Le temps des corsaires n'est pas révolu pour le républicain Ron Paul qui souhaite remettre au goût du jour un droit inusité du Congrès américain: accorder des «lettres de marques» pour pourchasser et éliminer les pirates dans les eaux internationales.

Dans une vidéo postée sur YouTube, le représentant Ron Paul, connu pour ses prises de positions en marge du parti républicain, estime que la recrudescence de la piraterie au large des côtes orientales de l'Afrique fait réfléchir aux «lettres de marque et de représailles» contre les pirates, qui figurent toujours dans la Constitution américaine.

«Si chaque pirate potentiel savait que c'était en vigueur, il penserait différemment, car il pourrait être facilement balayé des mers».

Sollicité par l'AFP, M. Paul n'a pu être contacté mercredi.

L'élu, partisan notoire de la non-intervention américaine dans les conflits étrangers, fait appel aux Pères Fondateurs des Etats-Unis qui ont rédigé la Constitution américaine à la fin du XVIIIe siècle, âge d'or de la piraterie.

Selon le texte, le Congrès a le pouvoir de «punir les actes de piraterie et crimes commis en haute mer (...) de déclarer la guerre, d'accorde des lettres de marque et de représailles» pour combattre les ennemis sur les mers. Les poursuivants obtiennent ensuite des «primes» en échange des services rendus au Congrès, poursuit la Constitution.

Très utilisée lors de la guerre d'Indépendance et celle de 1812 contre les Anglais, cette disposition est depuis tombée en désuétude.

Si le Congrès venait à retenir l'idée de Ron Paul, une importante refonte du concept serait nécessaire.

Les nouveaux corsaires ne pourraient pas se payer «en nature» comme autrefois, et un système de primes sur les personnes capturées devrait être instauré, comme c'est le cas par exemple pour la capture d'Oussama Ben Laden, que le Sénat avait fixée en 2007 à 50 millions de dollars.

Mais les experts sont au mieux perplexes, au pire goguenards, sur cette idée sortie des temps lointains de la marine à voile.

«Ron Paul est une personne fascinante qui ne représente qu'un parti, le parti de Ron Paul», a dit à l'AFP Stephen Hess, expert en politique américaine du groupe de réflexion Brookings Institution.

Selon lui, le problème de la piraterie «ne va pas être résolu en accordant à quelqu'un un permis de chasser les pirates». «Je ne vois pas quel Congrès voudrait, ou pourrait, agir en ce sens», a-t-il estimé.

Son collègue de la Brookings, Thomas Mann, reconnaît que la lettre de marque existe toujours dans la constitution américaine, «mais c'est plutôt pittoresque», dit-il.

M. Paul, étiqueté républicain libertaire, qui s'est distingué par le passé par de nombreuses candidatures à la présidentielle, rapidement avortées, a peu de chances de bénéficier de soutiens au Congrès pour son idée.

De plus, le projet rappelle l'utilisation controversée en Irak de la société de sécurité Blackwater pour protéger le personnel diplomatique américain.

Le nom de Blackwater a été sévèrement entaché lorsque cinq de ses agents ont été accusés par la justice américaine d'avoir tiré sur des civils irakiens désarmés lors d'une fusillade qui avait fait 17 morts le 16 septembre 2007.