(Washington) Le procès historique en destitution de Donald Trump aura un impact inédit sur la campagne présidentielle américaine : quatre sénateurs candidats à l’investiture démocrate seront coincés à Washington pour les débats avant le premier vote des primaires dans l’Iowa, État où la présence sur le terrain est jugée cruciale.  

Un scénario cauchemardesque pour des politiques en campagne qui frappe deux des grands favoris, les sénateurs progressistes Elizabeth Warren et Bernie Sanders, tout en pouvant bénéficier aux deux candidats modérés du peloton de tête qui ne sont pas élus au Congrès : le favori Joe Biden et l’ancien maire Pete Buttigieg.  

PHOTO ROBYN BECK, AFP

La sénatrice Elizabeth Warren

Les deux autres sénateurs affectés, les modérés Amy Klobuchar et Michael Bennet, évoluent bien plus bas dans les sondages.  

Les 100 sénateurs américains seront les jurés du procès en destitution qui devrait s’ouvrir au Sénat la semaine prochaine et pourrait durer jusqu’en février.  

Ils devront suivre toute la procédure en silence, ne pouvant peut-être s’échapper que le samedi après-midi et le dimanche pour prendre des vols directs pour l’Iowa.  

« Nous avons un procès en destitution et je serai là car c’est ma responsabilité », a déclaré Elizabeth Warren mardi soir lors du dernier débat démocrate avant le scrutin du 3 février dans l’Iowa.

Cet État rural peu peuplé occupe une place gigantesque sur le calendrier politique américain car, étant le premier à voter dans les primaires, il a le pouvoir d’influencer la course pour choisir qui défiera le républicain Donald Trump en novembre.

Et ses électeurs sont connus pour apprécier les petites rencontres avec les candidats, qui sillonnent l’Iowa depuis des mois, parlant dans les fermes, les cafés…  

À moins de trois semaines des « caucus » de l’Iowa, ces soirées électorales atypiques où les électeurs se rangent physiquement d’un côté ou l’autre de la salle selon le candidat qu’ils soutiennent, l’impact sur la campagne des sénateurs pourrait être brutal.  

D’autant que le procès les empêchera aussi de faire autant campagne que prévu dans l’État du New Hampshire qui votera juste après, le 11 février.

« Certaines choses sont plus importantes que la politique. J’ai prêté serment pour défendre la Constitution des États-Unis. Elle établit que personne n’est au-dessus des lois et cela inclut le président », a ajouté Mme Warren lors du débat, reflétant l’argument repris par les autres sénateurs candidats.

Avantager Biden ?

Dans un vote historique, la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, a adopté le 18 décembre deux chefs d’accusation contre le milliardaire : abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès.  

La présidente démocrate de la Chambre Nancy Pelosi a ensuite tardé à faire approuver la transmission de l’acte d’accusation au Sénat, aux mains des républicains, jusqu’à ce mercredi.  

AP

Nancy Pelosi

De quoi faire soupçonner aux républicains une manigance pour avantager le favori dans les sondages nationaux, l’ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden.

« En retenant l’acte d’accusation face au Sénat, la présidente Pelosi nuit à Bernie et aide Biden », a tweeté le chef de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy.  

Les sénateurs en campagne « n’auront plus de voix » et les chances de Bernie Sanders, notamment, sont grandement entamées, a encore déclaré mardi ce républicain d’ordinaire peu attendri par ses rivaux.  

« La seule chose juste que pourrait faire Joe Biden est de s’engager à ne pas faire campagne tant que Bernie Sanders ne peut pas », a-t-il ajouté.  

« La destitution n’a rien à voir avec la politique ou la campagne présidentielle », lui a répondu directement le chef de cabinet de Nancy Pelosi, Drew Hammill, sur Twitter.

De leur côté, les candidats sénateurs comptent sur les réseaux de volontaires qu’ils ont tissés pendant de longs mois dans l’Iowa et le New Hampshire, et les personnalités qui les soutiennent pour porter leurs voix sur le terrain.  

Sur ce point, l’équipe de Bernie Sanders compte le plus grand nombre de salariés dans l’Iowa (250 selon le Washington Post) et sur un trésor de guerre impressionnant pour financer sa campagne. Mais Elizabeth Warren, en campagne depuis décembre 2018, a aussi très tôt construit un réseau de volontaires enthousiastes.