(New York) Le compte à rebours est lancé. Ce jeudi, selon le département du Trésor, le gouvernement américain a atteint sa limite d’endettement, fixée à 31 381 milliards de dollars en décembre 2021. Or, si le Congrès ne s’entend pas d’ici juin ou juillet pour relever le plafond de la dette, les États-Unis se retrouveront en défaut de paiement, du jamais-vu dans leur histoire. Compte tenu des forces en présence, la crise semble inéluctable. Explications.

D’abord, qu’entend-on exactement par plafond de la dette ?

Le plafond de la dette fait référence à la limite légale du montant total de la dette fédérale que le gouvernement américain peut accumuler. Lorsque ce montant est atteint, la loi exige que le Congrès autorise le relèvement ou la suspension du plafond de la dette. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Congrès a modifié le plafond de la dette environ 100 fois. Celui-ci est passé de 275 milliards de dollars en 1946 à 31 400 milliards en 2023.

Si le plafond de la dette est atteint ce jeudi, comment le gouvernement respectera-t-il ses obligations d’ici son relèvement ou sa suspension ?

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La secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen

Comme ses prédécesseurs, la secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, aura recours à des « mesures exceptionnelles » qui lui permettront d’éviter un défaut de paiement d’ici le relèvement du plafond de la dette. Figurent parmi ces mesures l’interruption des contributions à certains fonds de pension gouvernementaux et le remboursement prématuré des obligations du Trésor détenues dans les comptes d’épargne-retraite des employés fédéraux.

Combien de temps ces mesures exceptionnelles peuvent-elles durer ?

Au moins jusqu’au début de juin, a annoncé la secrétaire au Trésor dans une lettre adressée aux dirigeants du Congrès vendredi dernier. Mais divers facteurs peuvent retarder l’échéance. Chose certaine, Janet Yellen a brandi la menace d’une catastrophe économique et financière si le Congrès ne s’entend pas sur le relèvement ou la suspension du plafond de la dette avant la fin des « mesures exceptionnelles ». Le gouvernement ne serait alors plus en mesure de payer les salaires des militaires, les pensions des retraités et ses créanciers étrangers, entre autres. « Le non-respect des obligations du gouvernement causerait un préjudice irréparable à l’économie américaine, aux moyens de subsistance de tous les Américains et à la stabilité financière mondiale », a-t-elle averti dans sa lettre de vendredi dernier.

Pourquoi le relèvement du plafond de la dette pose-t-il problème ?

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Le représentant du Texas Chip Roy

Il n’en a pas toujours été ainsi. Ce n’est qu’au cours des dernières années que cette procédure jadis routinière et bipartisane est devenue l’occasion de bras de fer entre démocrates et républicains. Cette année, la nouvelle majorité républicaine à la Chambre des représentants promet de conditionner le relèvement du plafond de la dette à d’importantes coupes dans les dépenses gouvernementales. Cette promesse correspond à l’une des concessions les plus importantes faites par Kevin McCarthy aux représentants ultraconservateurs qui refusaient de voter pour son élection au poste de président de la Chambre. L’un d’entre eux, le représentant du Texas Chip Roy, a déclaré : « Je pense qu’il est essentiel que nous changions la façon dont nous gérons les affaires, et j’ai l’intention d’utiliser le plafond de la dette pour garantir que nous obtenions des réformes fiscales et structurelles », a-t-il dit.

Quelle est la position de la Maison-Blanche et de ses alliés démocrates du Congrès ?

Pour le moment, le président et ses alliés refusent de négocier des coupes budgétaires en échange du relèvement du plafond de la dette. « Nous avons été très clairs. Le président a été très clair. Il est du devoir de chacun de s’assurer que les États-Unis paient leurs factures à temps », a déclaré le sénateur du Maryland Chris Van Hollen. « Il n’y aura pas de négociations sur le plafond de la dette et le paiement de nos factures à temps », a-t-il dit.

Que s’est-il passé sous Donald Trump en ce qui concerne le plafond de la dette ?

Le plafond de la dette a été relevé ou suspendu à trois reprises sous Donald Trump, dont deux fois pendant que les républicains étaient majoritaires dans les deux chambres du Congrès. Ceux-ci n’ont cependant pas profité de l’occasion pour demander en retour la moindre coupe dans les dépenses fédérales. L’ancien président républicain a pourtant contribué à gonfler la dette fédérale de façon considérable. Au cours de ses trois premières années à la Maison-Blanche, soit avant la pandémie de COVID-19, il a promulgué des lois qui ajouteront 4700 milliards de dollars à la dette d’ici 2029, selon le Comittee for a Responsible Federal Budget.

Y a-t-il un précédent à la crise qui attend les États-Unis autour du relèvement du plafond de la dette ?

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Barack Obama (au centre) discutant du plafond de la dette avec des conseillers, dont le vice-président de l'époque, Joe Biden (à gauche), en 2011

Barack Obama est passé par là en 2011. Son parti avait perdu la majorité à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat, tout en conservant le Sénat. Au cours de négociations frustrantes entre la Maison-Blanche et les républicains de la Chambre, animés par la ferveur populiste du Tea Party, l’agence de notation Standard and Poor’s avait abaissé la note de crédit des États-Unis, provoquant un plongeon des marchés boursiers. À deux jours d’un défaut de paiement, le président Obama avait fini par s’entendre avec les républicains sur des coupes importantes qui allaient cependant nuire à la reprise économique, sans régler le problème de la dette. Adhérant au consensus dominant de l’époque sur l’austérité budgétaire, le démocrate de la Maison-Blanche avait frustré la gauche de son parti en acceptant un plan qui ne prévoyait aucune hausse d’impôts sous aucune forme.