Plus du tiers des tentatives d’exécution en 2022 ont été mal gérées, ont indiqué vendredi des chercheurs spécialisés dans la peine capitale, qualifiant de « choquantes » les sept exécutions visiblement bâclées qui ont eu lieu dans trois États, même si le nombre total d’exécutions est resté parmi les plus bas depuis une génération.

Dans l’un des examens annuels les plus complets de la peine de mort aux États-Unis, le Centre d’information sur la peine de mort a constaté que le nombre d’exécutions cette année, soit 18, restait nettement inférieur à il y a 10 ans, alors que deux fois plus de condamnés à mort avaient été exécutés.

Le soutien de l’opinion publique à la peine de mort s’étant émoussé, le nombre de condamnations à mort et d’exécutions a largement diminué depuis la fin des années 1990 ; en 1999, 98 personnes avaient été exécutées.

PHOTO DOUG HOKE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des manifestants contre la peine de mort brandissent des pancartes devant la résidence du gouverneur de l’Oklahoma, à Oklahoma City, en octobre dernier.

Mais sur les 20 tentatives d’exécution de cette année, sept étaient « visiblement problématiques », dont deux qui ont finalement été abandonnées, ont écrit les chercheurs, ajoutant que 2022 pourrait ainsi être considérée comme « l’année de l’exécution bâclée ».

Parmi les cas cités figurent trois affaires très médiatisées en Alabama, où le personnel de la chambre de la mort a ouvert le bras d’un homme pour lui installer une perfusion et, dans deux autres tentatives d’exécution, n’a pas pu installer de perfusion avant l’expiration du mandat d’exécution des hommes.

Les autres exécutions ont eu lieu en Arizona et au Texas, où les fonctionnaires ont lutté pendant un certain temps avant de trouver des veines adéquates. Le gouverneur de l’Alabama a demandé le mois dernier un moratoire temporaire sur l’application de la peine de mort, le temps d’examiner les protocoles de l’État.

Au fur et à mesure que le soutien à la peine de mort a diminué, nous avons constaté une conduite de plus en plus extrême de la part des États qui veulent l’appliquer. Et cela s’est manifesté par de l’insouciance.

Robert Dunham, directeur général du Centre d’information sur la peine de mort (Death Penalty Information Center)

Alors que les États qui tentent d’appliquer la peine de mort se sont heurtés à une série d’obstacles ces dernières années, notamment la difficulté d’obtenir des produits pour l’injection létale et les poursuites judiciaires liées à leur utilisation, la plupart des problèmes rencontrés cette année résultent de difficultés d’accès aux veines des prisonniers pour administrer les produits.

PHOTO STUART ISETT, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des fioles de midazolam, un sédatif administré lors des exécutions aux États-Unis

Certains hommes politiques et responsables de l’administration pénitentiaire ont déclaré que les exécutions devaient être effectuées dans l’urgence, les appels de dernière minute des avocats de la défense laissant peu de temps avant l’expiration des mandats d’exécution. M. Dunham a fait remarquer qu’en dépit de la montée de la peur de la criminalité – qui coïncidait auparavant avec le soutien à la peine capitale –, le soutien américain à la peine de mort reste à l’un de ses points les plus bas depuis les années 1970. Un sondage Gallup réalisé en octobre a révélé que 55 % des Américains étaient favorables à la peine de mort pour les personnes reconnues coupables de meurtre.

Selon les chercheurs, dans 37 États, la peine de mort a été abolie ou n’a pas été appliquée depuis plus de 10 ans.

Au Nevada, où aucune exécution n’a eu lieu depuis 2006, le Comité des pardons de l’État examinera la semaine prochaine la possibilité de commuer en prison à vie les peines des 65 condamnés à mort du Nevada.

Sur les 18 exécutions de cette année, le Texas et l’Oklahoma en ont géré cinq chacun, suivis de l’Arizona avec trois exécutions et de l’Alabama, avec deux. L’Oklahoma a fait les manchettes plus tôt dans l’année lorsque l’État a annoncé qu’il chercherait à exécuter 25 prisonniers sur une période de 29 mois.

Les exécutions en Oklahoma ont été interrompues en 2015 en raison d’exécutions bâclées, puis plus tard en raison d’un procès concernant l’un des médicaments utilisés lors des injections létales, mais elles ont repris depuis.

