Adams pour le végétarisme, mais elle représente également un aveu inhabituellement franc de la part d’un dirigeant politique national, qui reconnaît que les Américains devront manger différemment s’ils veulent freiner le changement climatique.

PHOTO MARCUS YAM, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

L’alimentation rivalise avec les transports pour ce qui est de l’ampleur de l’empreinte carbone de la ville de New York.

La Ville a publié pour la première fois une nouvelle mesure de l’empreinte carbone de la ville de New York, qui intègre les émissions de gaz à effet de serre générées par la consommation et la production de nourriture. Il en ressort que l’alimentation rivalise avec les transports pour ce qui est de l’ampleur de son empreinte carbone : elle représente 20 % des émissions de la ville, juste derrière les transports (22 %). Les bâtiments new-yorkais produisent 34 % des émissions de la ville.

Si vous voulez vraiment changer la situation, il y a deux choses principales à faire pour l’alimentation, l’une étant d’essayer de réduire la quantité de viande de bœuf.

Richard Larrick, professeur de gestion à l’Université Duke

L’autre consiste à s’attaquer aux déchets alimentaires, qui finissent aujourd’hui en grande partie dans les décharges, produisant du méthane, un gaz à effet de serre particulièrement puissant. Pour s’attaquer à ce problème, la Ville de New York s’est engagée à mettre en place un programme de compostage à l’échelle de la ville d’ici à la fin de l’année 2024.

« Avoir 20 grammes de protéines provenant du bœuf – ce qui correspond à une portion de protéines pour un repas – équivaut à brûler un gallon d’essence, a déclaré M. Larrick. Tout le reste représente moins de un cinquième d’un gallon, essentiellement. »

PHOTO ANDREW KELLY, ARCHIVES REUTERS

« Nous devons maintenant parler de la viande de bœuf. Et je ne sais pas si les gens sont vraiment prêts pour cette conversation », a déclaré Eric Adams, maire de New York, lundi dernier.

M. Adams, qui se décrit comme végétalien et mange parfois du poisson, considère depuis longtemps que son régime à base de plantes est essentiel à une vie saine.

Il a écrit un livre de cuisine, Healthy at Last, qui propose des recettes telles que « gombo de jacquier et d’okra », « bols forestiers avec des légumes de terre et une sauce au curcuma et aux noix de cajou », et un « Power Smoothie rouge » rempli de pommes, de baies et de bananes.

Il a collaboré avec l’American College of Lifestyle Medicine pour former les professionnels de la santé à la nutrition.

Cependant, il a rarement fait le lien entre un régime à base de plantes et des questions autres que la santé individuelle, comme le changement climatique ou le bien-être des animaux. (En fait, sa décision d’exposer des rats noyés à la mairie de Brooklyn lorsqu’il était président de l’arrondissement a suscité un déluge de critiques de la part des défenseurs du bien-être animal, qui le considéraient auparavant comme un allié.)

Je dis toujours que nous avons deux mères : l’une nous a donné naissance, l’autre nous fait vivre, et nous avons détruit celle qui nous fait vivre en raison de la nourriture que nous consommons.

Eric Adams, maire de New York

Haro sur la viande

Les écoles de la ville de New York s’abstiennent déjà de servir de la viande les lundis et vendredis. Les hôpitaux publics ont fait des plats végétariens l’option par défaut, mais les patients qui veulent de la viande peuvent toujours en avoir. L’annonce faite lundi par M. Adams laisse entendre que la Ville servira encore moins de viande de bœuf dans ses établissements dans les années à venir, bien qu’elle n’ait pas encore spécifié d’objectifs de réduction précis.

Au cours de l’année financière 2021 (la dernière année pour laquelle des données sont disponibles), la Ville de New York a acheté pour plus de 720 000 $ de galettes de bœuf à la jamaïcaine, pour près de 270 000 $ de raviolis au bœuf en conserve et pour près de 190 000 $ de viande de tacos au bœuf, selon un tableau de bord géré par le Bureau de la politique alimentaire de la Ville.

Les « viandes de ruminants », comme la Ville classe le bœuf, ne représentent que 1 % en poids des achats alimentaires de la Ville. Mais l’empreinte carbone de la viande est sans aucun doute plus importante.

Timothy Searchinger, chercheur principal au Centre de recherche politique sur l’énergie et l’environnement de l’Université de Princeton, explique que si la viande bovine a une si grande empreinte en carbone, c’est parce qu’elle utilise beaucoup de terres qui, autrement, pourraient accueillir des forêts qui stockent le carbone.

« Le bœuf, par exemple, dans le régime alimentaire américain, représente environ 3 % des calories et la moitié de l’utilisation des terres, a déclaré M. Searchinger. Tout ce qui permet de réduire la consommation de viande de bœuf en particulier a donc des effets bénéfiques considérables sur les émissions de gaz à effet de serre. »

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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