Le bateau avance lentement dans le quartier inondé. Des gens tentent d'attirer son attention en criant des balcons, des fenêtres. Son conducteur, Curtis*, est venu de Dallas avec sa remorque et son bateau de pêche pour prêter main-forte aux secours à Houston.

Le quartier Lakeside borde le bayou Buffalo, au nord de la ville. Il est formé d'un ensemble uniforme de maisons de ville et d'appartements, qui s'étendent sur quelques rues à l'est de deux grands réservoirs : Addick et Baker.

Ce sont les deux réservoirs d'où les ingénieurs ont dû commencer à relâcher de l'eau vers 2 h dimanche matin pour éviter de perdre le contrôle des barrages.

Curtis a fait seul les six heures de route depuis Dallas et est arrivé dimanche soir, mais il était trop tard pour commencer les recherches. Il a dormi dans son camion et a commencé au petit matin à faire des allers-retours dans le quartier.

Son bateau de pêche sur lequel se trouve La Presse contourne le toit de voitures qui sortent de l'eau ou qui sont parfois entièrement submergées. Une femme âgée est assise seule dans un canot tiré lentement par son fils et un secouriste. « Ça fait 38 ans que j'habite ici, et je n'ai jamais vu cela », dit-elle en s'approchant de nous.

« Le quartier de Lakeside va finalement mériter son nom... » - Une sinistrée

La pluie, impitoyable, tombe sans relâche.

Des cris se font soudainement entendre de l'autre côté de la rue. Des secouristes agitent les mains et un groupe de jeunes hommes sur un balcon du troisième étage les pressent de se rendre au bout d'une cour intérieure.

« Man down ! », crie l'un d'eux.

Dans le canot qui approche, un secouriste tente vigoureusement de ranimer un homme âgé et à la barbe grise, qui gît inconscient dans le fond de l'embarcation.

L'un de ceux qui l'ont trouvé raconte qu'il a passé la nuit dans son camion et qu'il a peut-être été intoxiqué par les émissions de carburant.

« Il a dit qu'il ne pouvait pas sortir parce qu'il avait mal au dos », dit Justin Aldridge, de l'eau jusqu'à la poitrine et l'air hagard. Ses compagnons rejoignent le ponton d'un groupe de pompiers au milieu de la rue, et ceux-ci prennent le relais de la réanimation cardiaque.

LA SITUATION POURRAIT EMPIRER

Selon des médias américains, 10 morts seraient liées à la tempête tropicale Harvey jusqu'à présent, mais le bilan pourrait s'alourdir au cours des prochains jours.

Le chef de police de Houston, Art Acevedo, a confié à l'Associated Press qu'il était « vraiment inquiet du nombre de corps [qu'ils allaient] trouver ».

Douze mille soldats de la Garde nationale ont été mobilisés. Les autorités continuent tout de même de lancer des appels aux propriétaires d'embarcations ou de camions surélevés pour qu'ils contribuent aux efforts de sauvetage.

Bien souvent, les premiers répondants ne peuvent aider que dans les cas les plus graves, et les citoyens, secouristes improvisés, comme Curtis, tentent tant bien que mal de se charger du reste.

« J'ai commencé à 10 heures ce matin et je n'ai pas arrêté de transporter des gens », dit-il. Il prévoit retourner à Dallas le soir même pour aller chercher des collègues en renfort.

EN ROUTE VERS LA LOUISIANE

Pendant ce temps, la tempête continue d'avancer très lentement vers la Louisiane, la pluie ne donne aucun signe de répit et le niveau des cours d'eau pourrait continuer de monter au cours des prochains jours.

En fin de journée, hier, les quelques routes qui restaient ouvertes aux alentours de Houston, quatrième ville des États-Unis, fermaient graduellement.

Devant un supermarché de la banlieue de Sugar Lane, une file d'attente s'allongeait en après-midi hier après la diffusion de plusieurs avis d'évacuation et de débordement de la rivière Brazos.

« On fait des provisions parce qu'on s'attend à être enfermés chez nous jusqu'à samedi. »

- Une sinistrée, en train de remplir le coffre de l'auto de son père

Certaines personnes qui voudraient contribuer aux efforts de secours sont prises chez elles et ne peuvent plus bouger. C'est le cas du Québécois François Bergeron, qui peut continuer à habiter son appartement du deuxième étage, mais dont le quartier est totalement encerclé par l'eau.

« C'est frustrant : on est corrects ici, mais on ne peut pas aider, on ne peut rien faire », dit M. Bergeron, originaire de Granby et qui est professeur d'espagnol à Houston depuis deux ans.

D'autres doivent trouver des solutions pour leurs besoins les plus urgents : à Lakeside, Rob Jowers a pris son kayak pour aller porter des médicaments à son fils qui souffre d'asthme et qui habite chez ses beaux-parents, de l'autre côté d'un quartier inondé.

Une femme qui embarque dans le bateau du secouriste de Dallas transporte quant à elle son chien d'une main et, de l'autre, une valise d'où on entend des miaulements.

« J'ai dû mettre mon chat là-dedans », dit-elle. « C'est tout ce que j'ai trouvé et je n'allais pas abandonner mes bébés. »

On la dépose sur la terre ferme près d'un pont qui surplombe le bayou Buffalo, et où une ambulance et un camion de pompiers attendent, gyrophares allumés. Sur leur ponton presque échoué sur l'asphalte, les pompiers tentent encore de ranimer l'homme à la barbe grise. On ignore s'ils y sont arrivés.

* Malheureusement, la pluie a effacé le nom complet de Curtis de nos notes.

photo david j. phillip, associated press

Les autorités du Texas ont indiqué que 10 morts seraient liées à la tempête tropicale Harvey jusqu'à présent, mais le bilan pourrait s'alourdir au cours des prochains jours.