Des problèmes répandus

Le rapport de vendredi cite les problèmes rencontrés pour tenter de procéder à des exécutions dans une série d’États. En Arizona, les agents pénitentiaires ont eu des difficultés à accéder à une veine chez un homme qui avait longtemps clamé son innocence pour le meurtre d’une fillette de 8 ans, et n’y sont parvenus que lorsque l’homme lui-même a suggéré de trouver une veine dans sa main à la place.

Au Tennessee, le gouverneur a suspendu toutes les exécutions jusqu’à l’année prochaine après que l’État n’a pas réussi à tester correctement les produits d’injection létale, une révélation qui a conduit à l’arrêt d’une exécution environ une heure avant que le prisonnier ne soit tué.

En Caroline du Sud, où les autorités avaient cherché des solutions de rechange après avoir eu des difficultés à trouver des produits d’injection létale, un juge a empêché l’État de procéder à des exécutions par peloton d’exécution ou par chaise électrique, jugeant ces méthodes cruelles et inhabituelles.

Pourtant, aucun État n’a eu autant de problèmes que l’Alabama.

En décrétant un moratoire temporaire sur les exécutions le mois dernier, la gouverneure de l’Alabama, Kay Ivey, a déclaré qu’elle ne pensait pas que les responsables des prisons ou des forces de l’ordre étaient responsables des tentatives ratées.

PHOTO KIM CHANDLER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La gouverneure de l’Alabama, Kay Ivey, en juillet 2020

Au lieu de cela, Mme Ivey, une républicaine, a rejeté la faute sur les avocats qui ont déposé des recours pour les prisonniers à l’approche de la date de leur exécution, affirmant qu’ils n’avaient pas laissé suffisamment de temps aux responsables de la prison pour procéder aux exécutions avant l’expiration des mandats d’exécution.

Les avocats de la défense se sont offusqués de cette affirmation, rétorquant que leurs appels soulevaient souvent de nouvelles questions importantes et que l’État aurait dû avoir le temps de procéder aux exécutions si celles-ci avaient été menées correctement.

Lors d’une des exécutions, qui a eu lieu en juillet, le personnel de la prison d’Atmore, en Alabama, a passé des heures à se battre pour accéder aux veines de Joe N. James. Les préparatifs ont été cachés aux journalistes et autres témoins qui ont été autorisés à assister à l’exécution proprement dite, mais les photographies d’une autopsie privée ont montré par la suite que les bourreaux avaient finalement pratiqué une incision dans l’un de ses bras pour accéder à la veine, une procédure connue sous le nom de « cutdown ».

Plusieurs mois plus tard, le 22 septembre, l’État s’est de nouveau démené pour installer une perfusion sur un autre homme, Alan E. Miller. Mais cette fois, ils n’y sont pas arrivés avant l’expiration de son mandat d’exécution, à minuit.

ALABAMA DEPARTMENT OF CORRECTIONS VIA ASSOCIATED PRESS

Alan Eugene Miller

Les avocats de M. Miller, qui a été condamné pour le meurtre de trois hommes en 1999, ont déclaré à l’époque qu’il était le seul survivant d’une exécution. L’Alabama a récemment décidé que l’État ne l’exécuterait pas par injection létale, tout en laissant ouverte la possibilité de le tuer par hypoxie d’azote, méthode qu’il a déclaré préférer.

Un échec étonnamment similaire a eu lieu le mois dernier, lorsque des appels de dernière minute ont été rejetés par la Cour suprême tard dans la nuit, laissant à l’Alabama environ deux heures pour procéder à l’exécution de Kenneth E. Smith. Si les fonctionnaires ont pu insérer une perfusion, ils n’ont pas pu en insérer une deuxième et ont déterminé qu’ils n’avaient pas le temps de le faire avant minuit, annulant ainsi l’exécution.

« Rien de tout cela n’aurait dû se produire », a déclaré M. Dunham, du Centre d’information sur la peine de mort. « Mais cela s’est produit encore et encore, ce qui alimente la croyance croissante du public que les États ne peuvent pas faire les choses correctement. »

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

Lisez l’article original (en anglais)
En savoir plus
  • 17
    Cette semaine, le gouverneur de l’Oregon a commué les peines des 17 condamnés à mort de cet État en peines de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle.
    Source : The New York Times