La main droite levée, Erica Kagan récite le serment d'allégeance aux États-Unis, ultime étape du long processus qui permettra à cette Canadienne de revendiquer la citoyenneté américaine.

« Je déclare, par le présent acte, renoncer et faire abjuration d'obéissance et de fidélité à toute puissance étrangère, prince, potentat, État ou souverain, desquels j'ai été le sujet ou le citoyen », débite la native de Toronto avant de s'engager notamment à « prendre les armes pour les États-Unis si la loi l'exige ».

Si le triomphe électoral de Donald Trump pousse certains Américains à rêver d'immigrer au Canada, Erica Kagan a choisi de mener à terme le parcours inverse, mardi, une semaine jour pour jour après le scrutin présidentiel.

« L'élection a certainement provoqué la division, mais ce pays a tant à offrir qui inspire vraiment la reconnaissance », a dit l'étudiante en sociologie avant le début d'une cérémonie de naturalisation à laquelle 14 autres candidats à la citoyenneté ont participé dans la salle d'accueil du Lower East Side Tenement Museum, à New York.

« Et je pense que ce qui est arrivé la semaine dernière est le signe que nous devons prêter attention à ce qui est vraiment important. De nombreuses personnes sont en colère. Le défi est de chercher à comprendre pourquoi et de dialoguer plutôt que de protester. En même temps, ce qu'il y a de bien, avec les États-Unis, c'est que c'est aussi un endroit où l'on peut protester. »

Survivre à Donald Trump

Installée à New York depuis 1998, Erica Kagan s'est refusée à tout commentaire négatif à propos de Donald Trump. D'autres nouveaux citoyens américains ont fait preuve de la même réserve. C'était le cas notamment d'Omar al-Khattab, médecin originaire d'Irak, où il a travaillé aux côtés de militaires américains avant d'immigrer aux États-Unis, il y a six ans.

Quand on a demandé à ce musulman âgé de 37 ans s'il ne craignait pas pour son avenir au pays de Donald Trump, il a esquissé un sourire avant de répondre : « Je suis optimiste. La peur de l'inconnu ne me décourage pas. Je vois les occasions durant les heures les plus sombres. »

« Et vous savez quoi ? Si vous êtes capable de survivre à l'Irak, vous pouvez survivre à tout, y compris Donald Trump », affirme Omar al-Khattab, médecin originaire d'Irak.

Né en Belgique il y a 37 ans et installé aux États-Unis depuis 2007, Yves Cochez fait pour sa part confiance aux institutions américaines.

« La campagne présidentielle a été affreuse, mais il faut respecter le vote des citoyens, un vote de ras-le-bol comme on en voit souvent en Europe », a déclaré ce chef des stratégies de placement d'une banque privée. « Au bout du compte, il y a un Congrès, un président, une Cour suprême. Le système fonctionne depuis plus de deux siècles et il fonctionnera encore longtemps. »

Ce n'était pas la première fois que le Service de la Citoyenneté et de l'Immigration des États-Unis organisait une cérémonie de naturalisation au Tenement Museum, musée consacré aux immigrés qui sont arrivés à New York à la fin du XIXe siècle et au début du XXe.

Mais les dirigeants de l'agence fédérale invitent rarement les médias à assister aux cérémonies se déroulant à cet endroit exigu. D'où l'impression qu'ils ont voulu passer un message contrastant une semaine après l'élection de Trump. Avant le serment d'allégeance aux États-Unis, le juge Robert Katzmann, petit-fils de Juifs russes, a d'ailleurs émis un commentaire caustique en faisant référence au test de citoyenneté que les candidats ont dû passer.

« Vous en savez plus sur le pays que bien des personnes qui ont voté », a-t-il lancé.

Les grands principes américains «remis en question»

Honorée au cours de la cérémonie, l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU Samantha Power a livré un message encore plus pointu en évoquant une campagne présidentielle où les grands principes américains « ont été remis en question ».

« J'imagine que cette période récente a peut-être poussé certains d'entre vous à vous demander si c'était l'Amérique à laquelle vous pensiez vous joindre. Cette période a peut-être même incité certains d'entre vous à vous demander si vous vouliez être citoyens », a déclaré Power, qui a quitté l'Irlande à l'âge de 9 ans pour s'installer à New York avec ses parents.

Si les Kagan, al-Khattab et Cochez ont entretenu les idées mentionnées par Power, ils se sont bien gardés de le dire.

Photo Mary Altaffer, Associated Press

Erica Kagan et 14 autres personnes ont récité le serment d'allégeance aux États-Unis, mardi, au Lower East Side Tenement Museum de New York.

PHOTO MARY ALTAFFER, ASSOCIATED PRESS

Samantha Power, ambassadrice des États-Unis à l'ONU