«La vie de la plus belle petite fille de six ans a été prise dans cette tuerie», lance un homme avec grande tristesse.

Réuni avec quelques proches devant sa maison, à quelques centaines de mètres de la résidence où le tueur de Newtown, Adam Lanza, habitait, l'homme démoli indique qu'il n'a pas fait de commentaire aux médias avant nous, et qu'il n'en fera pas d'autre ensuite.

Il explique que sa petite voisine fait partie des enfants qui sont tombés sous les balles. Il a considérait comme sa petite-fille. Il veut maintenant vivre son deuil en privé.

Des histoires comme celle-là, il s'en vivra des dizaines dans ce petit quartier de Newtown, Sandy Hook, qui a plutôt l'air d'un village idyllique à l'ambiance cossue, feutrée, typique de la Nouvelle-Angleterre.

Les identités des victimes viennent tout juste d'être dévoilées par les autorités, mais avant de les connaître, tous savaient bien que dans une communauté tricotée aussi serrée, tous reconnaîtraient des victimes.

Dans un restaurant du village, une femme nous dit connaître plusieurs familles endeuillées. «Je suis dévastée», lance-t-elle.

Christine Crudo, une Québécoise qui habite  Sandy Hook depuis une dizaine d'années, a vu ses trois enfants fréquenter l'école dans le passé.

Elle connaît bien Mary Sherlach, la psychologue de l'école qui a été assassinée à peu près au même moment que la directrice de celle-ci.

«Elle était très gentille, elle aimait les enfants comme toutes les personnes qui travaillaient dans cette école, qui était très différente des écoles canadiennes. Il y avait 16-18 enfants par classe et tout le monde se connaît», explique Mme Crudo.

Dans le très cossu quartier où habitait Adam Lanza avec sa défunte mère Nancy, sur la rue Yogananda, tout le monde se demande encore ce qui a bien pu se passer. Personne ne semble bien connaître Adam. Tous savent qui il est, mais ne lui ont jamais vraiment parlé.

«Il n'était pas quelqu'un de populaire. Mais il n'était pas anormal non plus», dit un jeune homme du même âge que lui.

Sur la rue de Lanza, et celles du voisinage immédiat, des familles vivent un deuil.

Elise Peier, 10 ans, était dans sa classe de quatrième année à Sandy Hook quand Lanza y a fait irruption vendredi matin. Elle habite aussi à 300 mètres de chez Adam Lanza.

«Je ne l'ai pas vraiment vu, mais j'ai entendu les coups de feu. Quand on a réalisé ce que c'était, on s'est caché dans un coin de la classe, puis dans une armoire. J'ai eu très peur. Notre prof nous a dit de rester calmes», raconte-t-elle, tremblotante, visiblement ébranlée, en serrant très fort la main de sa grande soeur Annie, 16 ans.

Celle-ci aussi a eu la frousse de sa vie. Elle était à la maison à l'heure du drame. Quand elle a appris qu'il y avait une fusillade dans son ancienne école, son coeur a fait trois tours. Mais pas autant que quand elle a connu l'ampleur réelle de l'affaire.

«Au départ, je pensais à deux ou trois blessés. Pas à 26 morts. Ma petite soeur est bien chanceuse», dit-elle.

La petite soeur elle, dit connaître certaines des victimes.

«Ce sont des enfants de première année, plus jeunes que moi. Mais il y en a certains qui prennent le même autobus que moi le matin, qui viennent donc du quartier ici», se désole-t-elle.

Les enfants devront forcément retourner en classe un jour.

«Nous avons été avisés que l'école reprendra rapidement, mais les élèves iront dans une autre école pour un temps. Il faut que ça reprenne, c'est la seule façon de continuer», croit Christine Cruso.

«Je pense qu'on va retourner à l'école dans quelque semaine. Je veux et ne veux pas y retourner. J'aime mon école, mais ça sera bizarre, très différent», dit Elise.

En attendant, le village, qui est assiégé par les journalistes de partout dans le monde, qui font pratiquement doubler sa population habituelle, se serre les coudes.

Presque tous les commerçants du village ont affiché des pancartes aux slogans encourageant les proches des victimes et le personnel de l'école Sandy Hook.

«Hug a teacher», lit-on sur le mur d'un café.

Le marchand de vin du village a recouvert le panneau affichant ses rabais du jour d'un grand carton invitant à la prière.

Un groupe a commencé à amasser des fonds pour les familles de victimes.

Des gerbes de fleurs sont déposées un peu partout dans le village.

Les deux églises du coin sont bondées de gens tentant de trouver du réconfort dans la prière.

«It suck's. Je suis un père, j'ai deux enfants, et j'en ai déjà perdu un», a simplement lancé le pasteur Bryan Bywater, lorsque questionné sur ce qu'il pensait de tout ça.

«Vous avez un enfant dans son siège d'auto un jour, et dans un cercueil le lendemain. C'est l'horreur», poursuit-il.

«La dernière fois qu'une célébrité a fait parler de Newtown, c'était Bruce Jenner (un médaillé d'or olympique en décathlon, aux jeux de Montréal en 1976), qui a grandi et a étudié ici. Nous-mêmes sommes venus à Newtown de Pittsburgh parce qu'il y a ici de bons programmes sport-étude. Et que c'était sécuritaire. Maintenant, nous serons hélas célèbres pour autre chose», a déploré un père marchant dans le village avec son adolescent.

Mais Christine Crudo croit que le village passera à travers.

«Ici, tout le monde vient d'ailleurs. Notre famille, c'est nos voisins et nos amis. On fête Noël ensemble. On est un peuple très fort, on se rencontrer souvent. On va passer à travers ensemble», conclut-elle.