(New York) Avant même l’annonce de la victoire convaincante de Bernie Sanders au Nevada samedi, l’équipe de campagne de Michael Bloomberg a fait circuler sous le manteau des données troublantes pour les démocrates qui veulent empêcher le sénateur du Vermont de remporter l’investiture de leur parti.

Si rien ne survient pour changer l’allure de la course, le candidat socialiste démocrate pourrait se retrouver avec une avance insurmontable sur le plan des délégués après le 3 mars, date du « super mardi ». Ce jour-là, 14 États, dont la Californie et le Texas, et un territoire distribueront près de 40 % des délégués mis en jeu à l’occasion des primaires et des caucus démocrates qui se dérouleront jusqu’en juin.

Selon l’analyse du camp Bloomberg, qui repose sur des sondages internes et des projections, Bernie Sanders pourrait être le seul candidat en lice à remporter des délégués dans tous les États du « super mardi ».

Il faut un minimum de 15 % des voix dans chaque État pour ce faire –, ce qui lui procurerait une avance de 350 à 400 délégués sur les 1357 mis en jeu le 3 mars.

Cette récolte électorale, aussi importante qu’elle soit, ne garantirait pas à Bernie Sanders la majorité des délégués nécessaires pour obtenir l’investiture démocrate dès le premier tour de la convention du parti à Milwaukee. Mais elle pourrait contribuer à lui assurer au moins une pluralité de délégués.

L’analyse du camp Bloomberg, dont le Washington Post a obtenu les grandes lignes, n’est pas désintéressée. Elle a pour but de rappeler aux rivaux de Bernie Sanders ce qu’il pourrait se passer si aucun d’eux n’abandonne la course d’ici au 3 mars. Or, même si ces rivaux sont d’accord avec cette analyse, aucun d’eux ne semble prêt à jeter l’éponge.

Et ils ont tous leurs raisons.

Les raisons de s’accrocher

Joe Biden peut se féliciter de son meilleur résultat depuis le début de la course – une deuxième place à Las Vegas loin derrière le vainqueur, mais une deuxième place quand même. Et il continue à espérer une victoire samedi à l’occasion de la primaire de la Caroline du Sud, où plus de la moitié de l’électorat est issu de la communauté afro-américaine.

PHOTO RONDA CHURCHILL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Joe Biden

Il doit cependant espérer que son avance dans les sondages dans cet État du Sud ne disparaisse pas complètement d’ici au jour du scrutin, comme celle dont il a joui au Nevada pendant de longs mois. S’il remporte la victoire en Caroline du Sud, il ne voudra certainement pas quitter la course avant le « super mardi ».

D’ici là, il se pose comme la solution de rechange non seulement à Bernie Sanders, mais également à Michael Bloomberg.

Je ne suis pas un socialiste. Je ne suis pas un ploutocrate. Je suis un démocrate. Et j’en suis fier.

Joe Biden

Pete Buttigieg, lui, n’a pas de grandes attentes en Caroline du Sud. Mais il veut livrer la bataille dans les États du « super mardi » en se présentant comme le seul candidat à avoir battu Bernie Sanders depuis le début de la course à l’investiture démocrate. Sa victoire dans le compte des délégués en Iowa demeure contestée, mais elle lui appartient encore.

En prévision du 3 mars, l’ancien maire de South Bend, troisième au Nevada, a formulé samedi la critique la plus acérée à l’endroit de Bernie Sanders, lui reprochant de prôner « une révolution idéologique inflexible qui exclut la plupart des démocrates, sans parler de la plupart des Américains ».

Elizabeth Warren, de son côté, a annoncé avoir amassé 9 millions de dollars depuis sa performance dominante lors du débat de mercredi dernier à Las Vegas. Argent qu’elle a bien l’intention de dépenser dans les États du « super mardi », où elle compte déjà sur une bonne organisation.

Quant à Amy Klobuchar, elle s’est réjouie d’avoir « dépassé les attentes » au Nevada, où elle a fini cinquième. Le Minnesota, État qu’elle représente au Sénat, devrait lui assurer au moins une victoire le 3 mars.

Une deuxième chance pour Bloomberg

Bref, aucun des rivaux de Bernie Sanders ne semble prêt à se sacrifier pour contribuer à l’un des seuls moyens susceptibles de le stopper : le regroupement de son opposition autour d’un candidat. Michael Bloomberg, dont l’étoile a pâli depuis le débat démocrate de Las Vegas, fait évidemment partie de ces rivaux plus ou moins entêtés.

Attaqué pour des politiques et déclarations jugées racistes ou sexistes en tant que chef d’entreprise ou maire de New York, le candidat milliardaire voudra se reprendre mardi soir lors d’un débat en Caroline du Sud.

L’affrontement interviendra une semaine avant son entrée officielle dans la course à l’investiture démocrate à l’occasion du « super mardi ».

Il tentera sans aucun doute de dépeindre Bernie Sanders comme un candidat risqué, voire dangereux, qui condamnerait les démocrates à la défaite non seulement face à Donald Trump, mais également face à des candidats républicains au Sénat et à la Chambre des représentants qui pourraient agiter le spectre du socialisme.

Le sénateur du Vermont aura beau jeu de répondre à ces attaques en évoquant les résultats des caucus du Nevada.

« Nous avons assemblé une coalition multiraciale et multigénérationnelle, qui va non seulement triompher au Nevada, mais également balayer le pays », a-t-il déclaré samedi lors d’un discours au Texas, après avoir dominé presque toutes les catégories démographiques lors des caucus du Nevada, à l’exception des Noirs et des 65 ans et plus, selon les sondages réalisés à la sortie des sites de caucus.

Il pourra également noter que 62 % des démocrates qui ont participé aux caucus sont en faveur de sa proposition d’instaurer un système de santé à payeur unique. Cette promesse pourrait lui être fatale face à Donald Trump, mais elle ne nuit certainement pas à sa campagne.

Et ses rivaux ne le ralentissent pas davantage en continuant tous à s’accrocher au rêve probablement futile de le rattraper.