(New York) L’attaque violente du 6 janvier 2021 contre le Capitole des États-Unis n’était pas un évènement fortuit. Il s’agissait du « point culminant d’une tentative de coup d’État » orchestrée par Donald Trump, a affirmé le président de la commission du Congrès chargée d’enquêter sur un des moments les plus sombres et périlleux de la démocratie américaine.

« Donald Trump était au centre de cette conspiration », a déclaré le représentant démocrate du Mississippi Bennie Thompson, en lançant la première d’une série de six auditions publiques sur les évènements qui ont marqué — et précédé — la journée funeste du 6 janvier 2021.

« Et en fin de compte, Donald Trump — le président des États-Unis — a incité une foule d’ennemis intérieurs de la Constitution à marcher sur le Capitole et à subvertir la démocratie », a-t-il ajouté.

Réquisitoire contre Trump

Présentée à heure de grande écoute et diffusée par toutes les grandes chaînes américaines, exception faite de Fox News, cette première audition publique a pris les allures d’un réquisitoire contre Donald Trump. La représentante républicaine du Wyoming Liz Cheney, vice-présidente de la commission, a formulé les accusations les plus cinglantes à l’encontre du 45e président.

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Liz Cheney, représentante républicaine du Wyoming, est l’une des rares élues républicaines ayant accepté de siéger dans la commission d’enquête du Congrès sur les évènements du 6 janvier 2021.

« Le président Trump a convoqué la foule, rassemblé la foule et allumé la flamme de l’attaque », a-t-elle déclaré, précisant par la suite que le prédécesseur de Joe Biden n’avait rien fait pendant plusieurs heures pour tenter de mettre fin à la violence.

Il est revenu au vice-président Mike Pence de réclamer le déploiement de la Garde nationale, a-t-elle affirmé.

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L’ancien vice-président Mike Pence, lors de la certification par le Congrès du résultat de l’élection présidentielle de 2020

Liz Cheney a par ailleurs évoqué le témoignage d’un membre de l’entourage de l’ancien président à propos de sa réaction après qu’il a appris que des émeutiers ayant pris d’assaut le Capitole scandaient « Pendez Mike Pence ! Pendez Mike Pence ! »

« Eh bien, peut-être que nos partisans ont la bonne idée. Mike Pence le mérite », a déclaré Donald Trump, selon ce témoignage.

Intention criminelle

Créée en juillet 2021, la commission spéciale de la Chambre des représentants a interviewé plus de 1000 témoins au cours de son enquête et recueilli plus de 140 000 documents. Elle n’a pas le pouvoir de porter des accusations criminelles contre Donald Trump ou des membres de son entourage. Mais elle peut recommander au département de la Justice de le faire.

Bennie Thompson et Liz Cheney ont d’ailleurs semblé vouloir établir l’intention criminelle de Donald Trump en faisant valoir que ce dernier ne croyait pas lui-même aux mensonges qu’il proférait en public.

« Donald Trump et ses conseillers savaient qu’il avait perdu l’élection », a déclaré la représentante du Wyoming, qui a été le seul membre de la commission à prendre la parole avec Bennie Thompson.

La commission, composée de sept démocrates et de deux républicains, a notamment fait entendre durant l’audition des extraits vidéo de témoignages fournis par l’ancien procureur général des États-Unis William Barr et la fille de l’ancien président Ivanka Trump.

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Le témoignage d’Ivanka Trump, fille de Donald et ancienne haute conseillère du président, a été entendu jeudi.

Dans l’un de ces extraits, William Barr utilise un mot grossier — « bullshit » — pour qualifier les allégations de fraude électorale formulées par Donald Trump. Interrogée sur l’opinion de l’ex-procureur général des États-Unis, Ivanka Trump a répondu : « Je respecte le procureur général Barr. J’ai donc accepté ce qu’il disait. »

Jason Miller, conseiller de longue date de Donald Trump, et Alex Cannon, avocat de l’équipe de campagne de l’ex-président, ont également affirmé avoir déclaré au président qu’il avait perdu et que la fraude n’y était pour rien.

Dans son réquisitoire, Liz Cheney a accusé Donald Trump d’avoir ignoré cette réalité afin de mettre en œuvre « un plan sophistiqué en sept parties » pour renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020 et violer « son obligation constitutionnelle de céder le pouvoir ».

Les cinq autres auditions publiques doivent détailler ce plan, qui inclut un « effort massif » visant à propager des informations « fausses et frauduleuses » sur une élection volée, une tentative de remplacer le procureur général par intérim et une campagne de pression auprès du vice-président Mike Pence pour le convaincre de bloquer la certification des résultats de l’élection par le Congrès le 6 janvier 2021.

La prochaine audition publique aura lieu lundi prochain à 10 h.

« Chasse aux sorcières partisane »

Liz Cheney a également formulé des accusations contre « plusieurs représentants républicains », affirmant que ceux-ci avaient réclamé la grâce présidentielle dans la foulée de l’assaut contre le Capitole. Elle n’en a nommé qu’un seul, Scott Perry, de Pennsylvanie.

Comme l’autre membre républicain de la commission sur le 6-Janvier, Adam Kinzinger, la fille de Dick Cheney est aujourd’hui considérée comme un paria au sein de son parti. La représentante républicaine de New York Elise Stefanik, sa remplaçante au sein de la hiérarchie républicaine de la Chambre, a elle-même accusé les membres de la commission de mener une « chasse aux sorcières partisane » pour détourner l’attention des électeurs des vrais enjeux.

Après la présentation de vidéos inédites de l’assaut du Capitole, la commission a entendu deux témoins en personne. Il s’agit de Caroline Edwards, première policière à avoir été blessée lors de l’attaque, et Nick Quested, documentariste britannique qui a filmé des membres du groupe extrémiste Proud Boys, les premiers à avoir franchi les barrières de police devant le Capitole.

« Je me souviens que mon souffle s’est pris dans ma gorge parce que j’assistais à une scène de guerre. C’était quelque chose comme ce que j’avais vu dans des films », a déclaré Caroline Edwards, membre de la police du Capitole.

« Je n’en croyais pas mes yeux. Il y avait des agents au sol. Ils saignaient, ils vomissaient… Je glissais sur du sang. J’attrapais des gens qui tombaient. C’était un carnage, c’était le chaos. »

« J’ai vu la foule passer de manifestants à insurgés », a déclaré de son côté Nick Quested, dont l’équipe a fourni des images à la commission.

La commission a également montré des extraits vidéo de témoignages de membres des Proud Boys affirmant que le groupe avait connu un afflux de recrues après un débat présidentiel au cours duquel Donald Trump les avait appelés à « se mettre en retrait et se tenir prêts » (stand back and stand by).