(Miami) La montée des eaux menace le littoral parsemé de hauts immeubles du sud de la Floride, mais il est peu probable que le changement climatique puisse expliquer à lui seul l’effondrement d’un bâtiment à Surfside la semaine dernière, selon un chercheur spécialiste des plages.

Les autorités ne savent pas encore pourquoi la majeure partie de cet édifice de 12 étages s’est écroulée jeudi, faisant au moins 12 morts et 149 disparus. L’enquête devrait être longue.

Montée des eaux

Les villes de la région de Miami subissent les effets de la montée des eaux, et ont annoncé des investissements coûteux pour tenter de les atténuer, mais Stephen Leatherman, chercheur à l’université internationale de Floride (FIUS) qui étudie les plages, affirme qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve que le phénomène ait joué un rôle dans l’effondrement.

« Je doute que cela ait été un problème ici », déclare-t-il à l’AFP lors d’un entretien dans sa maison de Miami.

Les ouragans, l’érosion des plages, les inondations inquiètent beaucoup ici. Mais l’effondrement d’un bâtiment, c’est nouveau. Nous n’avons jamais vu cela avant, surtout pour un grand immeuble.

Stephen Leatherman, chercheur à l’université internationale de Floride

Le chercheur pointe plutôt vers un problème de renforcement dans la construction du bâtiment, ou un possible dégât des eaux qui aurait pu compromettre ses fondations.

Essor des constructions

Avant de se désintégrer en un amas de gravats en l’espace de quelques secondes, le Champlain Towers South était l’un des complexes résidentiels qui s’élèvent tout le long de la côte du sud de la Floride, et deviennent plus nombreux en raison d’un boom immobilier.

Construire dans des villes comme Surfside, située sur une des îles barrière de cet État sujet aux ouragans, représente un défi unique selon M. Leatherman, surnommé « Docteur Plages » pour son classement annuel des meilleurs littoraux du monde : « On construit le plus souvent sur du sable », contrairement aux roches calcaires qui se trouvent sous Miami, plus à l’intérieur, mais toujours à une faible élévation par rapport au niveau de la mer, comme presque partout ailleurs en Floride, explique le chercheur.

Une loi adoptée en 1982 requiert de creuser et de couler une base en béton sous les fondations des immeubles, mais l’érection de la Champlain Towers South a été achevée en 1981.  

M. Leatherman s’interroge aussi sur la qualité du sable utilisé pour le béton et se demande si les constructeurs avaient installé assez d’armatures pour renforcer la structure bétonnée.  

Des questions avaient été soulevées sur l’intégrité du bâtiment bien avant la tragédie, ont révélé des médias américains.  

« Dommages structurels majeurs »

Un rapport portant sur l’état de l’immeuble avait ainsi noté dès 2018 des « dommages structurels majeurs », ainsi que des « fissures » dans le sous-sol du bâtiment, selon des documents publiés par la ville de Surfside.

À cause du changement climatique, les immeubles du sud de la Floride pourraient voir une augmentation des inondations à mesure que l’élévation du niveau de la mer pousse les eaux souterraines vers le haut. Mais ce n’est pas de l’eau salée corrosive, selon M. Leatherman, en tout cas pas au début.  

Cette eau devrait toujours être de l’eau douce, mais si cela devient une infiltration d’eau salée, alors l’eau salée peut pénétrer et commencer à rouiller les armatures, et ce n’est pas une bonne chose.

Stephen Leatherman, chercheur à l’université internationale de Floride

Le problème des inondations est déjà assez sérieux et il est commun de voir des habitants de Miami faire du kayak dans les rues pendant la saison des pluies en Floride.  

Miami, future Nouvelle Venise ?

Le comté de Miami-Dade a annoncé en février qu’il allait dépenser des milliards de dollars pour lutter contre la montée des eaux, et l’année dernière le gouvernement américain a déversé des tonnes de sable à Miami Beach pour stopper l’érosion des littoraux qui s’accélère, selon l’expert.  

Toufefois d’après Stephen Leatherman, les grands immeubles devraient s’habituer à voir leurs étages inférieurs inondés, tandis que certaines parties de Miami pourraient finir par être complètement abandonnées.

« Je ne sais pas si nous allons devenir la nouvelle Venise bientôt, mais espérons que nous ne serons pas l’Atlantide », conclut-il.