Une nouvelle exigence visant à obliger les États à mesurer la quantité de dioxyde de carbone émise par les conducteurs sur les autoroutes, et à terme les faire diminuer, vient d’être proposée par le département des Transports aux États-Unis. Une « excellente » idée, qui risque toutefois d’être débattue en Cour suprême, croit Alice Hill, ex-assistante spéciale du président Barack Obama et directrice principale de la politique de résilience au sein du Conseil national de sécurité, aujourd’hui chargée de mission pour l’énergie et l’environnement au Council on Foreign Relations. La Presse lui a parlé.

Q. Le département de Transports américain veut obliger les États à suivre les émissions de carbone dues à la conduite automobile, la première source de gaz à effet de serre (GES) aux États-Unis. Êtes-vous favorable à une telle initiative ?

R. Tout à fait. Contrôler les émissions du secteur des transports est une très bonne façon de combattre les changements climatiques. Mais d’importants défis juridiques subsistent. On l’a vu le mois dernier : la Cour suprême, dans le dossier de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), a mis de l’avant la doctrine des « questions majeures » selon laquelle, si une agence gouvernementale entend émettre une règle qui a des conséquences politiques ou économiques, on peut aller voir si ça correspond à l’autorité que le Congrès lui a donnée à l’origine. Cela rend particulièrement difficile la tâche de faire des règles sur le climat, parce que nous n’avons pas vu de loi importante sur le climat depuis un bon bout de temps. Il faut donc s’appuyer sur ce qui a été écrit à une époque antérieure où les législateurs ne s’intéressaient pas du tout au climat. Je crois donc que le département des Transports va faire l’objet de contestations judiciaires assez rapidement, s’il veut tenter de suivre les émissions de CO2.

PHOTO TIMOTHY TAMARGO, FOURNIE PAR LA GARDE CÔTIÈRE DES ÉTATS-UNIS

Alice Hill, ex-assistante spéciale du président Barack Obama et directrice principale de la politique de résilience au sein du Conseil national de sécurité, et chargée de mission pour l’énergie et l'environnement au Council on Foreign Relations

Q. Sur la question de la lutte contre les changements climatiques et les émissions de CO2, croyez-vous qu’on entre dans une ère où différents États et différentes villes devront prendre les devants pour essayer de contrôler et diminuer leurs émissions ?

R. Oui, je crois que nous allons voir davantage de gestes faits par des États. Certains sont d’ailleurs des chefs de file dans le domaine. Pensons à la Californie, par exemple. Le défi est que nous avons 50 États, et que si chaque État fait ses propres règles, c’est difficile pour les entreprises du secteur privé de se conformer à toutes ces règles différentes. Lorsque les chefs d’entreprise prennent la parole, ils disent qu’ils veulent des règles claires, stables et prévisibles, ce qui leur facilite les choses. Mais nous nous dirigeons vers une plus grande disparité dans les règles, ce qui pourrait être coûteux pour le secteur privé. Vous avez une entreprise qui est conforme au Tennessee, mais qui n’est pas conforme en Californie, ou vice versa. Ça augmente les frais juridiques, les politiques, les procédures au sein des entreprises elles-mêmes, ce qui est encombrant et coûteux.

J’y reviens : la décision de la Cour suprême le mois dernier de limiter les efforts de Washington pour s’attaquer aux émissions de GES est extrêmement importante pour la suite des choses, et pour la capacité des États-Unis d’atteindre leurs objectifs quant aux réductions des émissions de GES. Nous allons subir les conséquences de cette décision durant des années. Nous ne savons pas exactement quelles seront ces conséquences, mais la décision va faire des vagues et orienter le débat, c’est certain.

Que veut faire le département des Transports ?

Mise de l’avant par Pete Buttigieg, secrétaire aux Transports, la proposition donnerait aux États le rôle de comptabiliser les émissions de dioxyde de carbone rejetées dans l’air par les automobilistes en utilisant des données sur la consommation de carburant et les distances parcourues sur les autoroutes. Les États fixeraient ensuite des objectifs décroissants en matière d’émissions, qui atteindraient certaines cibles au bout de deux ans, et d’autres cibles au bout de quatre ans. Or, le fait de ne pas atteindre les cibles n’aurait pas de conséquences tangibles, le gouvernement affirmant que « des actions » seraient à prendre pour les atteindre plus tard.

En savoir plus
  • 50 %
    Cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport aux niveaux de 2005 à atteindre d’ici 2030 aux États-Unis, selon les objectifs de l’administration Biden. Cette dernière veut atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050.
    Source : GOUVERNEMENT fédéral des États-Unis