L'administration Obama doit annoncer sous peu son souhait de recourir aux tribunaux militaires d'exception mis en place par George W. Bush pour juger certains détenus de Guantanamo, notamment les accusés du 11-Septembre, mais en améliorant les droits de la défense.

Des sources gouvernementales ont assuré mardi que cette annonce devrait intervenir «cette semaine».

Créés par une loi votée en 2006 par le Congrès, ces tribunaux ultra-controversés appelés «commissions militaires» n'ont servi concrètement que trois fois.

Le président Obama va «demander au Congrès de modifier les règles», afin de limiter le recours aux témoignages non confirmés à la barre, d'empêcher l'usage de confessions recueillies sous la torture et de permettre aux accusés de choisir eux-mêmes leur avocat, a précisé à l'AFP une source proche du dossier souhaitant garder l'anonymat.

Les dossiers concernés sont notamment ceux des cinq hommes accusés d'avoir organisé les attentats du 11 septembre, dont Khaled Cheikh Mohammed, le cerveau auto-proclamé de ces attentats. Tous risquent la peine de mort.

De sources concordantes, le gouvernement va demander une prolongation de la suspension des activités des tribunaux, interrompues le 20 janvier sur demande de Barack Obama, afin de se donner le temps de saisir le Congrès.

Pour Jon Jackson, avocat militaire d'un des accusés du 11-Septembre, Mustafa Ahmaed Adam al Hawsawi, Obama choisirait à tort la facilité en conservant les tribunaux d'exception.

«Il est facile pour le président de choisir les commissions militaires parce qu'elles sont déjà en place (...), la difficulté, c'est de juger ces hommes devant un tribunal régulier, comme un tribunal fédéral ou une cour martiale», a-t-il expliqué à l'AFP.

Au coeur du problème, le fait que certains détenus considérés comme les plus «intéressants» ont été torturés par la CIA. Des notes internes au ministère de la Justice révélées à la mi-avril affirmaient entre autres que Khaled Cheikh Mohammed avait été soumis 183 fois en un mois à la simulation de noyade.

Pour lui comme pour d'autres, «la seule chose qu'interdit un tribunal fédéral, c'est que les éléments recueillis sous la torture soient utilisés», a expliqué à l'AFP Sarah Mendelson, experte au Centre d'études internationales et stratégiques, à Washington. Or, a-t-elle ajouté, l'accusation dispose de suffisamment de preuves matérielles pour mener un procès.

Mais, selon d'autres experts, le problème est à tiroirs. Le traitement auquel certains détenus ont été soumis pourrait leur permettre d'obtenir des peines moins lourdes devant des tribunaux fédéraux. D'où la volonté de les contourner.

«Il serait tristement ironique que nous en venions à justifier l'usage des commissions militaires (...) en raison des tortures que nous avons fait subir» à ces hommes, a dénoncé Sharon Bradford Franklin, experte pour l'organisation Constitution Project.

«Cela ternirait encore tellement l'image des États-Unis et saperait l'idée que l'administration Obama tourne la page des pratiques du passé», a regretté Tom Parker pour Amnesty International.

Mais intéressé au premier chef, ce sera au Congrès de trancher.

«Ils ont fait une grosse erreur en annonçant en fanfare la fermeture de Guantanamo sans un plan abouti», a déclaré à l'AFP John McCain, ancien rival de M. Obama à la présidentielle.

«Tant qu'elle n'ont pas les mêmes règles que celles de l'administration Bush (les commissions militaires) pourraient être une alternative crédible que je n'écarterai pas à ce stade», a estimé le sénateur démocrate Sheldon WhiteHouse.