Les élus de l'État de la Géorgie viennent d'adopter une loi controversée surnommée «Guns Everywhere» (des fusils partout), qui permettra aux gens d'avoir leur arme autorisée sur eux dans les bars, les églises, les aéroports et certains bâtiments gouvernementaux. Un pas de plus dans une croisade pro-armes lancée il y a 15 ans, et qui est encore mal comprise - et mal combattue - par ses opposants, dit Paul M. Barrett, auteur de Glock: The Rise of America's Gun. La Presse l'a interviewé.

Q: En quoi la loi «Guns Everywhere» change-t-elle la donne en Géorgie?

R: La nouvelle loi est une manifestation extrême d'un courant qui façonne la politique aux États-Unis depuis plus de 15 ans: libéraliser les règles qui encadrent les armes à feu. La loi de Géorgie permet le port d'armes, pour les citoyens détenteurs d'un permis, dans plusieurs endroits publics, comme les aéroports, les églises et les bars. Cela dit, la loi comporte des nuances importantes: par exemple, le port d'armes va demeurer interdit dans les églises tant que la congrégation n'aura pas voté pour l'autoriser. Et les propriétaires de bar qui ne veulent pas d'armes dans leur établissement n'auront qu'à placer une affiche à l'entrée, une pratique qui est déjà en vigueur pour les armes cachées (concealed weapons).

Q: Le gouverneur doit signer la loi pour qu'elle soit promulguée. Peut-on croire qu'il le fera?

R: Le gouverneur républicain Nathan Deal, qui doit se battre pour sa réélection cet automne, est un fervent partisan du droit au port d'armes, alors on s'attend à ce qu'il signe la loi. Son opposant est Jason Carter, sénateur démocrate en Géorgie et petit-fils de l'ex-président Jimmy Carter, et il a voté pour la loi...

Tout cela est parfaitement déconcertant pour les millions d'Américains qui n'appuient pas le port d'armes. Mais ce sont des mesures très populaires dans certains États, surtout ceux du Sud, où la culture des armes est très forte.

Q: Depuis le massacre de l'école primaire Sandy Hook, en 2012, l'attrait des armes à feu semble encore plus grand...

R: Après Sandy Hook, une vague d'États ont passé des lois restreignant l'accès aux armes. Aujourd'hui, on assiste au contrecoup de ce phénomène: au cours de la dernière année, 21 États ont adopté des lois qui étendent les droits des propriétaires d'armes.

Les armes à feu sont le plus puissant symbole qui sépare les idéologies dans la culture américaine. On voit d'ailleurs qu'il n'y existe pas une culture américaine, mais bien plusieurs cultures qui cohabitent tant bien que mal. Géographiquement, il n'est pas difficile d'aller vivre dans des endroits où il est pratiquement impossible d'acquérir une arme. J'habite New York, où des lois extrêmement sévères sont appliquées, des lois qui n'ont pas été changées depuis des décennies. Les gens du Sud pensent autrement, et leurs lois reflètent ce fait.

Q: Vous voyez d'un mauvais oeil les lois assouplissant le contrôle des armes, comme la loi «Guns Everywhere». Pourtant, vous êtes d'avis que les progressistes qui s'opposent au port d'armes ratent la cible avec leurs critiques. Comment peuvent-ils être plus efficaces?

R: Ce que je dis aux gens qui sont préoccupés par les armes, c'est: ne critiquez pas ou ne ridiculisez pas la culture sur les armes. Attaquez-vous plutôt à la question des crimes commis avec les armes. Étudiez un endroit où les crimes et les accidents sont en baisse, trouvez ce qui fait la différence, et battez-vous pour que cela soit appliqué ailleurs. Les enfants ont trop facilement accès aux armes? Battez-vous pour que cela change. Il y a trop d'armes illégales entre les mains de criminels? Voyez ce que certains États font, et appliquez les leçons. Traiter les gens qui achètent des armes de rednecks ne mène nulle part. Il n'y a pas de réponses faciles, surtout dans un environnement où le taux d'homicides est en baisse dans la société, comme c'est le cas aux États-Unis depuis des décennies, un fait largement exploité par la National Rifle Association (NRA).