(Philadelphie) Deux jours après l’élection présidentielle, Joe Biden se retrouve aux portes de la Maison-Blanche, ayant ajouté mercredi le Wisconsin et le Michigan à ses conquêtes au cours d’une journée qui a vu Donald Trump et son équipe multiplier les déclarations et les manœuvres pour discréditer et contester le vote dans les États-clés.

En triomphant au Wisconsin et au Michigan, le candidat démocrate s’est assuré d’au moins 264 des 270 grands électeurs nécessaires pour être élu à la présidence, selon l’Associated Press, contre au moins 214 pour Donald Trump. Il pourrait atteindre le chiffre magique en confirmant la mince avance dont il jouit au Nevada. Ce total inclurait les 11 grands électeurs de l’Arizona, un État où certains médias, dont l’AP, l’ont déclaré vainqueur dès mardi soir.

En fin d’après-midi mercredi, l’ancien vice-président s’est adressé au public américain pour calmer le jeu et projeter l’image d’un homme d’État capable de rassembler les citoyens d’un pays dont les profondes divisions ont de nouveau été révélées lors du scrutin présidentiel.

« Après une longue nuit de dépouillement, il est clair que nous gagnons suffisamment d’États pour atteindre les 270 votes électoraux nécessaires pour remporter la présidence », a dit Joe Biden lors d’une intervention à Wilmington, au Delaware.

Je ne suis pas ici pour déclarer que nous avons gagné. Mais je suis ici pour déclarer que, lorsque le décompte sera terminé, nous pensons que nous serons les gagnants.

Joe Biden

Tendant la main aux dizaines de millions d’électeurs qui ont voté pour Donald Trump, il a ajouté : « Pour progresser, nous devons cesser de traiter nos adversaires comme des ennemis. »

La course était serrée dans trois autres États où Donald Trump luttait pour garder les devants, soit la Pennsylvanie, la Caroline du Nord et la Géorgie, château fort républicain que les démocrates pourraient revendiquer pour la première fois depuis 1992.

Le président était en meilleure position pour l’emporter en Alaska.

Mais la course aux grands électeurs a été éclipsée en partie par les déclarations et les manœuvres du camp républicain, qui a renouvelé ses accusations de tricherie et contesté les résultats ou les dépouillements dans trois États-clés.

L’équipe de Donald Trump a d’abord réclamé un dépouillement judiciaire des suffrages au Wisconsin avant d’intenter des actions en justice pour stopper les décomptes au Michigan, en Pennsylvanie et en Géorgie.

Au Michigan, la poursuite fait état de la décision de la secrétaire d’État Jocelyn Benson, une démocrate, de permettre le dépouillement de bulletins de vote par anticipation sans la présence d’observateurs bipartites.

PHOTO JEFF KOWALSKY, AFP

Un policier montre la porte de sortie à une femme qui s'était présenté en compagnie de dizaines d'autres partisans de Donald Trump au TCF Center, à Detroit, au Michigan, dans le but d'arrêter le dépouillement des votes.

En Géorgie, l’action en justice est intervenue alors qu’il restait environ 130 000 bulletins de vote par anticipation à dépouiller, dont 76 % avaient été déposés dans des comtés situés près des grandes villes de l’État, dont Atlanta. À 23 h 30, l’avance de Donald Trump n’était plus que de 28 963 votes, et il restait quelque 90 000 bulletins à dépouiller. Les responsables locaux ont indiqué vers minuit que les prochains résultats seraient transmis en matinée jeudi.

Plus tôt dans la journée, le président s’était de nouveau déclaré vainqueur dans des États où aucun média ou responsable n’avait fait de telles projections ou annonces. Il a aussi renouvelé ses allusions infondées à une fraude électorale.

« Nous avons revendiqué, pour les besoins du collège électoral, l’État de Pennsylvanie (qui n’autorise pas les observateurs légaux), l’État de Géorgie et l’État de Caroline du Nord, qui créditent tous les deux Trump d’une GRANDE avance », a-t-il tweeté environ une heure après l’intervention de Joe Biden. « En outre, nous revendiquons l’État du Michigan si, en fait, il y a eu un grand nombre de bulletins de vote jetés secrètement, comme cela a été largement rapporté ! »

Twitter a signalé ce message, affirmant qu’il contenait des allégations « trompeuses ».

L’État de la Pennsylvanie

Donald Trump ne peut espérer décrocher un deuxième mandat sans remporter la Pennsylvanie. Mercredi matin, la moitié des 2,5 millions de bulletins de vote par correspondance de l’État avaient été dépouillés, selon le gouverneur démocrate du Keystone State, Tom Wolf. À midi, Donald Trump détenait une avance d’environ 464 000 voix sur Joe Biden, une marge inférieure à celle dont il jouissait au début de la journée, soit 550 000 voix.

L’équipe de Joe Biden avait bon espoir de remporter plus de 75 % des bulletins de vote par correspondance encore à dépouiller et de devancer le président à la fin du décompte.

De son côté, le camp républicain a semblé parfois animé par l’énergie du désespoir. L’avocat personnel de Donald Trump, Rudolph Giuliani, en a fait la démonstration lors d’une conférence de presse bizarre à Philadelphie à laquelle a également participé Eric Trump, un des fils du président.

« La ville de Philadelphie, malheureusement, a la réputation de tolérer la fraude électorale », a dit l’ancien maire de New York en justifiant des recours en justice non seulement en Pennsylvanie, mais également au Wisconsin.

PHOTO MARK KAUZLARICH, REUTERS

L’avocat personnel de Donald Trump, l'ancien maire de New York Rudolph Giuliani, était à Philadelphie en compagnie d’Eric Trump, un des fils du président.

Et vous avez la réputation de faire venir des gens de Camden [au New Jersey] en bus pour voter ici. Mais cela va au-delà de tout ça.

Rudolph Giuliani

Des figures républicaines d’envergure ont critiqué l’approche de Donald Trump et de ses alliés. Rob Portman, gouverneur de l’Ohio, fait partie de ce groupe.

« Nous comptons les votes. Nous croyons en l’État de droit », a-t-il déclaré sur Fox News. « Je suis pour Trump, mais si [le gagnant] finit par être Biden, nous l’accepterons. Chaque vote doit être compté. »

Malgré la controverse entourant le dépouillement des votes, le plus grand calme régnait à Philadelphie au lendemain du scrutin présidentiel. Encore postés devant les édifices publics du centre-ville, les soldats de la Garde nationale de Pennsylvanie ont pu jouir d’une journée chaude et ensoleillée sans s’inquiéter de la violence et du chaos que certains ont craints.

Et Charlene Scott, une pasteure noire de 61 ans, n’était pas le moindrement surprise du comportement de Donald Trump.

« Si Trump se souciait des autres, je pourrais composer avec ça », a-t-elle dit en s’arrêtant devant le centre des congrès de Philadelphie, où se déroule le dépouillement des votes locaux. « Mais il ne se soucie pas de nous. Tout ce qu’il fait est dans son propre intérêt. En ce moment, il tente de sauver sa peau parce qu’il sait ce qui l’attend quand il ne sera plus président. »