(New York) Les Bolduc de Gilford, au New Hampshire, ont assuré leur place au panthéon des familles américaines, pour ainsi dire, en participant en 2017 à la série de la chaîne PBS Our American Family.

Dans l’épisode consacré à leur clan, quelques-uns des 13 enfants de Charles et Aurora Bolduc racontent comment leur père originaire du Québec et leur mère née au New Hampshire ont gagné leur vie dans une ferme laitière doublée d’une érablière.

« J’espère qu’une partie de notre culture québécoise survivra », dit l’une des membres de la famille dans l’épisode diffusé en 2018.

Quatre ans plus tard, Donald Bolduc, petit-fils de Charles et Aurora Bolduc, retient à son tour l’attention aux États-Unis. Il participera mardi aux dernières primaires de la saison avant la tenue des élections de mi-mandat, briguant un siège au Sénat américain dans le Granite State.

La candidature de ce général de brigade à la retraite soulève une question inédite : peut-on être trop MAGA pour recevoir l’appui de Donald Trump, père du mouvement connu par le sigle de son slogan de 2016 (Make America Great Again) et qualifié récemment d’extrémiste par Joe Biden ?

Depuis le début de la saison des primaires, l’ancien président s’est fait un devoir d’appuyer les candidats de son parti qui représentent le mieux sa vision. Or, jusqu’à présent, il ne l’a pas fait en ce qui a trait à la primaire républicaine pour l’élection sénatoriale du New Hampshire.

Il s’agit pourtant d’une élection importante. Il n’y a pas très longtemps, les républicains avaient bon espoir de battre la sénatrice démocrate sortante, Maggie Hassan, élue à l’arraché en 2016. Une telle victoire devait les rapprocher de leur objectif : la conquête de la majorité au Sénat à la faveur des élections de novembre.

Mais les républicains sont moins confiants aujourd’hui. Et Don Bolduc y est pour quelque chose. Selon un sondage de l’Université du New Hampshire publié fin août, il devance par 21 points de pourcentage son plus proche rival, Chuck Morse, président du Sénat du New Hampshire, qui a reçu jeudi dernier l’appui du gouverneur républicain de l’État, Chris Sununu.

« Il n’est pas un candidat sérieux », a déclaré Sununu le mois dernier en parlant de Don Bolduc.

Mais qui est-il au juste ? Fils d’Armand Bolduc, qui a hérité de la ferme familiale et siégé au sein du conseil municipal de Laconia pendant 34 ans, Don Bolduc a servi sous les armes pendant 33 ans, effectuant 10 missions en Afghanistan. Récipiendaire de nombreuses décorations militaires, il a notamment survécu à un épisode de tir ami après qu’un B-52 a largué une bombe de 900 kg sur sa position et tué trois bérets verts, le corps d’élite dont il était membre.

Retraité depuis 2017, Bolduc a brigué en vain un siège au Sénat en 2020. Mais il n’a jamais cessé de faire campagne après sa défaite, ce qui lui donne aujourd’hui un avantage.

« Les gens qui connaissent Don Bolduc l’aiment », commente Dante Scala, politologue à l’Université du New Hampshire.

Mais des gens qui l’aiment moins chuchotent que Don Bolduc ne s’est jamais remis du syndrome de stress post-traumatique dont il a lui-même reconnu avoir été atteint.

Micropuces et élection truquée

Une chose est certaine : l’homme a multiplié les déclarations controversées au cours des dernières années.

En mai 2020, il a exprimé son scepticisme à l’égard des vaccins potentiels contre la COVID-19 et suggéré que ceux-ci pourraient contenir des micropuces.

Un an plus tard, il a signé avec 123 autres généraux et amiraux retraités une lettre affirmant que l’élection présidentielle de 2020 avait été truquée en faveur de Joe Biden.

Et il a déjà qualifié le gouverneur Sununu de « sympathisant communiste chinois ».

« Si Bolduc gagne la primaire, je pense que nous devrons tous nous asseoir et redessiner les lignes de démarcation […] de ce qui est acceptable pour la norme républicaine et ce qui ne l’est pas, analyse le professeur Scala. Il est certain que les démocrates exploiteront à fond un grand nombre des déclarations de Bolduc. »

Dante Scala n’écarte pas la possibilité que Donald Trump appuie Don Bolduc d’ici mardi. Mais l’ex-directeur de campagne de Trump en 2016, Corey Lewandowski, un résidant du New Hampshire, aurait fait comprendre à son ex-patron que le général à la retraite n’était pas un bon pari.

Pourquoi alors un si grand nombre de républicains du New Hampshire semblent-ils penser le contraire ?

« C’est peut-être la conséquence de la victoire de Trump en 2016 », répond Paul Tille, stratège républicain du New Hampshire, qui appuie un des adversaires de Bolduc. « Personne ne pensait que Trump pourrait gagner, et il a gagné. Maintenant, certains républicains pensent que Bolduc peut gagner en novembre, et ce, même si les données indiquent le contraire. »

Sandy Bolduc, une des petites-filles de Charles et Aurora Bolduc, aurait peut-être une autre réponse.

« Quand vous dites le nom Bolduc — je suis Sandy Bolduc —, cela signifie que vous êtes une bonne personne, une personne honnête », dit-elle dans l’épisode de la série de PBS consacré à sa famille.