Les deux prochaines années d'Obama à la Maison-Blanche pourraient être difficiles si son parti devait perdre le contrôle du Sénat (ce qui est désormais fait), explique Frédérick Gagnon, directeur de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM. La Presse lui a parlé hier soir.

Q: Les démocrates pourraient perdre le contrôle du Sénat ce soir [hier]. Quel impact cela pourrait-il avoir sur le fonctionnement du Congrès?

R: Ça dépend du nombre de sénateurs que les républicains réussiront à faire élire. S'ils atteignent le chiffre magique de 60, ce qui est peu probable, les républicains pourraient avoir les mains libres et adopter des projets de loi qui ne feraient pas l'affaire d'Obama, car il faut l'accord de 60 sénateurs sur 100 pour clore les débats et passer au vote. Si les républicains n'ont pas 60 votes, la minorité démocrate resterait quand même assez puissante.

Q: Avec un peu plus de 2 ans à faire à la Maison-Blanche, quel serait pour l'impact pour l'administration de Barack Obama d'un Sénat contrôlé par les républicains?

R: Ses projets à lui, notamment ses projets sur la réforme de l'immigration, deviendront beaucoup plus difficiles à réaliser. Autre problème pour Obama: le parti majoritaire deviendra aussi majoritaire au sein des commissions parlementaires du Sénat, et la présidence des commissions appartiendra à des républicains, un pouvoir assez important. Or, ce sont les présidents qui déterminent les enjeux dont on discute. On imagine bien un John McCain, qui pourrait se retrouver à la tête de la commission du Sénat sur les forces armées, avoir très envie de remettre en question la politique d'Obama sur le groupe État islamique... Les républicains auraient plus de facilité encore à attirer l'attention sur ce qui ne tourne pas rond dans l'administration Obama. En conséquence, Obama devrait être contraint de se défendre beaucoup plus souvent.

Q: Depuis l'élection d'Obama, les républicains ont choisi de faire de l'obstruction. S'ils devenaient majoritaires, devraient-ils changer de stratégie?

R: Il va y avoir un débat au sein du parti. Pour le moment, le parti se tient, la discipline n'est pas automatique, mais elle est forte, ces jours-ci. Certains, plus proches du Tea Party, vont dire: «Nous avons trouvé la bonne formule, continuons à jouer le jeu de l'obstructionnisme. Ne faisons pas de cadeaux à Barack Obama.» D'autres voudront tendre davantage vers la modération en prévision du scrutin présidentiel de 2016. Hier, j'étais dans l'État de New York et au Vermont, et les démocrates avaient la mine basse. Du côté républicain, le discours était triomphaliste. Mais ils devront être prudents en prévision de 2016, et faire un examen de conscience, car gagner la Maison-Blanche avec un candidat très campé à droite, ce n'est pas facile.

Q: Les élections de mi-mandat sont les élections «dont tout le monde se fiche», écrivait le Washington Post. À peine 15% des Américains ont suivi la campagne, selon le Pew Research Center. Comment expliquer ce désintérêt?

R: Les élections présidentielles et les élections de mi-mandat sont très différentes. Ces dernières sont moins suivies. Les gens qui vont voter sont généralement plus motivés, plus fâchés à l'égard des politiques de la Maison-Blanche. Il ne faut pas oublier que le système est très compliqué: j'étais à un bureau de scrutin hier avec des étudiants, et les bulletins étaient incompréhensibles. Il y a des tonnes de noms parmi lesquels il faut choisir... Pour les gens, aller voter aux élections de mi-mandat, ça devient une tâche. Il y a aussi un sentiment que les deux partis ne font rien à part se quereller. En outre, les candidats sortants au Sénat et à la Chambre des représentants sont souvent réélus, à 90% dans le cas de la Chambre de représentants. Il y a très peu de sièges «ouverts», si bien que les électeurs perdent l'intérêt.