(Washington) Les grands électeurs, chargés de désigner le président des États-Unis, peuvent-ils s’affranchir du choix des citoyens ? La Cour suprême a débattu mercredi de cette question susceptible de peser sur le prochain scrutin.

L’audience, initialement annulée à cause du nouveau coronavirus, avait été reprogrammée de manière à ce que les neuf sages puissent rendre une décision avant la présidentielle du 3 novembre.  

Le dossier porte sur une des complexités du système électoral américain : l’élection du président au suffrage indirect, par un collège de grands électeurs désignés par chaque État sur la base du vote des citoyens.  

Dans 48 des 50 États, le candidat arrivé en tête dans les urnes rafle toutes les voix des grands électeurs, et certains États ont adopté des dispositifs pour les contraindre à respecter le vote populaire.

Malgré tout, certains s’en affranchissent. Lors des vingt élections présidentielles organisées de 1796 à 2016, il y a eu 180 votes contraires aux attentes, selon un document versé à la procédure.

En 2016, cinq grands électeurs sur 538 ont refusé de voter pour la démocrate Hillary Clinton bien qu’elle ait remporté la majorité des suffrages dans leur État, et deux se sont détournés du républicain Donald Trump.

Ces revirements n’ont jamais eu d’incidence sur l’issue des scrutins, « mais nous devons regarder l’avenir, être des juges réalistes et nous inquiéter du risque de chaos », a déclaré lors de l’audience le magistrat Brett Kavanaugh, pour souligner les enjeux de l’affaire.  

« Si un vote populaire donne une très courte victoire à un candidat, il pourrait y avoir des campagnes concertées pour changer le résultat en influençant certains grands électeurs », a également souligné son confrère Samuel Alito.

Concrètement, les débats ont porté sur des sanctions prises après 2016 par les États du Colorado et de Washington contre des « grands électeurs déloyaux ».

Deux d’entre eux ont contesté ces sanctions – une amende de 1000 dollars pour l’un, un retrait des fonctions de grand électeur pour l’autre – au nom de leur « liberté de vote ».

« Les pères fondateurs ont jugé que les grands électeurs pouvaient voter en toute discrétion » et les amendements à la Constitution « n’y ont rien changé », a plaidé Jason Harrow, l’avocat d’un d’entre eux.  

L’État de Washington « demande à la Cour de lire le mot “électeur” comme “agent” ou même “serviteur” », a ajouté Lawrence Lessig, qui défendait l’autre plaignant.

Mais « c’est le rôle des États d’assurer la confiance dans le système électoral, d’assurer que la voix du peuple est entendue », a rétorqué Philip Weiser, le représentant du Colorado.

La décision de la Cour devrait être rendue d’ici fin juin.