Washington, en quête de partenaires pour ses efforts de paix au Proche-Orient, a fait cette semaine un nouveau pas vers la fin de la brouille avec la Syrie, même si la méfiance demeure des deux côtés. Sept mois après l'avoir promis, l'administration Obama a nommé un nouvel ambassadeur à Damas. Il s'agit, selon plusieurs médias, de Robert Ford, un ancien ambassadeur à Alger.

Sa nomination, qui doit être confirmée par le gouvernement du président syrien Bachar al-Assad, intervient au lendemain d'une nouvelle visite à Damas de George Mitchell, l'émissaire américain pour le Proche-Orient.

Simultanément, une enquête du journaliste Seymour Hersh pour le New Yorker a révélé que les services secrets syriens avaient repris leur coopération avec la CIA américaine et le MI6 britannique.

Ces développements sont le fruit d'un an d'efforts de Washington pour relancer une relation interrompue en 2005, après l'assassinat attribué à la Syrie de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri.

Pour le président Barack Obama, comme pour le Français Nicolas Sarkozy qui a fait le même calcul, il était difficile de se passer plus longtemps du dialogue avec un acteur régional imprévisible, mais incontournable.

La Syrie est, à la fois, un soutien du Hezbollah libanais contre Israël, et engagée dans un dialogue avec l'État juif au sujet du plateau du Golan, annexé par Israël en 1967.

Cette position contradictoire est émaillée de tensions dangereuses, dont témoignent de violents échanges verbaux cette semaine entre les diplomaties syrienne et israélienne.

Damas pèse aussi sur la situation en Irak, et a été accusé ces derniers mois d'abriter des auteurs d'attentats dans ces pays.

La Syrie est enfin un allié de l'Iran, que les États-Unis cherchent à isoler.

Autant de raisons pour lesquelles «il fallait essayer le dialogue», résumait ces derniers jours George Mitchell devant les experts de l'institut Hudson, en soulignant pour les sceptiques que «parler avec quelqu'un ne signifie pas être d'accord avec lui».

La nomination d'un ambassadeur américain à Damas changera peu la diplomatie syrienne, estiment en tous cas les experts.

«L'effort vaut la peine d'être fait, pour améliorer la relation entre les États-Unis et la Syrie, pour voir si une négociation syro-israélienne peut aboutir, et pour bousculer les Iraniens», énumère Aaron David Miller, de l'institut Woodrow Wilson.

Mais «les chances que cela amène rapidement des résultats importants sont très faibles», ajoute-t-il aussitôt, parce que la nomination «ne reflète en rien une véritable amélioration de la relation».

Washington vient d'ailleurs de renouveler des sanctions contre la Syrie, et l'a inscrite sur une «liste noire» après l'attentat manqué du jour de Noël 2009 contre un avion américain.

La Syrie ne paraît pas non plus prête à desserrer son lien avec l'Iran, partenaire stratégique à plus d'un titre.

C'est, en particulier, grâce au Hezbollah pro-iranien que Damas continue d'influer au Liban.

La première mission de l'ambassadeur américain devrait être de travailler à la reprise des discussions entre la Syrie et Israël, croit savoir Marina Ottaway, qui étudie le conflit israélo-palestinien à la fondation Carnegie.

Si la nomination du diplomate ne traduit pas de grandes avancées dans la relation entre Damas et Washington, il survient aujourd'hui, selon elle, «parce que l'administration Obama sent qu'elle doit faire quelque chose pour le processus de paix enlisé, et que ce geste-là n'est pas trop difficile à réussir».