(Washington) Après des mois passés sur la touche, le candidat démocrate à la Maison-Blanche Joe Biden a repris de la voix sur fond de manifestations contre le racisme et les violences policières, pour tenter de s’inscrire en rassembleur face à un Donald Trump « diviseur en chef ».  

« Ce que nous sommes en train de vivre va avoir un plus grand impact sur le résultat de l’élection que la pandémie », estime Capri Cafaro, ancienne parlementaire démocrate et experte de l’American University.  

« Car cela offre à Joe Biden l’occasion de se présenter au pays dans un contexte qui le place en net contraste par rapport au président ».  

Depuis la mi-mars, l’ancien vice-président de Barack Obama était coincé chez lui dans le Delaware par la pandémie de coronavirus, ses multiples interventions peinant à percer face à son rival pour la présidentielle du 3 novembre, Donald Trump.  

Mais la fin du confinement a coïncidé avec l’indignation provoquée par l’homicide de George Floyd, un homme noir de 46 ans asphyxié sous le genou d’un policier blanc le 25 mai.  Des milliers de personnes sont depuis descendues dans la rue, pour des manifestations qui ont parfois dégénéré en émeutes.  

« La question du racisme et de la justice était déjà bien avant vouée à être au cœur de la campagne », affirme Hakeem Jefferson, politologue à l’université de Stanford. Et ce, car « Donald Trump est arrivé au pouvoir en soufflant sur les peurs raciales ».  

Là-dessus était venue s’ajouter la crise de la COVID-19 qui a tué de façon disproportionnée les Afro-américains. « Je ne crois pas qu’on aurait pu être plus en colère », confie ce professeur noir.  

Si les deux rivaux présidentiels ont chacun dénoncé l’homicide de George Floyd, leurs réactions ont été sur le reste aux antipodes.  

Donald Trump s’est présenté en président déterminé à restaurer l’ordre, quitte à recourir à l’armée, face à un Joe Biden connu pour son empathie, qui accuse son rival d’avoir transformé les États-Unis en un « champ de bataille » et promet de tout faire pour « guérir les blessures raciales ».

« Il s’agit vraiment de deux types de leaderships », analyse Capri Cafaro. « Aux yeux de ces deux hommes, la force a un aspect bien différent ».  

Biden, pas un « candidat idéal »

« Le pays cherche désespérément un dirigeant […] qui puisse nous rassembler […] qui puisse reconnaître la douleur et la profonde souffrance des communautés qui ont un genou sur leur cou depuis trop longtemps », a lancé mardi Joe Biden.  

« LOI & ORDRE », a tweeté en réponse Donald Trump. Élu en 2016 sans la moindre expérience politique, il a du même coup épinglé son rival démocrate sur son bilan : « Joe l’endormi est en politique depuis 40 ans et il n’a rien fait ».

Populaire chez les électeurs noirs, qui votent à une écrasante majorité traditionnellement démocrate, plusieurs chapitres du bilan de Joe Biden pourraient lui nuire.  

« Si vous pensez que Joe Biden est le candidat idéal de la plupart des Américains noirs, détrompez-vous », souligne Hakeem Jefferson. Le septuagénaire « a une histoire très compliquée avec les Noirs américains ».

Il est ainsi accusé d’être l’« architecte » d’une loi pénale répressive adoptée en 1994, qui a particulièrement frappé les Afro-Américains.  

Mais, poursuit-il, « nous avons bien conscience du choix auquel nous faisons face en novembre » : maintenir Donald Trump au pouvoir ou choisir le démocrate qui « semble au minimum comprendre les limites de la présidence ainsi que le pouvoir qu’elle offre pour œuvrer en faveur de ces communautés ».  

« Je pense que c’est un choix aisé pour la plupart des électeurs noirs ».  

Professeur de sciences politiques à l’université Wayne State du Michigan, Jeffrey Grynaviski souligne que dans un pays aussi divisé politiquement, l’élection se jouera sur la « bataille de la mobilisation » de ses électeurs, plutôt qu’en tentant de convaincre les autres.  

En se présentant comme un président déterminé à rétablir l’ordre, Donald Trump « cherche à mobiliser sa base ».  

Mais cela pourrait aussi être contreproductif pour le républicain, qui avait remporté sa victoire surprise en 2016 grâce à parfois une très courte avance dans certains États.  

Or, alors que les Afro-Américains avaient bien moins voté pour Hillary Clinton que pour Barack Obama, rappelle Jeffrey Grynaviski, « la rhétorique de Donald Trump des derniers jours va probablement pousser les électeurs noirs à soutenir Joe Biden ».