(Washington) La Cour suprême américaine semble divisée sur la décision de Donald Trump de mettre un terme à un programme qui protège près de 700 000 jeunes migrants entrés illégalement sur le sol américain dans leur enfance.  

Son prédécesseur démocrate Barack Obama avait décidé en 2012 de lever la menace d’expulsion pesant sur ces jeunes surnommés «dreamers», et de leur accorder le droit de travailler, d’étudier ou de conduire.  

En 2017, son successeur républicain, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un de ses chevaux de bataille, a décidé de mettre un terme à ce programme baptisé DACA (Action différée pour les arrivées d'enfance), le décrétant «illégal».  

Des tribunaux ont suspendu sa décision, offrant un répit aux dreamers, mais le gouvernement a fait appel jusqu’à la plus haute juridiction.

Juste avant l’audience, Donald Trump a campé sur ses positions, assurant que Barack Obama n’avait «pas le droit» de signer le programme DACA. Il s’est toutefois dit prêt à discuter avec l’opposition pour que ces jeunes puissent «rester» aux États-Unis si la haute cour lui donnait raison.

Celle-ci ne rendra pas sa décision avant 2020, en pleine année électorale. Si elle sonnait le glas du programme DACA, les centaines de milliers de dreamers ne seraient pas immédiatement expulsés, mais retomberaient dans une situation juridique et administrative très précaire.

«Même le président!»

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Les dreamers sont défendus à la Cour suprême par l'avocat renommé Theodore Olson.

En attendant, «on est comme dans des montagnes russes», a assuré Angelica Villalobos, dont le nom figure sur la procédure.  

Cette Mexicaine de 34 ans a parlé à ses cinq enfants «des conséquences possibles» de la décision de la Cour suprême: «Peut-être que ne pourrons-nous plus travailler ou conduire, toutes ces choses qui font de nous une famille normale…»

Au delà des dreamers, beaucoup de secteurs de la société américaine seront touchés s’ils perdent leurs protections, a relevé pendant l’audience le juge Stephen Breyer, en énumérant les organisations «du secteur médical, de l’éducation, de l’humanitaire, de la construction, religieuses ou municipales» les soutenant dans la procédure.

Les autres juges progressistes ont, comme lui, semblé déconcertés par la décision de l’administration républicaine de pénaliser des individus «qui n’ont commis aucun crime, qui travaillent, paient des impôts».

«J’ai du mal à comprendre en quoi DACA est illégal […] Il ne s’agit pas de droit, mais d’une décision de détruire des vies», a déclaré Sonia Sotomayor. Leur présence sert beaucoup d’intérêts, a-t-elle poursuivi, «même le président dit qu’il va trouver un moyen pour qu’ils restent ici!»

«Pas des anges»

Le locataire de la Maison-Blanche souffle le chaud et le froid sur les dreamers, qui jouissent d’une relativement bonne image dans la population.  

«Beaucoup de bénéficiaires de DACA, qui ne sont plus tout jeunes, sont loin d’être des “anges”. Certains sont des criminels endurcis», a-t-il tweeté mardi, tout en promettant de chercher une solution pour qu’ils puissent rester sur le sol américain.

C’est cette ambiguïté qui est au cœur du dossier.  

Le droit administratif américain impose à l’exécutif de justifier ses décisions de manière «rationnelle». Or, les tribunaux ont jugé jusqu’ici que l’administration républicaine avait rendu une décision «arbitraire et capricieuse».

La fin du programme DACA risque «d’entraîner des perturbations importantes pour les vies de 700 000 personnes, de leurs familles, de leurs communautés, de leurs employeurs», a relevé l’avocat des dreamers, Theodore Olson.

Pour prendre une telle décision, «il faut donner des raisons solides», a-t-il poursuivi, reprochant au gouvernement de s’abriter derrière un prétexte «erroné».

«Que manque-t-il?»

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Noel Francisco

Le représentant du gouvernement, Noel Francisco, a rétorqué que l’administration ne pouvait simplement pas «maintenir une politique illégale». Il a également plaidé que la justice était incompétente en raison du pouvoir «discrétionnaire» de l’exécutif.

Ses argument ont semblé séduire les juges conservateurs de la Cour, qui sont majoritaires depuis l’élection de Donald Trump.  

Le magistrat Neil Gorsuch s’est ainsi demandé «pourquoi» les explications du gouvernement étaient «insuffisantes»? «Que manque-t-il» dans les justifications de l’administration?, a ajouté Brett Kavanaugh.

Le dossier a aussi «une grande importance pour les pouvoirs du président», soulignait avant les débats Steven Schwinn, professeur de droit à l’université de Chicago. Dans son arrêt, la Cour pourrait en effet étendre les pouvoirs discrétionnaires du locataire de la Maison-Blanche en l’autorisant à faire ou à défaire une politique sans explication.