(New York) Sidney Powell et Lin Wood figurent parmi les républicains qui donnent des cauchemars à Lane Flynn, un des responsables du Grand Old Party en Géorgie.

Mercredi, lors d’un rassemblement tenu en banlieue d’Atlanta, les deux avocats pro-Trump ont exhorté les électeurs locaux à boycotter le second tour des élections sénatoriales de Géorgie, prévues le 5 janvier prochain. Ils ont en partie appuyé leur appel sur le recours par l’État au logiciel électoral Dominion. « Il ne devrait pas y avoir de second tour. Certainement pas sur les machines de Dominion », a déclaré Sidney Powell, qui a fait sienne la théorie infondée selon laquelle le logiciel a effacé ou réattribué à Joe Biden des millions de votes destinés à Donald Trump lors de l’élection présidentielle du 3 novembre.

Tout en exprimant son refus de voter sur ces « damnées machines faites en Chine », Lin Wood a appelé à l’emprisonnement du gouverneur républicain de Géorgie, Brian Kemp.

« En ce qui me concerne, enfermez-le », a-t-il déclaré après avoir reproché au gouverneur son refus de renverser les résultats de l’élection présidentielle en Géorgie.

Et les centaines de partisans de Donald Trump présents de se mettre à scander : « Enfermez-le ! »

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Les avocats Sidney Powell et Lin Wood, lors du rassemblement de mercredi

À la fin de la journée, Lane Flynn ne cachait pas son inquiétude concernant l’effet des appels au boycottage auxquels les Powell, Wood et autres font écho ces jours-ci.

« C’est très préoccupant pour nous, a déclaré à La Presse le président du Parti républicain du comté de DeKalb, situé dans la région métropolitaine d’Atlanta. Car si les gens n’ont pas la certitude que leur vote sera compté de façon équitable, ils seront moins motivés à quitter la maison et à se rendre aux urnes. »

Et, bien sûr, il s’agit de deux élections très importantes parce qu’elles détermineront quel parti aura le contrôle du Sénat au cours des deux prochaines années au moins.

Lane Flynn, président du Parti républicain du comté de DeKalb

Si les démocrates remportent les deux sièges en jeu, ils deviendront majoritaires au Sénat. Et Joe Biden n’aura pas à composer avec Mitch McConnell.

Un défi inusité

Les scrutins du 5 janvier tiennent à une particularité de la loi électorale en Géorgie. Quand aucun des candidats pour un siège au Sénat des États-Unis n’obtient plus de 50 % des voix, les deux candidats en ayant récolté le plus grand nombre s’affrontent dans un second tour.

Incapables de franchir le seuil de 50 % le 3 novembre, les sénateurs républicains sortants David Perdue et Kelly Loeffler affrontent donc respectivement les démocrates Jon Ossoff et Raphael Warnock. Et ils font face à un défi inusité : mobiliser les électeurs républicains sans contredire les fausses allégations de fraudes électorales portées par Donald Trump et ses alliés.

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Kelly Loeffler et David Perdue, sénateurs républicains de la Géorgie

« Leur campagne est fondée sur une sorte de contradiction, a dit à La Presse Jeffrey Lazarus, politologue à l’Université de Géorgie. D’un côté, ils disent : “L’élection du 3 novembre était truquée, vous ne pouvez pas vous fier aux résultats, mais vous devez voter pour moi le 5 janvier.” »

Le discours sur l’élection truquée est ce qui allume la base républicaine en ce moment. Mais, d’un autre côté, il n’incite pas vraiment à aller voter.

Jeffrey Lazarus, politologue à l’Université de Géorgie

Lane Flynn, lui, rejette en bloc les allégations de fraudes électorales en Géorgie. En tant que président du Parti républicain du troisième comté de l’État pour la population, il a suivi de très près toutes les étapes de l’élection du 3 novembre, du dépouillement à la certification des résultats en passant par les recomptages.

Il n’est pas satisfait de la façon dont tout le processus a été mené, mais il refuse d’adhérer au discours du président et de ses alliés. Il voudrait même que les sénateurs Perdue et Loeffler s’excusent d’avoir réclamé la démission du secrétaire d’État de Géorgie, Brad Raffensperger, le responsable républicain de l’organisation des élections dans le Peach State.

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Raphael Warnock et Jon Ossoff, candidats démocrates aux deux postes de sénateur de la Géorgie qui seront en jeu le 5 janvier prochain

« Nous n’avons aucune raison de penser qu’il y a eu une fraude généralisée ou que quelqu’un a fait quelque chose qui aurait changé illégalement le résultat de l’élection, a déclaré Lane Flynn lors d’un entretien téléphonique. Nous tentons donc de convaincre les électeurs républicains que leur vote, en personne, par anticipation ou par courrier, sera compté. »

Trump en Géorgie

Et d’ajouter : « Je sais qu’il y a des gens qui ne sont pas d’accord avec ce que je dis. Ma réponse est la suivante : “Quand allez-vous présenter vos preuves devant un tribunal ? Pas dans un rassemblement ou sur votre chaîne YouTube. Devant un juge.” Tant que cela ne se produira pas, je me fierai à mes observations personnelles et pas à ce qu’un individu dit pour obtenir des clics ou de l’argent. »

D’une certaine façon, Lane Flynn a décrit l’approche de Donald Trump, qui a récolté plus de 170 millions de dollars en bombardant ses partisans de sollicitations de dons qui reprennent ses allégations infondées de fraudes électorales. Reste à voir si le président répétera ces mêmes allégations samedi à l’occasion d’un rassemblement auquel il doit participer en Géorgie en compagnie des sénateurs Perdue et Loeffler.

En attendant, les républicains ont de quoi s’inquiéter de tout appel au boycottage du second tour des élections sénatoriales.

Un sondage SurveyUSA publié jeudi crédite le démocrate Raphael Warnock d’une avance de 7 points de pourcentage sur la sénatrice Loeffler. Dans l’autre élection, le démocrate Jon Ossoff jouit d’une mince avance de 2 points de pourcentage sur le sénateur Perdue.

Selon Jeffrey Lazarus, le politologue de l’Université de Géorgie, les démocrates pourraient défier l’histoire en remportant un second tour de scrutin, ce qu’ils n’ont pas réussi à faire au cours des 20 dernières années en Géorgie. Le vote des villes de banlieues pourrait de nouveau être déterminant, comme il l’a été pour Joe Biden.

« Les banlieues de Géorgie sont devenues très diverses, a expliqué le professeur Lazarus. On y trouve des électeurs hispaniques, des électeurs asiatiques et des électeurs noirs qui sont mobilisés et qui votent pour la première fois. Leur participation sera cruciale si les démocrates veulent l’emporter le 5 janvier. »