(Washington) Les militaires américains impliqués dans une frappe de drone qui avait tué par erreur 10 civils, dont sept enfants, à Kaboul fin août, au moment du retrait chaotique des troupes de l’aéroport, ne seront pas sanctionnés, a annoncé le Pentagone.

À Kaboul, le père d’une fillette de trois ans tuée dans le bombardement a exprimé mardi sa colère face à cette décision. Le gouvernement taliban a de son côté jugé qu’il était de « la responsabilité des Américains de punir les coupables et compenser les victimes ».

« Il n’y avait pas d’éléments suffisamment solides pour retenir des responsabilités personnelles », a expliqué à Washington le porte-parole du Pentagone, John Kirby, pour justifier l’absence de sanctions.

« Ce qu’il s’est passé, c’est un dysfonctionnement du processus de décision et d’exécution, et ce n’est le résultat ni d’une négligence, ni d’une faute, ni d’un mauvais commandement », a-t-il ajouté.

Cette frappe est intervenue le 29 août dernier, à la veille du départ effectif du dernier soldat américain de l’aéroport de Kaboul, après plusieurs jours d’immense confusion provoquée par la rapide prise de pouvoir des talibans à Kaboul, mettant fin à la plus longue guerre de l’histoire des États-Unis. Trois jours plus tôt, un attentat revendiqué par le groupe État islamique (EI) y avait tué plus de 100 personnes, dont 13 soldats américains.

L’armée américaine, alors renseignée sur une possible nouvelle attaque de l’EI sur les opérations d’évacuation près de l’aéroport, avait décidé de viser ce qu’elle pensait être une voiture remplie d’explosifs.

« Dieu vengera les martyrs »

Mais c’était en fait celle d’Ezmarai Ahmadi, un Afghan qui avait travaillé pour une ONG américaine, Nutrition and Education International, et qui s’y trouvait avec neuf membres de sa famille, dont sept enfants, autour.

PHOTO ANDREW HARNIK, ASSOCIATED PRESS

La décision concernant cette frappe intervenue dans les derniers jours de la présence américaine en Afghanistan a été prise par le secrétaire à la Défense Lloyd Austin.

Mardi matin à Kaboul, le frère d’Ezmarai Ahmadi, Aimal, qui a également perdu sa fille de 3 ans, Malika, dans le bombardement, n’a pas caché sa colère face à l’absence de sanctions. « Nous nous en remettons à Dieu, qui vengera les martyrs », a-t-il déclaré à l’AFP, venue l’interroger dans la maison familiale.

« Nous avons perdu 10 membres de notre famille, et chaque jour nous pensons à eux », mais « les États-Unis sont un pays puissant, nous ne pouvons pas manifester contre eux ou nous venger », a-t-il souligné, en s’interrogeant : « Qu’est-ce qui se serait passé les Américains avaient perdu un seul enfant ? Il y aurait eu des réactions ».

« C’est la responsabilité des Américains de punir les coupables et indemniser les victimes », a de son côté déclaré à l’AFP un porte-parole du gouvernement taliban, Bilal Karimi.

La décision de non-sanction a été prise par le secrétaire à la Défense Lloyd Austin après un rapport réalisé par deux hauts gradés, le général Kenneth McKenzie et le général Richard Clarke. Le premier est le chef du Centcom, la région militaire qui comprend l’Afghanistan. Le second est le chef des opérations spéciales.

Aucun de ces deux officiers n’avait émis de recommandation en vue de sanctions individuelles, a déclaré lundi John Kirby.

Excuses américaines

Dès le 3 novembre, le Pentagone avait affirmé que cette frappe à Kaboul le 29 août était une erreur tragique, mais qu’elle n’avait pas violé les lois de la guerre.

En novembre, l’ONG de la victime, Nutrition and Education International (NEI), avait qualifié l’enquête du Pentagone de « profondément décevante et insuffisante ».

Le ministre américain de la Défense avait présenté ses « sincères condoléances » et ses « excuses » pour cette bavure.

Quelques jours après le bombardement, la famille d’Ezmarai Ahmadi avait jugé les excuses « insuffisantes » et estimé que les Américains devaient « venir » à Kaboul lui « présenter leurs excuses en face » et les « compenser » pour ces pertes.

Le Pentagone a promis de payer des compensations aux Afghans qui ont travaillé pour cette ONG et leur famille, et de les aider à quitter le pays, mais la liste des bénéficiaires n’a pas encore été arrêtée, selon des responsables du Pentagone.