Le procès en destitution de Donald Trump est entré dans une nouvelle phase mercredi, première de deux journées consacrées aux questions des sénateurs aux deux parties. Mais John Bolton et son livre à paraître ont continué à jeter leur ombre sur la procédure historique.

Quelques heures avant la reprise du procès, Donald Trump et son avocat personnel, Rudolph Giuliani, sont passés à l’attaque contre l’ancien conseiller de la Maison-Blanche à la sécurité nationale, dont les révélations sur l’affaire ukrainienne secouent Washington depuis le début de la semaine.

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John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis

Prenant le relais de l’ancien maire de New York, qui avait ouvert les hostilités en qualifiant John Bolton de « traître » sur CBS, le président américain s’est déchaîné sur Twitter contre son ancien conseiller, dénonçant ses « erreurs de jugement » ainsi que son « livre faux et méchant ».

« [John Bolton] s’est fait virer parce que franchement, si je l’écoutais, on en serait à la Sixième Guerre mondiale », a gazouillé Donald Trump en ajoutant que « tout » le contenu des mémoires du faucon conservateur était « classé sécurité nationale ».

Peu après, CNN a révélé que la Maison-Blanche avait envoyé une lettre de menaces à John Bolton pour bloquer son livre, dont la sortie est prévue le 17 mars. Selon cette missive, le manuscrit envoyé pour approbation « apparaît contenir des informations confidentielles », y compris certaines qui « ont été classées au niveau top secret ».

« Le manuscrit ne peut être publié […] sans la suppression de ces informations confidentielles », a écrit le Conseil à la sécurité nationale de la Maison-Blanche dans cette lettre datée du 23 janvier.

L’avocat de John Bolton, Charles Cooper, a affirmé plus tôt cette semaine que le manuscrit soumis par son client ne contenait « aucune information qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant classée ».

« N’attendez pas le livre »

John Bolton et son livre ont également fait l’objet de questions au Sénat. Le chef de la minorité Chuck Schumer a abordé le sujet d’entrée. « Est-il possible pour le Sénat de rendre un verdict éclairé dans cette affaire sans entendre les témoignages de Bolton, [Mick] Mulvaney et les autres témoins clés ? », a-t-il demandé dans une question écrite et lue par le juge John Roberts, qui préside au procès en destitution de Donald Trump.

La réponse brève à cette question est non. Il n’est pas possible d’avoir un procès équitable sans témoins.

Adam Schiff, chef de l’équipe des procureurs démocrates

Puis, en se tournant vers les sénateurs républicains, il a ajouté : « N’attendez pas le livre. N’attendez pas jusqu’au 17 mars, quand ce sera écrit noir sur blanc, pour obtenir une réponse à votre question. »

Dans ses mémoires, intitulés In the Room Where it Happened, John Bolton raconte que Donald Trump lui a dit en août 2019 qu’il maintiendrait le gel sur une aide militaire de 391 millions de dollars à l’Ukraine jusqu’à ce que le gouvernement de ce pays s’engage à enquêter sur des démocrates, dont Joe Biden. Le président et ses avocats nient cette allégation qui va au cœur de la procédure de destitution intentée contre le président.

La sénatrice républicaine Susan Collins a posé la première question de la majorité, en son nom personnel et au nom des sénateurs républicains Mitt Romney et Lisa Murkowski. Elle voulait savoir comment le Sénat devait évaluer les différents motifs, légitimes et moins légitimes, qui auraient inspiré le comportement de Donald Trump vis-à-vis de l’Ukraine.

Phil Philbin, un des avocats de Donald Trump, a répondu qu’une action inspirée par des « motifs mixtes » ne peut justifier la destitution.

« S’il est possible de démontrer que le président avait un motif inspiré par l’intérêt public, leur cause tombe », a-t-il déclaré en ajoutant que c’était le cas.

La thèse de Dershowitz

Les sénateurs Collins, Romney et Murkowski ont en commun d’être ouverts à la comparution de témoins. Si au moins quatre élus républicains votent en ce sens vendredi, le procès en destitution de Donald Trump risque de prendre une tournure inattendue.

Les sénatrices Collins et Murkowski ont semblé déstabiliser Phil Philbin avec une autre question. Elles lui ont demandé si Donald Trump avait parlé de la nécessité de mener une enquête sur Joe et Hunter Biden en lien avec la corruption ukrainienne avant l’annonce de la candidature à l’investiture démocrate de l’ancien vice-président.

« Je ne peux pas trouver cette information dans les documents produits par la Chambre des représentants », a-t-il déclaré.

Alan Dershowitz, autre avocat du président, a suscité la controverse en faisant valoir qu’un président peut tout faire pour assurer sa réélection s’il croit qu’être président sert l’intérêt public.

Selon cette thèse, une contrepartie visant à améliorer les perspectives d’un président ne saurait justifier sa destitution.

« Chaque élu que je connais pense que sa réélection est dans l’intérêt public », a dit le professeur de droit émérite à l’Université Harvard en réponse à la question d’un sénateur républicain.

Adam Schiff a qualifié cette thèse de « très bizarre ».

IMAGE TIRÉE D'UNE VIDÉO, ASSOCIATED PRESS

Adam Schiff

« Toutes les contreparties ne sont pas pareilles. Certaines sont légitimes, certaines sont malhonnêtes », a-t-il ajouté.

Des sénateurs républicains ont également critiqué cette thèse.

Un certain suspense plane sur le vote de vendredi sur la présentation de nouveaux documents et la comparution de témoins. Mais les démocrates ne se font pas d’illusion.

« C’est une lutte difficile », a admis Chuck Schumer. « Est-ce plus probable qu’improbable ? Probablement pas. Mais y a-t-il une chance raisonnable ? Oui. »

Si témoins il y a, des sénateurs républicains ont indiqué qu’ils réclameraient de leur côté la comparution des Biden et du lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire ukrainienne, entre autres.