(New York) Les Américains ont déjà contemplé, au lendemain d’un scrutin tenu un 8 novembre, un résultat inattendu : l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Six ans plus tard, les élections de mi-mandat pourraient ouvrir la voie à une nouvelle campagne présidentielle de l’ancien président républicain et poser la question de la viabilité politique de son successeur démocrate, Joe Biden, si les prévisions d’une vague rouge se concrétisent.

Elles pourraient aussi virer au chaos, si des candidats refusent d’accepter la défaite, comme l’a déjà fait Donald Trump. Or, selon un recensement du Washington Post, près de 300 des candidats républicains en lice ont nié ou remis en cause le résultat de l’élection présidentielle de 2020.

D’où le refrain entonné par de nombreux observateurs selon lequel l’avenir même de la démocratie américaine se joue ce mardi. Fait remarquable : une grande majorité d’électeurs démocrates et républicains s’accordent pour dire que cette démocratie est bel et bien en danger, selon un sondage publié récemment par le New York Times. Mais ils en attribuent la cause au parti adverse.

Message que Joe Biden et Donald Trump ont martelé chacun de leur côté dans les derniers jours de la campagne.

« Vous ne pouvez pas dire que vous êtes une démocratie ou que vous soutenez les principes démocratiques si vous dites : “La seule élection qui est juste est celle que je gagne” », a déclaré le président démocrate, qui a fini la campagne au Maryland lundi soir.

Son prédécesseur républicain, dont la dernière réunion électorale s’est tenue en Ohio, a répliqué : « Chaque Américain libre et aimant doit comprendre qu’il est temps de s’opposer à cette tyrannie croissante de la gauche. »

La rumeur a couru lundi qu’il annoncerait sa candidature à l’élection présidentielle de 2024 lors de cette réunion. Elle ne s’est pas matérialisée.

« Je vais faire une très grande annonce le mardi 15 novembre à Mar-a-Lago », s’est contenté de dire Donald Trump à la fin d’un discours-fleuve. « Nous ne voulons rien enlever à l’importance de demain. » 

Vote par anticipation record

Les élections de mi-mandat mettent en jeu les 435 sièges de la Chambre des représentants, 35 des 100 sièges du Sénat et de nombreux postes de gouverneur, de procureur général et de secrétaire d’État, entre autres.

Plus de 43 millions d’électeurs ont déjà voté par anticipation, un record. Autre record : 16,7 milliards de dollars ont été dépensés par les candidats, les partis et les groupes indépendants, du jamais-vu durant une campagne non présidentielle.

À l’issue d’une longue et turbulente campagne où des thèmes favorisant les républicains – l’économie, l’inflation et la criminalité – ont fini par reléguer au second plan les enjeux préférés des démocrates – l’avortement et la démocratie –, le parti de Donald Trump semble assuré de changer la donne politique à Washington.

Les républicains n’ont besoin que d’un gain net de cinq sièges pour devenir majoritaires à la Chambre.

Or, des pronostiqueurs leur prédisent désormais une récolte de 20 sièges et plus, dont certains se trouvent dans des États bleus tels la Californie, l’Oregon, le Rhode Island et l’État de New York.

Dans la dernière ligne droite de la campagne, les probabilités d’une conquête du Sénat par les républicains ont également augmenté. Un gain net d’un seul siège permettrait au Grand Old Party de contrôler l’agenda à la Chambre haute du Congrès pendant les deux dernières années du mandat de Joe Biden.

Des appuis de Trump

Les élections sénatoriales les plus serrées ont lieu dans les États suivants : Pennsylvanie, Géorgie, Arizona et Nevada.

Dans trois de ces États, Donald Trump a choisi ou appuyé des candidats néophytes – Herschel Walker en Géorgie, Mehmet Oz en Pennsylvanie et Blake Masters en Arizona – dont les résultats pèseront sur son propre avenir politique. Si les républicains laissaient échapper leurs chances de prendre le contrôle du Sénat, il serait blâmé en bonne partie. En revanche, il pourrait plastronner si le scénario inverse se produit.

Plusieurs élections pour les postes de gouverneur ou de secrétaire d’État attirent l’attention en raison du rôle que les vainqueurs seront appelés à jouer dans la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2024. Des négationnistes de l’élection présidentielle de 2020 sont en lice pour ces postes dans plusieurs États clés, dont l’Arizona, la Pennsylvanie, le Nevada et le Michigan.

Les derniers déplacements de Joe Biden et Donald Trump illustrent par ailleurs les forces et les faiblesses des deux camps.

PHOTO SUSAN WALSH, ASSOCIATED PRESS

Le président Joe Biden pose pour une photo avec le candidat démocrate au poste de gouverneur du Maryland Wes Moore, lors d’un rassemblement dans le même État, lundi soir.

Dimanche, le président démocrate a fait campagne dans la banlieue nord de New York aux côtés de la gouverneure de l’État, Kathy Hochul, engagée dans une course beaucoup plus serrée que prévu contre le représentant républicain Lee Zeldin. Lors des élections de mi-mandat de 2018, les électeurs des banlieues américaines, et particulièrement les femmes blanches, avaient joué un rôle décisif dans le triomphe des démocrates. Cette année, nombre d’entre eux semblent vouloir faire défection vers les républicains, notamment en raison de la hausse de la criminalité dans les grandes villes américaines.

De son côté, Donald Trump était à Miami, longtemps considéré comme un bastion démocrate. Or, les républicains ont bon espoir de continuer à faire des gains au sein de l’électorat hispanique de cette ville, comme dans plusieurs autres villes américaines, de Las Vegas à Philadelphie en passant par Phoenix.

À long terme, cette tendance est probablement plus inquiétante pour les démocrates que le vote changeant des électeurs des banlieues.

N’empêche : un verdict électoral permettant aux républicains de réaliser des gains d’une vingtaine de sièges à la Chambre et de deux ou trois sièges au Sénat n’aurait rien d’exceptionnel. Au contraire, il serait plutôt banal.

Car les électeurs ont l’habitude de punir le parti du président lors des élections de mi-mandat qui suivent son arrivée à la Maison-Blanche. Qui plus est, Barack Obama et Donald Trump, pour ne nommer que deux présidents, ont vu l’opposition réaliser des gains de 40 sièges et plus à la Chambre des représentants lors de leurs premières ou uniques élections de mi-mandat.

En fait, les démocrates pourraient se féliciter d’avoir limité les dégâts. Surtout s’ils parviennent à conserver le contrôle du Sénat, ce qui ne serait pas un mince exploit.

Mais un doublé républicain au Congrès pourrait avoir des conséquences inédites et imprévisibles, notamment sur la certification de l’élection présidentielle de 2024.

Un tel résultat pourrait aussi accentuer les doutes croissants des démocrates sur l’opportunité d’une ultime campagne présidentielle pour Joe Biden. Bill Clinton et Barack Obama ont certes réussi à être réélus après avoir essuyé des dégelées historiques lors de leurs premières élections de mi-mandat.

Mais ils avaient à peine franchi le cap de la cinquantaine quand ils ont entrepris leur deuxième mandat. Joe Biden célébrera son 80e anniversaire de naissance le 20 novembre prochain.